Lot n° 83

DUBUFFET (Jean ). (1901-1985). 7 L.A.S. et 12 L.S., Paris 1946-1980, au révérend-père Patrick O’Reilly ; 19 pages formats divers, plusieurs enveloppes.

Estimation : 2500 / 3000
Adjudication : 3 416 €
Description
Très intéressante correspondance sur l’Art brut, et le projet (non abouti) de consacrer un des Cahiers de l’Art brut à Somuk, un dessinateur des îles Salomon, dont le Père O’Reilly avait collecté d’étonnants dessins. [Patrick O’Reilly (1900-1988), père mariste, aumônier de la Réunion des étudiants catholiques du 104 rue de Vaugirard, était aussi ethnologue, et effectua plusieurs missions ethnographiques dans le Pacifique ; il fut un des fondateurs de la Société des Océanistes en 945, et son secrétaire général.] Nous ne pouvons citer ici que quelques lettres. 17 janvier 1946. « Il faudrait bien concrétiser un peu l’affaire Somuk. Je veux porter à Gallimard tout ensemble les cinq premiers cahiers de l’“Art Brut”. Or mon programme comporte Somuk pour deuxième cahier. On pourrait peut-être déjà donner à photographier tous les documents que nous avions déjà choisis ensemble […] On pourrait aussi déjà établir le texte du conte que nous donnons dans la langue indigène avec la traduction juxtalinéaire »... Vendredi, au sujet d’un rendez-vous avec Jean Paulhan à la NRF... Samedi : « Après trois semaines d’affreuses peines j’ai fini par mener à bien la difficultueuse rédaction de l’“éditorial” pour le premier numéro de L’Art Brut. Et notre article sur Somuk et ses copains ? Est-ce que ça marche ? J’ai envie de mettre dans le premier cahier (celui sur Soutter) une suite de photos isolées diverses pour mettre d’entrée le lecteur dans le climat. Il me semble qu’une photo de notre collection ferait bien dans le nombre. Une bien pommée par exemple un Totopiock ou bien ce drôle de dessin représentant un homme assis [...] et sur lequel il est indiqué qu’il est fait par un Chef de je ne sais quoi, enfin par un Chef »…. Jeudi : il demande au Père une notice pour accompagner les dessins de Somuk ; il va avoir à son atelier une réunion avec Gaston Gallimard au sujet de l’Art brut… 14 août 1948, apprenant qu’O’Reilly part pour l’Inde : « Le Foyer de L’Art Brut aussi émigre ; mais pas si loin. Nous aménageons en ce moment le fastueux pavillon que Gaston Gallimard a mis gracieusement à notre disposition, rue de l’Université, pour y installer nos petites collections et y faire des expositions [...] C’est maintenant d’une façon comme semi-privée, un peu comme un club où il faut montrer patte blanche pour entrer, que nous avons constitué notre “Compagnie de L’Art Brut”, c’est mieux ainsi, cela fera moins foire qu’au sous-sol René Drouin [la galerie René Drouin, premier lieu d’exposition de l’Art brut] »... 15 janvier 1949 : « Il y a un mois quelqu’un m’a dit que vous étiez de retour à Paris, sur quoi j’ai déposé au 104 une lettre pour vous signaler des objets d’art religieux (lièges sculptés de Gironella) exposés à l’Art Brut et susceptibles, à mon sens, de vous intéresser... Il évoque des envois d’O’Reilly [des Nouvelles Hébrides], dont une carte « illustrée de statues qui ont la mine patibulaire et défaitiste des personnages que dessine notre ami Gaston Chaissac et qui me font toujours très peur » ; et des pages de la revue Life, « dont cet ange de la Mort et autres “santos” de ces affreux tueurs mexicains. Ces photographies vont immédiatement prendre place dans les albums de documents de L’Art Brut »... 1er mai [1949] : « Je reviens d’El Goléa (Sahara) [...] On n’y trouve rien dans l’ordre des chaussettes écossaises [...], ou de la dorade gratinée sur canapé. On n’y trouve guère que du sable [...] C’est bien le seul lieu où l’on trouve des gens à qui rien ne manque et qui ne paraissent aspirer dans aucune demande à aucun ordre de chose différent du présent [...] Ici à Paris les gens aspirent, ils ne cessent d’aspirer [...] J’ai eu un rendez-vous avec Gaston Gallimard. C’est incroyable ce qu’il est radin. Finalement j’ai obtenu ce que je voulais : une rémunération pour moi pour les Cahiers de l’Art Brut et une rémunération pour les autres collaborateurs ».... 8 janvier 1951. Son ami « Alfonso Ossorio, d’origine philippine, de nationalité américaine, domicilié à New-York mais pour le moment séjournant (depuis peu) à Paris, vient d’exécuter un ample travail de décoration d’une église aux Iles Philippines [..] Il s’agit en effet d’une forme d’art très originale et personnelle, assez surprenante en vérité, et telle que je ne vois pas à quoi de connu […] on pourrait l’apparenter. C’est un art tumultueux et foisonnant, plein d’exaltation et de ferveur et je ne crois pas connaître, dans le domaine de l’art sacré, aucune œuvre aussi efficiente et intéressante »... 21 juin 1964, demandant à O’Reilly de faire partie de l’association de l’Art Brut, où Dubuffet veut « grouper cent personnes qui soutiennent l’activité de l’Art Brut de leur affection et qui, éventuellement, nous aident dans nos recherches »… 12 août 1980 : « Je regarde la carte (ce poudroiement d’îles), je vois que nous voici maintenant à quelque 3000 kilomètres de notre Somuk et de son île Bougainville, que le monde est grand ! [..] Merci de votre beau livre, qui va prendre place dans la bibliothèque de référence de la collection de l’Art Brut à Lausanne. Ce qui frappe c’est le goût commun des figurations d’un bout à l’autre du monde et d’un bout à l’autre des temps. On n’y trouve guère de vrais importants écarts [...] Les œuvres de votre Mara son très imposantes. Je suis intrigué aussi par vos quelques lignes (mais non illustrées) sur son compatriote le peintre Le Moine »… On joint : une L.A.S. de Patrick O’Reilly (7 sept. 1971) s’attristant du déménagement des collections d’Art Brut vers Lausanne, jointe à la Communication aux membres de la Compagnie de l’Art Brut par Jean Dubuffet (10 août 1971, ronéotée) ; des cartons d’invitation des galeries Drouin (1947), Rive Gauche (1961), Daniel Cordier (1960), Haim (1964), La Pochade (1968) ; 2 livrets de La Compagnie de l’Art brut ; 2 catalogues d’exposition : Galerie André (1945), Galerie Les Mages d’Alphonse Chave (1959) ; une préface de Daniel Cordier (dépliant) ; discours ronéoté de Gaëtan Picon sur la Donation Dubuffet, 30 septembre 1967.
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