Lot n° 90

HUGO, Victor. Paris. (Introduction au livre Paris-Guide). Paris, Librairie internationale, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1867. In-8 de 132 pp. et (1) f. : demi-basane aubergine, dos lisse orné de filets dorés et à froid, tranches mouchetées...

Estimation : 10000 / 15000
Adjudication : 23 500 €
Description
(reliure de l'époque).
Édition originale.
Il s'agit du tiré à part de la préface composée par Victor Hugo pour le recueil collectif intitulé
Paris-Guide paru à l'occasion de l'Exposition universelle. Cette évocation de la capitale doublée
d'un cri d'amour pour la France a été rédigée par le poète en exil. Le texte s'achève sur une
“Déclaration de paix” annonçant l'avènement d'une Europe enfin libre et unie.
Envoi autographe signé :
A M. P aul Verlaine
V ictor Hugo
On joint la lettre de remerciement adressée par le dédicataire à l'auteur, le 4 novembre 1867.
Cher et vénéré Maître,
Azam [rédacteur en chef du Hanneton] me remet à l'instant le P aris que vous avez bien voulu
lui faire parvenir pour moi.
Je m'empresse de vous remercier du fond du coeur et de l'envoi et de la dédicace : double honneur
dont je m'efforcerai d'être digne.
Je travaille en ce moment à un article qui paraîtra dans une quinzaine de jours et qui vous sera envoyé
dès son insertion. J'ose espérer qu'il ne vous déplaira pas.
Permettez-moi, cher et vénéré Maître, de vous annoncer la prochaine publication de l'Odyssée
et des Hymnes homériques par Leconte de Lisle, complément de sa belle Iliade .
Vous recevrez prochainement une lettre de Coppée vous mettant au courant des honteuses calomnies
et des procédés inqualifiables dont le Corsaire a jugé bon d'user à son égard. Le prochain numéro du
Hanneton contiendra la polémique engagée à propos de ces méprisables manoeuvres.
Vous témoignant de nouveau ma profonde gratitude, je vous prie d'agréer , cher et vénéré Maître,
l'affectueux hommage de mon respect sans bornes.
P aul Verlaine
Les relations entre Victor Hugo et Paul Verlaine se placent sous le signe d'une admiration
réciproque, mais aussi sous celui de l'ambiguïté et, parfois, de l'incompréhension : le poète
romantique et engagé passait mal au Parnasse, dont le classicisme hautain heurtait l'ancien du
Cénacle.
Verlaine, qui avait dévoré Les Misérables à l'âge de 16 ans, en avait 23 lors de la parution de Paris-Guide :
il n'avait alors publié qu'un recueil, les Poèmes saturniens, et une plaquette sous le manteau, Les Amies.
En décembre 1858, le très jeune poète avait envoyé à son glorieux aîné son premier poème,
“La mort”. La première rencontre eut lieu en 1868, lors d'un bref séjour de l'exilé à Bruxelles.
Hugo complimenta Verlaine pour les Poèmes saturniens, qu'il avait déjà salués par écrit (“Une des joies
de ma solitude, c'est, Monsieur de voir se lever en F rance, dans ce grand dix-neuvième siècle, une jeune aube de vraie
poésie. Toutes les promesses de progrès sont tenues et l'art est plus rayonnant que jamais ”).
Dans la lettre de remerciements pour l'envoi de Paris, jointe ici, J.-M. Hovasse remarque, pour la
première fois, une inversion de rôles entre les deux hommes : “De porte-parole de Hugo auprès
du Parnasse, Verlaine est devenu porte-parole du Parnasse auprès de Hugo. (…) Comme il l'avait
annoncé, Verlaine publie le 24 novembre 1867 dans la Revue des Lettres et des Arts (...) un article
enthousiaste sur “Paris par Victor Hugo”. Le 15 décembre 1867, à la même revue, il donne son
poème “Les Loups” repris ultérieurement dans Jadis et Naguère. Il a alors pour épigraphe (...) deux
vers de Hugo tirés du poème dédié à Garibaldi La Voix de Guernesey. Mais cette épigraphe n'est pas
maintenue dans Jadis et Naguère qui paraît chez Vanier le 3 janvier 1885 [ce poème étant le seul de
sa section] à n'être dédié à personne. Les autres le sont successivement à Edmond Lepelletier,
à Robert Caze, à Léon Vanier, à J.K. Huysmans, à Louis-Xavier de Ricard. Est-ce à dire que la
référence à Hugo aurait dépareillé cet ensemble de ‘jeunes’ écrivains ?”
Après l'entrevue de Bruxelles, Verlaine rencontra plusieurs fois Hugo, qui se montra toujours
bienveillant envers son “pauvre poète”, allant même jusqu'à s'improviser conseiller conjugal
de Mme Verlaine lors de la crise rimbaldienne. Ce n'est qu'après la mort de Victor Hugo, dans
les Mémoires d'un veuf (1886), que Verlaine osa déboulonner la statue, regrettant que l'auteur des
Burgraves ait survécu après 1844 et brocardant ces Contemplations, Chansons des rues et des bois et autres
Châtiments qui, dit-il, l'emplissaient d'ennui.
Bel exemplaire.
Il a appartenu à Pierre Louÿs (cat. 1930, n° 487), Robert von Hirsch (cat. 1978, n° 137) et Hubert Heilbronn,
dont il porte les ex-libris.
Hovasse, Verlaine-Hugo, texte de la communication au Groupe Hugo, 23 novembre 1996.
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