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Benjamin FRANKLIN
(1706-1790) physicien, philosophe et homme
d’État américain. L.A.S., Londres 16 novembre 1772, au physicien
Jean-Baptiste Le Roy ; 4 pages in-fol. ; en anglais (légères traces de
montage ; portrait gravé joint).
15 000/20 000
Magnifique lettre, écrite peu après l’élection de Franklin à
l’Académie des sciences (16 août 1772), et parlant de recherches sur
l’électricité et le paratonnerre, et sur l’air.
Il a été très occupé à changer de domicile. Mais ses livres, instruments
et papiers sont arrangés, il peut s’asseoir confortablement pour écrire
et converser avec ses amis. Suivant le conseil de Le Roy, et très sensible à
l’honneur qui lui est fait, Franklin envoie une lettre de remerciements à
l’Académie, lettre brève qui ne donnera pas de mal à traduire, mais disant qu’il veut être un membre utile.
Aucune société n’a fait davantage pour repousser les limites de la science par ses découvertes, et pour diffuser
des connaissances utiles à l’humanité, par ses communications généreuses : aussi sera-t-il heureux de concourir
aux fins de cette institution…
Il adresse quelques expériences et observations électriques, répondant à Benjamin Wilson qui s’oppose à
l’érection de paratonnerres
pointus
(«
pointed
rods ») sur un magasin de poudre, la Royal Society ayant été
consultée à ce sujet par la Commission du matériel militaire ; elles ne méritent pas une communication
à l’Académie, mais pourront amuser Le Roy…. Il l’entretient ensuite des expériences de John Walsh sur la
torpille : il souhaite que quelques-uns des philosophes français, situés au bord de la mer, les répètent, car il
craint que M. Walsh n’ait conclu un peu rapidement à l’identité du fluide électrique et de celui de la torpille
(« the
sameness
of the electrical & torpedinal fluid »). Que la torpille soit capable de fortes décharges, et pourtant
incapable de donner le plus petit éclairage, par exemple, permet de douter de cette identité… Le Dr Joseph
Priestley poursuit ses expériences sur l’air, et fait constamment de nouvelles découvertes ; le prochain volume
de
Transactions
en recueillera un certain nombre ; Franklin soupçonne, comme les chimistes français, que ses
airs factices ne deviendront jamais de l’air pur…
Il est heureux d’apprendre le succès des expériences des Français sur l’or. Il est toujours avantageux de se
débarrasser d’erreurs scientifiques ; en témoignent les progrès de la médecine en l’espace d’un siècle. Le
Dispensatory
était un grand ouvrage, rempli de remèdes, chacun composé de nombreux ingrédients et dont on
prétendait que tous étaient fondés sur des expériences. Mais la répétition de ces expériences a prouvé la nullité
tantôt d’un ingrédient, tantôt de toute une composition, et alors l’in-folio est devenu un in-quarto, puis un in-
octavo, puis un in-duodécimo, et la dernière édition n’est plus qu’un pamphlet qui pourrait être allégé encore.
Cependant on peut espérer et croire qu’à mesure que l’art médical élaguera ses branches inutiles, ses fruits
n’en seront que meilleurs, et plus efficaces… Le comte de Lauraguais n’est pas en Angleterre en ce moment,
et Franklin n’a rien entendu du bruit selon lequel il serait devenu
quaker
. Mais comme la parcimonie est un
des grands principes de cette secte, celui qui a été, dit-on, fort
dispendieux
pourrait trouver son compte en
embrassant une religion aussi
salvatrice
… Après cette petite plaisanterie, Franklin termine en assurant Le Roy
qu’il a inscrit son nom à côté de ceux de M. Walsh et Sir John Pringle, pour tenter d’obtenir son élection à la
Royal Society…
Au bas de la lettre, note du Dr Gervais indiquant que cette lettre lui a été donnée par l’avocat Frédéric Forgues,
petit-neveu de Le Roy (1836).