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514.
PÉGUY, Charles
Notre jeunesse
Paris, Les Cahiers de la Quinzaine, 1910
LE CHEF D’ŒUVRE DE PÉGUY :
UN DES 12 EXEMPLAIRES SUR
WHATMAN, SEUL GRAND PAPIER
AVEC TROIS ARCHES.
UN DES TEXTES LES PLUS RARES
ET LES PLUS RECHERCHÉS DE LA
LITTÉRATURE DU XXe SIÈCLE.
ÉDITION ORIGINALE. In-8 (184 x 124mm)
TIRAGE : un des 12 exemplaires sur Whatman, celui-ci :
“troisième exemplaire de souche. Exemplaire de l’imprimeur."
RELIURE DOUBLÉE SIGNÉE DE HUSER. Maroquin tête
de nègre, doublure de même maroquin, dos à nerfs, tranches
dorées sur témoins, couverture conservée. Étui. NOTE
AUTOGRAPHE DE FRANÇOISMITTERRAND : “Ch. Péguy,
Notre jeunesse
20.000 (fr.) chez Coulet et Faure septembre 85.
Coté 22.000 (fr.) chez Loliée juillet 86”.
Charles Péguy publie
Notre Jeunesse
en 1910 en
réponse aux nationalistes qui voient en lui un
ancien dreyfusard rallié à leur cause. Il retrace
dans cette longue confession son cheminement
spirituel, intime et universel. L’Affaire Dreyfus,
« l’immortelle affaire Dreyfus continuée en
affaire dreyfusisme », est au cœur de
Notre
Jeunesse
: « elle offre avecuneperfectionpeut-être
unique, comme une réussite peut-être unique,
comme un exemple unique, presque comme un
modèle, un raccourci unique, généralement, de
ce que c’est que la dégradation, l’abaissement
d’une action humaine ». L’Affaire Dreyfus
incarne ce moment de « crise éminente » où fut
révélée non seulement une dégradation de la
mystique républicaine, mais une dégradation de
la mystique tout court :
«Nous sommes les derniers. Presque les après-derniers. Aussitôt
après nous commence un autre âge, un tout autre monde, le
monde de ceux qui ne croient plus à rien, qui s’en font gloire et
orgueil. Aussitôt après nous commence le monde que nous
avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer
le monde
moderne
. Le monde qui fait le malin. Le monde des intelligents,
des avancés, de ceux qui savent, de ceux à qui on n’en remontre
pas, de ceux à qui on n’en fait pas accroire. Le monde de ceux à
qui on n’a plus rien à apprendre. Le monde de ceux qui font le
malin. Lemonde de ceux qui ne sont pas des dupes, des imbéciles.
Comme nous. C’est-à-dire : le monde de ceux qui ne croient à rien,
pas même à l’athéisme, qui ne se dévouent, qui ne se sacrifient à
rien. Exactement : le monde de ceux qui n’ont pas de mystique.
Et qui s’en vantent. Qu’on ne s’y trompe pas, et que personne par
conséquent ne se réjouisse, ni d’un côté ni de l’autre ». (p.14)
La figure de Bernard Lazare, “l'ami intérieur,
l'inspirateur secret” des
Cahiers,
est centrale
dans
Notre jeunesse
. Son texte
Une Erreur
judiciaire. L’Affaire Dreyfus
(1896), avait sonné
le début du combat pour innocenter Dreyfus.
Péguy dénonce le discrédit dans lequel
Bernard Lazare tomba après
L’Affaire
: « il fut
un prophète. Il était donc juste qu’on l’ensevelît
prématurément dans le silence et dans l’oubli.
Dans un silence fait. Dans un oubli concerté ».
Péguy rappelle la force d’ « une amitié
parfaitement échangée, parfaitement mutuelle,
parfaitement parfaite
, nourrie de la désillusion
de toutes les autres, du désabusement de toutes
les infidélités » ; et de conclure « je puis dire,
pour qu’il n’y ait aucunmalentendu, je dois dire
que pendant ces dernières années, pendant
cette dernière période de vie, je fus son seul
ami. Son dernier et son seul ami ».
Les
Cahiers
demeurent un refuge de la
pensée contre l’imbécillité. Certaines pages de
Notre jeunesse
sont parmi les plus célèbres de
Péguy, comme celles qui opposent la mystique
et la politique :
« Tout commence en mystique et finit en politique. Tout
commence par
la
mystique, par une mystique, par sa
(propre) mystique et tout finit par
de la
politique. La question,
importante, n’est pas, il est important, il est intéressant que,
mais l’intérêt, la question n’est pas que telle politique l’emporte
sur telle ou telle autre et de savoir qui l’emportera de toutes les
politiques. L’intérêt, la question, l’essentiel est que
dans chaque
ordre, dans chaque système
la mystique ne soit point dévorée par
la politique à laquelle elle a donné naissance ». (p.27)
On entend dans de telles phrases cet usage
si particulier à Péguy de « la répétition qui
remet côte à côte des mots identiques dans
une spirale, où leur sens tournoie, toujours
semblable et pourtant décalé. Le langage est
au cœur de son œuvre, mais le langage comme
action. Il répète, redit, recommence sans
jamais rien retirer à ses brouillons successifs
pour affirmer (enfoncer ?) plus loin sa pensée »
(J. Drillon).
RÉFÉRENCES : Charles Péguy,
Œuvres complètes,
III, Paris,
1992 -- Alain Finkielkraut,
Le Mécontemporain. Péguy, lecteur du
monde moderne
, Paris, 1992 -- Jacques Drillon, “Charles Péguy,
ce gêneur qui dénonçait la puissance de l’argent”, Paris, 2014
8.000 - 12.000 €