Lot n° 22

[VIAU, Théophile de]. Le Parnasse satyrique, du sieur Theophile. Sans lieu, 1625. In-8, maroquin rouge, dos à nerfs orné, triple filet doré encadrant les plats, coupes et bordures intérieures décorées, tranches dorées (reliure du début du...

Estimation : 4000 / 6000
Adjudication : 17 000 €
Description
XVIII e siècle).
Troisième édition : exemplaire de première émission, reconnaissable à l’erreur de pagination
à la fin qui sera corrigée par la suite.
Les deux premières éditions du recueil, parues en 1622 et 1623, ne sont connues que par une
poignée d’exemplaires. Cette troisième édition n’est pas moins rare. Fameux recueil de poésies licencieuses contenant notamment plusieurs pièces de Théophile de Viau,
dont le nom figure au titre pour la première fois.
OEuvre collective due au cercle des libertins dont Colletet, Motin, Berthelot, Maynard et Théophile
de Viau (Rahir, Bibliothèque de l’amateur, 657). Guido Saba fait observer que l’ouvrage contient
“19 pièces de Théophile ou qui lui sont attribuées avec fondement”.
Sa première publication en 1622 entraîna l’arrestation puis le procès de Théophile de Viau : on lui
reprochait surtout le sonnet inaugural qui était signé de son nom, Phylis tout est foutu, je meurs de la vérole ,
dans lequel le poète libertin fait voeu de sodomie. Incarcéré au Châtelet dans la cellule de Ravaillac, il
attendit deux ans qu’on le juge – deux longues années durant lesquelles il organisa sa défense et tenta
de riposter à la cabale dévote qui réclamait sa tête. Incapable d’établir avec certitude la culpabilité
de l’écrivain, le procureur, Mathieu Molé, fit traîner en longueur la procédure. “Cependant, écrit
Frédéric Lachèvre, les ennemis de Théophile cherchaient à influencer défavorablement l’opinion
et à réveiller l’ardeur du parti ultra religieux.” Ainsi, en 1625, deux nouvelles éditions parurent du
Parnasse satyrique avec, pour la première fois, le nom de Théophile en vedette sur le titre et les pièces
auparavant signées d’autres auteurs devenues anonymes (sauf une de Colletet). “Cette criminelle
machination préoccupa peu le Procureur général”, selon Lachèvre. Viau n’en fut pas moins
condamné au bûcher, avant que sa peine fût commuée en bannissement perpétuel.
Brisé par ces deux années d’emprisonnement, il mourut quelques mois plus tard, à 36 ans à peine.
Son procès dépassait à l’évidence sa personne : la croisade que menèrent le jésuite Garasse et
Mathieu Molé tendait d’abord à purger le royaume des libertins – dont Théophile de Viau était
alors le symbole le plus éclatant.
Le recueil eut une fortune éditoriale remarquable, dont témoigne la dizaine d’éditions successives
au XVIIe siècle. Quand, en 1864, Auguste Poulet-Malassis, l’éditeur des Fleurs du Mal alors réfugié
à Bruxelles, en donna une nouvelle édition, elle fut condamnée à la destruction : deux siècles et
demi plus tard, le Parnasse sentait toujours le soufre…
Très bel exemplaire en maroquin rouge décoré du début du XVIIIe siècle.
Condition d’exception pour ce livre réprouvé, dénoncé par le père Garasse comme “le plus
horrible livre que les siècles les plus païens enfantèrent jamais”. Cet exemplaire paraît même être
le seul connu en maroquin ancien.
Marque de provenance cancellée sur le titre. Petit manque de papier au coin supérieur du feuillet
D6 supprimant la pagination.
Tchemerzine-Scheler, V, 867.- Lachèvre, Le Procès du poète Théophile de Viau, I, pp. 480-481 : le bibliographe décrit les deux tirages
différents à la date de 1625.- Saba, Théophile de Viau, 2007, n° 224.
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