Lot n° 92

FLAUBERT, Gustave. L'Éducation sentimentale. Histoire d'un jeune homme. Paris, Michel Lévy frères (Imp. J. Claye), 1870. 2 volumes in-8, maroquin rouge, dos à nerfs ornés de caissons de filets dorés, sept filets dorés encadrant les plats,...

Estimation : 60000 / 80000
Adjudication : 85 000 €
Description
coupes et bordures intérieures filetées or, couvertures et dos conservés,
tranches dorées sur témoins (Chambolle-Duru).
Édition originale.
Exceptionnel envoi autographe signé sur le faux titre du premier volume :
à mon cher maître Georges [sic] Sand
son vieux troubadour
G ve Flaubert
L'amitié entre les deux écrivains débute en 1863, après la parution d'un article favorable à Salammbô
que la critique éreintait : “Elle ne sera jamais entamée par leurs divergences politiques et littéraires,
dont leur abondante correspondance se fait l'écho” (Jean-Benoît Guinot).
George Sand devait fournir à l'ermite de Croisset des renseignements sur la révolution de
1848 dont celui-ci se servit pour camper certains personnages de L'Éducation sentimentale. Dans le
journal La Liberté du 21 décembre 1869, Sand rendit compte du roman : “Après Madame Bovary,
Gustave Flaubert a produit un terrible et magnifique poème, qui a été moins compris par tout
le monde, mais que les lettrés ont apprécié à sa valeur. Salammbô est l'oeuvre d'une puissance
énorme, effrayante. C'est un monde gigantesque qui se meut et rugit en masse autour de figures
monumentales. (…) Le voici qui nous conduit dans la vie vulgaire et qui semble avoir résolu de
nous la montrer si fidèlement que nous en soyons aussi effrayés que de la chute de madame Bovary
ou du supplice de Matho. Il a réussi à produire une sensation nouvelle : le rire indigné contre
la perversité et la lâcheté des choses humaines, quand, à des époques données, elles vont à la
dérive toutes ensemble. (…) C'est la fin de l'aspiration romantique de 1840 se brisant aux réalités
bourgeoises, aux roueries de la spéculation, aux facilités menteuses de la vie terre à terre, aux
difficultés du travail et de la lutte. Enfin, comme le sous-titre du livre l'annonce, c'est l'histoire
d'un jeune homme, d'un jeune homme qui, comme tant d'autres, eût volontiers contribué à
l'histoire de son temps, mais qui a été condamné à en faire partie comme chaque flot qui enfle et
s'écroule fait partie de l'Océan.”
Les romans de George Sand firent partie des lectures de Bouvard et Pécuchet : si le premier
“s'enthousiasma pour les belles adultères et les nobles amants”, le second “fut séduit par la défense
des opprimés, le côté social et républicain, les thèses”.
L'exemplaire est en outre enrichi d'une très belle lettre autographe de George Sand à Flaubert,
signée “Goulard”, datée de Nohant, le 11 avril 1867, qui contient une allusion à l'élaboration de
L'Éducation sentimentale (3 pp. in-8).
Me voilà revenue dans mon nid et remise à peu près d'un gros accès de fièvre qui m'avait prise à P aris la
veille de mon départ. Vraiment ton vieux troubadour a la santé folle depuis six mois. (…) Maurice a été
tout attendri de l'amitié que tu lui a témoignée ; lui qui n 'est pas démonstratif, tu l'as séduit et ravi... Et cette
vilaine grippe est-elle passée ? Maurice voulait aller savoir de tes nouvelles, mais, en me voyant si aplatie par
la fièvre, il n'a plus songé qu'à m'emballer et à m'apporter comme un colis. (…) Et le roman ? Il va toujours
son train à Paris comme à Croisset ? Il me semble que tu mènes partout la même vie érémitique (…).
Exemplaire unique, parfaitement relié par Chambolle-Duru.
On a relié au début du tome I un petit papier contenant un mot autographe signé d'Aurore Sand :
“Souvenir du Cinquantenaire.”
Gustave Flaubert et George Sand, Correspondance, Paris, 1981, p. 133-134, n° 73.- Guinot, Dictionnaire Flaubert, p. 628.
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