Lot n° 158

COCTEAU, Jean. Le Grand Écart. Sans lieu [Le Lavandou], 1923. Manuscrit autographe de 118 ff., la plupart de format in-4 ou grand in-8, montés sur des feuillets de papier ivoire grand in-4 : box noir, dos lisse orné du nom de l'auteur et du titre...

Estimation : 30000 / 40000
Adjudication : 48 500 €
Description
en lettres mosaïquées
de maroquin bleu, gorge-de-pigeon, jaune, vert céladon et rouge ; les plats sont ornés d'un très beau
décor formé de listels mosaïqués de maroquin reprenant les mêmes tons que le dos (plus le vert et le
violet) et figurant une grande gerbe stylisée ; bordure intérieure ornée de courts listels mosaïqués de
maroquin bleu, jaune et violet, doublures de soie verte serties d'un listel de maroquin rouge, gardes de
soie verte, tranches dorées, sous chemise-étui (Semet & Plumelle, Picabia inv.).
beau manuscrit de premier jet, complet : il contient la version primitive du Grand Écart.
Il est rédigé sur des feuilles de format et de nature différents : papier blanc in-4 ou pages de cahier
d'écolier, couvertures comprises, de format in-8. Il comporte en tout 122 feuillets chiffrés de 1 à 119,
et trois chiffrés 1bis, 3bis et 8bis. La plupart ont été écrits au verso, soit 132 pages à l’encre noire ou au
crayon. Le texte présente de nombreux passages rayés, des corrections, surcharges et ajouts.
On connaît un autre manuscrit du roman, daté du 21 juillet 1922 : il s’agit de la “réécriture
essentiellement stylistique, soucieuse de condensation et de vivacité” évoquée par Serge Linarès dans
l’édition de la Pléiade. Ce manuscrit est fixé à la Fondation Martin Bodmer à Cologny.
Premier roman de Jean Cocteau rédigé en compagnie de Raymond Radiguet au Lavandou.
Il est librement inspiré de La Chartreuse de Parme, manière de contrepoint au Diable au corps composé à la
même époque par Raymond Radiguet dans l'esprit de La Princesse de Clèves. “Le Grand Écart, son premier
roman, livre la plupart des thèmes de l'oeuvre à venir. L'éducation sentimentale de Jacques Forestier,
jeune bourgeois parisien, transpose sa liaison de 1909 avec l'actrice Madeleine. André Gide n'en croit
pas un mot. Paul Valéry est plus perspicace : “Ce n'est pas un roman. Ce dont je vous félicite. C'est
vous. Ce que je préfère.” Le style est racé. Il capte en formules concises des images qui ont la justesse
d'un rébus déchiffré : Jacques admirait les beaux corps et les belles figures, à quelque sexe qu'ils appartinssent. Cette
dernière singularité lui faisait prêter de mauvaises moeurs ; car les mauvaises moeurs sont la seule chose que les gens
prêtent sans réfléchir” (Jacques T. Quentin).
Ce manuscrit offre d'importantes et nombreuses variantes par rapport à la version imprimée.
Le protagoniste ne s'appelle pas encore Jacques Forestier mais Paul Maréchal, et de nombreux passages
ont été supprimés ou complètement retravaillés ; le début est tout à fait différent et l’épilogue manque
encore. “Le découpage en chapitres numérotés n’est pas encore fait, même si certains sont déjà isolés
par un symbole, tel un coeur. Abréviations et fautes d’orthographe trahissent une rédaction tendue et
rapide” (S. Linarès).
Véritable laboratoire de l'écrivain, il livre ainsi secrets et recettes d'écriture, hésitations et repentirs,
tout en restituant le geste pressé d'un Cocteau saisi en pleine création.
Superbe reliure mosaiquée de Semet & Plumelle, exécutée d'après une maquette originale
de Francis Picabia.
Le décor des plats, très stylisé, est d'une grande pureté graphique et chromatique. On a relié au début du
volume un état définitif de la maquette originale de Picabia : une petite épreuve tirée en blanc sur fond
noir et rehaussée à la main.
Jean Cocteau, OEuvres romanesques, Paris, Pléiade, 2006, pp. 263-344 et 947-974.- Quentin, Fleurons de la Bodmeriana, nº 67 :
pour le manuscrit conservé à la Fondation Martin Bodmer.
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