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71.
[BRASILLACH, Robert].
Poèmes de Fresnes [Poèmes écrits en prison par Robert Brasillach]
,
manuscrit sur
papier, 23 pp. (cahier d'écolier de 24 pp), fine écriture à l'encre bleue, couverture de papier avec imprimé « Cahier
de » et au crayon bleu « Robert Brasillach », corrections au crayon (Couverture détachée, quelques taches d'encre,
sinon écriture régulière bien lisible). Dimensions: 175 x 220 mm.
1500/2000 €
Copie de la main du célèbre avocat Jacques Isorni (1911-1996),
défenseur et ami de Robert Brasillach (1909-
1945), des
Poèmes de Fresnes
,
composés par l’ homme de lettres normalien et rédacteur en chef de
Je suis
partout
. Condamné à mort pour ses activités de trahison et de collaboration, incarcéré à Fresnes dans l'attente de
son exécution, Robert Brasillach n’obtint pas la grâce du général de Gaulle malgré une petite mobilisation en sa
faveur, soutenue par plusieurs écrivains, notamment François Mauriac, qui ne cautionnait en rien les actes de
collaboration du condamné. Brasillach devint le martyr de l’extrême droite et son procès en 1945 devait lancer la
carrière d’Isorni, avocat du maréchal Pétain quelques mois plus tard. Une des phrases favorites d’Isorni était :
« N’importe quel imbécile peut défendre un innocent. Mais il faut du talent pour défendre un coupable ». Maître
Isorni est l'auteur entre autres du
Procès de Robert Brasillach
(Paris, 1945).
Le témoignage des derniers moments de Brasillach, rapporté par son avocat Jacques Isorni (1911-1996), fait état des rapports
étroits tissés entre les deux hommes. Nous apprenons effectivement que l'original du manuscrit des Poèmes composés à Fresnes
par Brasillach avait été remis à son avocat Jacques Isorni le matin de son exécution: « Il me donne également les manuscrits
des poèmes écrits en prison et une feuille contenant quelques lignes avec ce titre : « La mort en face ». De temps en temps il me
regarde avec un bon sourire d’enfant. Il avait compris, dès hier, que ce serait pour ce matin... ». Cet original de la main de
Brasillach, remis à Isorni peut se trouver parmi les papiers Isorni ou dans un autre fonds, notamment les papiers de Robert
Brasillach conservés dans la famille de son beau-frère Bardèche. C’est un autre manuscrit qui a du servir à établir les éditions
successives, car certains poèmes ne figurent pas dans la présente copie, notamment l’épître dédicatoire à Isorni.
Au vu de notre première appréciation, la main qui copie ce cahier est la même que celle qui écrit la relation de l’exécution de
Brasillach (voir ci-dessous pièce jointe). Il s’agit de la main de Jacques Isorni, la même qui compose et signe les documents
conservés par exemple dans le Fonds Isorni, Archives de l’Ordre des Avocats, Cour d’Appel de Paris, qui rassemble la plus
grande partie des dossiers de son cabinet. On notera que la copie est effectuée à l’encre bleue : quelques notes à la mine de
plomb parsèment le manuscrit. Ces dernières ne sont pas des corrections mais simplement des clarifications apportées lorsque
la lecture d’un mot n’est pas aisée.
Isorni dans son
Procès de Robert Brasillach
(1946) nous renseigne sur les conditions d’écriture des Poèmes de Fresnes : « Ses
poèmes, il les recopiait de sa petite écriture en pattes de mouches sur les feuilles quadrillées d’un carnet d’écolier et me les
remettait au cours de mes visites…Puis le poème ayant ainsi quitté la prison, allait commencer sa course clandestine, circulant
de main à main, recopié par des fidèles, s’inscrivant pour toujours dans de pieuses mémoires » (Isorni, 1946, pp. 8-9). Plus
loin : « Il m’a remis, un jour, un gage d’amitié, qui, pour moi n’a pas de prix. Il avait fabriqué pour m’en faire cadeau un petit
livre…contenant les premiers poèmes écrits à Fresnes, avec une épître dédicatoire sur un rythme de Boileau… » (Isorni, 1946,
p. 10. Cette épître dédicatoire n’est pas recopiée ou incluse dans le présent manuscrit : « Mon cher Jacques Isorni d’une plume
qui grince / J’ai copié pour vous ces chansons un peu minces… »).
Ces poèmes ont été publiés à plusieurs reprises, et ce dès septembre 1945. 1ère éd. : Robert Chénier [pseudonyme de Robert
Brasillach],
Voix d’outre-tombe
, Editions de Minuit et demi, s.l., s.d. [15 septembre 1945], 36 p. [éd. clandestine, incomplète,
avec un tirage de 25 + 70 + 330 exemplaires numérotés] ; 2e éd. : Robert Brasillach,
La mort en face. Derniers poèmes écrits
de la prison de Fresnes
, s. éd., s.l. [Genève], s.d. [6 février 1946], 32 p. [éd. clandestine incomplète réalisée à l'initiative de
Max-Marc Thomas, avec un tirage de 10 + 100 exemplaires numérotés]. ; 3e éd. : Robert Brasillach,
Poèmes de Fresnes,
A la
Pensée française, Paris [6 février] 1946, 78 p. (contient aussi le texte intitulé « La mort en face ») [éd. clandestine et première
édition complète, avec un tirage de 12 + 338 exemplaires numérotés] ; 4e éd. :
Poèmes de Fresnes
, s. éd., Louvain [décembre]
1946, 76 p. (éd. faussement datée de novembre 1945, avec un tirage de 480 exemplaires numérotés, contient aussi « La mort
en face ») [éd. clandestine, suivie de deux contrefaçons en 1947-48].
Incipit:
Psaume I. L'ouvrage des méchants demeure périssable / Les idoles d'argent qu'ils se sont élevées / S'écrouleront un
jour sur leur base de sable / Et la nuit tombera sur leurs formes rêvées...
; Explicit:
Février 1945. La mort en face, […] Je
pensai avec douceur à tous ceux que j'aimais, à tous ceux que j'avais rencontrés dans la vie. Je pensais avec peine à leur peine.
Mais j'essayais, le plus possible, d'accepter.
JOINT:
[ISORNI, Jacques],
P.V. de l'exécution de Robert Brasillach, le 6 février 1945,
bi-feuillet, écriture à l'encre bleue,
signé et daté, « Fait à Paris le 6 février 1945, signé Jacques Isorni, avocat à la Cour d'Appel »; incipit, « A 8 heures 30, devant
les grilles du Palais de Justice, se forme le cortège des six voitures noires qui doivent conduire à Fresnes les personnes requises
par la loi et l’usage pour l’exécution…. » ; au dos, inscriptions en partie effacées, on lit: « Mr. […] Prenez copie si vous voulez
et remettez à M. […]. René a été rendu à sa mère dimanche. Courage ! » (Procès-verbal publié dans Isorni,
Le procès de Robert
Brasillach,
1946, pp. 22-27 : « J’ai dressé le procès-verbal de l’exécution. Il trouve ici sa place normale. Je préfère lui laisser la
forme sèche d’un constat. J’ai décrit ce que j’ai vu. J’ai répété ce que j’ai entendu. Je n’ajoute que ceci. Lorsque le corps de
Robert Brasillach fut emporté, le Commissaire du Gouvernement François, tira sa montre. « Avez-vous remarqué, dit-il,
comme nous avons respecté l’horaire ».). Dimensions : 168 x 219 mm.
Bibliographie :
Isorni, Jacques,
Le procès de Robert Brasillach,
Paris, Flammarion, 1946 ; Isorni, Jacques,
Mémoires, 1911-1945,
Paris,
Laffont, 1984 ; Antonowicz, Gilles,
Jacques Isorni. L’avocat de tous les combats
, Paris, 2007 ; Kaplan, Alice Yaeger,
The Collaborator : The
Trial and Execution of Robert Brasillach
, Chicago, 2000 [trad. Française,
Intelligence avec l’ennemi
, Paris, Gallimard, 2001].