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“Au Secrétariat d’État, Henry Kissinger m’accueillit par ces mots : “Je suis content de vous revoir”. Je ne mets pas de coquetterie à

cet aveu : par une défaillance de mémoire qui m’est encore inexplicable : l’idée d’un lien entre le tout-puissant ministre de l’Empire

américain et le petit professeur d’Harvard que j’avais reçu chez moi, quelques années auparavant, sur la recommandation du président

de l’Université de Columbia, ne m’avait pas effleuré (...) Rien de moins duplice que sa diplomatie. Il séduit ou il frappe. Certes il est plus

aisé au Prince qu’à tout autre de dédaigner les faux-semblants au point de ressembler à sa caricature. Pour le [HK] combattre ou le

comprendre, il convient de le prendre au mot. À toujours soupçonner qu’il vous trompe, vous avez perdu d’avance. L’habileté n’explique

pas les grands destins, elle ne monte pas assez haut. Les derniers mètres se font seul et l’on ne juge un homme qu’à la fin (...) il se sait

proche de la disgrâce. Devant ce pouvoir qui s’éloigne, on sent qu’il éprouve agacement et amertume. Je le note à des réflexions de ce

genre : “l’Amérique traverse une crise de vertu” (...) il traite des affaires du globe comme s’il avait l’éternité pour lui. Je lui reproche

précisément de raisonner comme si le monde ne changeait pas, de recommencer Metternich, sa Sainte Alliance et ses monarques

éclairés. “Ce n’était pas si mal Metternich” murmure-t-il. Mais j’insiste : “nous sommes plus proches en Europe des Journées de 48 que

du Congrès de Vienne”...

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