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207.

DROUET, Juliette

L.A.S. à Victor Hugo, signée Juliette

[1844 ou 1850] Dimanche 19 mai

SUPERBE LETTRE D’AMOUR DE

JULIETTE DROUET, GRANDE ET DE

BEAU FORMAT

4 pp. in-4 (270 x 211mm)

“19 mai [1844 ou 1850 ], dimanche matin, 8 h. ¾

Bonjour, mon adoré bien-aimé, bonjour, mon Toto chéri ;

bonjour, toi, bonjour, vous que j’adore.

Enfin, mon pauvre amour, je commence à me débrouiller de

tous mes arias. J’ai cependant deux dernières ennuyeuses

opérations à subir : le collage de la porte et l’encaustiquage.

Le Lanvin est déjà venu mais comme il n’avait pas apporté le

papier il est allé le chercher. Du reste, je ne sais pas si c’est une

idée, mais il me semble vouloir faire la grimace. Qu’à cela ne

tienne, le brave homme, je ne m’en servirai plus. Après cela

je me trompe probablement. Le voici qui revient sans papier.

Il n’y en avait pas, on est allé en chercher. En attendant il

va coller du papier autour de mon petit miroir et faire le

petit raccommodage du papier du mur. Le temps continue

à être hideux et moi je continue à être comme le temps. Il est

impossible d’être plus avariée que je ne suis. Je ne m’étonne

pas que vous demandiez des cravates blanches, que vous alliez

en calèche à l’Odéon et que vous vous jetiez avec fureur dans

les faumes [sic]. Je ne trouve que trop excusable et au besoin

même je vous approuverais. Voime, voime [sic], prends garde

de le perdre ; scélérat, je ne te conseille pas de tenter l’épreuve

deux fois. La bosse de mon front n’est que trop significative

et je ne suis pas femme à m’en laisser planter de cette forme

indéfiniment. Tenez-vous-le pour dit.

Jour Toto, jour mon cher petit o. Je ne sais pas quand je vous

verrai mais je sais bien quand je désirerais vous voir, ce serait

tout de suite. Cela me ferait bien du bien au vente et ailleurs.

Je ne te vois presque plus, mon pauvre adoré. Les ouvriers de

ma maison t’ont chassé pendant ces derniers jours et ton travail

t’éloigne de moi depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre. De

quelque façon que je m’y prenne, de quelque côté que je me

retourne je ne vois pas le plus petit Toto. Ça n’est pas bien gai,

tant s’en faut, et il y a bien des jours où mon pauvre cœur est

bien gros et bien triste. Cependant je ne veux pas me plaindre

aujourd’hui dans la crainte de te paraître grognon. Je ne veux

que te baiser, te sourire et t’adorer.

Juliette”

NOTE AUTOGRAPHE DE FRANÇOIS MITTERRAND, sur

la fiche de libraire jointe :

“Chez Lambert, 9 avril 1967”. Acheté

150 fr.

RÉFÉRENCE :

http://www.juliettedrouet.org/lettres/#.W5KS6OgzaM8.

Nous remercions Madame Florence Naugrette pour son aide

précieuse

2.500 - 3.500 €

208.

DROUET, Juliette

L.A. à Victor Hugo

Bruxelles, Vendredi 3hr après midi, 2 septembre 1870

LETTRE DE JULIETTE DROUET À

VICTOR HUGO ÉCRITE LE JOUR

DRAMATIQUE DE LA CAPITULATION

DE SEDAN. C’EST SANS DOUTE LA

RAISON DE SON ACHAT PAR FRANÇOIS

MITTERRAND

4 pp. in-12 (108 x 65mm)

“Bruxelles, 2 septembre [18]70, vendredi, 3 h. ¼ après-midi

Pendant que tu archéologues sous la pluie, mon grand fureteur,

moi je t’aime à domicile clos et couvert, ce qui a bien son charme.

J’aurais pu te le gribouiller ce matin si je n’avais pas eu à réparer

l’affreux désastre commis hier en sortant de la maison par ton

pied sur les fronces de ma robe. Ce grave accident m’a pris le

plus beau et le meilleur de ma matinée et c’est à grand peine

que je suis arrivée tantôt au rendez-vous Berru en retard d’un

quart d’heure seulement. Heureusement que ni toi ni lui n’aviez

besoin de ma présence pour vous livrer à une forte mastication

et à une beuverie plus forte encore. Aussi n’ai-je de regret que

pour moi qui me suis privée volontairement d’un quart d’heure

de bonheur comme si j’en avais à revendre. Enfin c’est comme

ça ; mais je vous prie dorénavant de marcher à une distance

respectueuse de ma jupe.

J’espérais que tu recevrais aujourd’hui des nouvelles de ton

Charles, au moins d’un de ses compagnons. Il paraît qu’il

ne l’aura pas pu ni eux non plus. Peut-être même comptent-

ils revenir ce soir à leur place. C’est ce que je ferais dans

l’impossibilité où ils sont d’empêcher ces tueries sauvages et de

porter secours à ceux qui survivent. En attendant tu as rendu

Berru bien heureux en le coiffant… de ton vieux chapeau qui lui

va très bien, trop bien peut-être, n’anticipons pas ! où tout cela

me mène, hélas ! Taisez-vous !!!”

Juliette Drouet est à Bruxelles jusqu’au 5

septembre 1870. Le 2 septembre, Napoléon III

est défait à Sedan ; la République est proclamée

le 4.

RÉFÉRENCE :

http://www.juliettedrouet.org/lettres/#.W5KS6OgzaM8.

Nous remercions Madame Florence Naugrette pour son aide

précieuse

1.500 - 2.500 €