Description
grandes feuilles de papier
vergé ivoire ; reliure moderne de J. Faki en maroquin rouge, tranches dorées.
Exceptionnelle réunion d'ébauches, plans et résumés manuscrits autographes de Gustave Flaubert
pour L'Éducation sentimentale, abondamment corrigés.
Ces documents, rédigés à des dates différentes, présentent ratures, surcharges et interpolations.
Certains feuillets ont l'aspect éclaté, tourmenté, souvent très spectaculaire qui caractérise les
manuscrits de travail de Flaubert.
Le dossier manuscrit de L'Éducation sentimentale est conservé à la Bibliothèque nationale de France
depuis 1975. Le carnet portant le n° 19 contient les premiers plans du roman. Entre ces plans et
la rédaction définitive, Flaubert s'est livré à un gigantesque travail préparatoire qui a été étudié et
publié par Tony Williams.
L'écrivain a d'abord rédigé une grande quantité de “scénarios” du futur roman. Son ami Louis
Bouilhet lui apporta son secours dans ce travail de clarification : il est fort probable que certaines
notes marginales étaient destinées à ce collaborateur et lecteur privilégié.
Formé d’extraits de cet énorme ensemble, le manuscrit de la collection Pierre Bergé se compose
de fragments non tronqués (sauf un) réalisés lors des différentes étapes du travail de préparation.
La plupart de ces plans et résumés trouvent leur pendant dans le dossier de la Bibliothèque nationale.
Ici, l'examen des différentes versions d'une même partie permet de suivre pas à pas la progression
du romancier : entre l'esquisse Mme Dubois, où l'action est encore mince, et le grand résumé du
roman, très détaillé, on mesure l’ampleur du chemin parcouru.
“Le travail prodigieux de Flaubert dans les scénarios [de L'Éducation], écrit Tony Williams, a de quoi
surprendre. Peu de romans ont été préparés d'une façon aussi systématique. Ici comme ailleurs,
on est frappé par le constat du retour incessant sur le déjà écrit. Dans les scénarios, on a l'impression
de voir les grandes structures du roman en train de se former.”
Grâce à ses nombreuses apparitions intertextuelles, l'écrivain se révèle très présent dans les
brouillons, qu'il commente son travail en notant les effets qu'il souhaite produire (Faire croire au
lecteur que...) ou qu'il intervienne directement en formulant des jugements sur les personnages, leurs
motivations, leurs situations, et ceci avec un langage très cru, un ton libre, et même parfois une
joyeuse férocité.
Description sommaire des manuscrits contenus dans le recueil :
5 versions d’ensemble.
“Mme Dubois” : 1 feuillet écrit recto verso. Esquisse remontant certainement au début de
l'élaboration du roman, assez éloignée de la version définitive ; les noms des personnages
sont différents (Mme Dubois pour Mme Arnoux, Henri pour Frédéric). – “Sur le bateau” :
1 feuillet écrit recto verso. Plan d'ensemble des trois grandes parties du roman mentionnant
les principaux événements (à l'exception de la révolution de 1848).
“Sur le bateau à vapeur de Montereau” : 2 feuillets écrits au recto. Plan d'ensemble du roman.
Flaubert a numéroté de I à XXI les différentes phases de l'action. – “Un matin d'août en 1840” :
4 feuillets écrits au recto, numérotés I à IV par l'auteur. Tous les éléments de l'action du
roman définitif sont présents : révolution de 1848, vente aux enchères du coffret de
Mme Arnoux, dialogue final entre Frédéric et Deslauriers, etc.). – “Bateau de Montereau.
Voyages, soleil, Frédéric revient du H...” : 5 feuillets non paginés, d'une écriture serrée, dont 2
avec notes au verso. Ébauche avancée de l'ensemble du roman. Les trois parties sont plus
détaillées que dans le plan précédent.
Un scénario très élaboré.
“Martinon est très poli pour Cisy...” : 18 feuillets numérotés par l’auteur 5 à 21 (dont 6 bis).
Remarquable plan d'ensemble, très détaillé, avec la division de chaque partie en chapitres.
C'est l'aboutissement des esquisses décrites précédemment. La première partie, tronquée,
commence à la page 5 : il manque le début du roman.
Trois versions d’une partie du roman.
“Il emmène la Maréchale à Fontainebleau.” 3 feuillets numérotés 14 à 16 par l'auteur, qui a
surchargé, selon son habitude, une ancienne numérotation. Résumé de la troisième partie
du roman. Ces trois feuillets ont été placés entre les ff. 15 et 16 de la partie b. – “Visite chez la
M[arécha]le” : 3 feuillets numérotés 8 à 10 par l'auteur ; les chapitres sont numérotés
II-III. – “Bal costumé chez Rose Bron.” 3 feuillets numérotés 8 à 10 par l'auteur. Résumé
complet de la deuxième partie du roman. Flaubert a numéroté les chapitres de II à V,
le chapitre II résumant en fait les deux premiers.
Notes documentaires et divers.
Ensemble de 12 feuillets, dont 8 écrits recto verso, non chiffrés ou comportant une
pagination ancienne. – Notes d'information pure : maladie du croup, mots et expressions
servant à décrire une oeuvre picturale, déroulement d'une vente aux enchères, citations
de phrases prononcées par des hommes politiques, titres de pièces de théâtre inspirées des
événements de 1848 avec les dates de leur représentation. – Notes préparatoires à la rédaction :
citations diverses, aphorismes et lieux communs, certains constituant une sorte de bêtisier
politique et mondain de l'époque. Flaubert a également consigné quelques phrases de
son cru, intercalées ensuite dans le corps du roman. Liste des personnages, avec rapide
description de leurs principales caractéristiques. – Début de mise en forme de certaines idées
romanesques. L'enfant naturel abandonné (dans la version achevée, Frédéric prendra ce rôle
d'abord attribué à Deslauriers). La scène finale.
Témoignage exceptionnel de la méthode de travail de l’écrivain, ces brouillons
autographes transportent le lecteur dans le gueuloir de Flaubert à Croisset.
Williams, L'Éducation sentimentale. Les scénarios, Paris, José Corti, 1992.