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BARBÈS (Armand, 1809-1870) homme politique et révolutionnaire.
Lettre autographe signée
“A. Barbès”, prison de Doullens 1
er
novembre 1850, à Émile Aucante.
1 page et demie in-8.
belle lettre du prisonnier politique à un compagnon de lutte, qui deviendra le secrétaire
de George Sand.
“Comme je viens de le dire à notre illustre amie [George Sand], votre lettre m’est arrivée un mauvais
jour. C’était le dernier que passait ici mon bon compagnon de captivité Albert, et je venais d’apprendre
à l’instant même que je ne partais point pour Belle-Île. J’étais désespéré ! – Depuis j’ai resté plusieurs
jours sans la moindre possibilité de communication particulière avec le dehors… (…) J’ai appris ce
matin que j’allais être transféré à Paris. On me fait bien espérer que j’y passerai peut-être quelques
jours, ainsi que cela est arrivé aux autres prisonniers. Mais je ne me fie guères à cette espèce de chance,
et pour ne pas me trouver surpris par l’événement, je fais d’ici mes adieux à mes divers amis. Vous
savez que vous comptez désormais parmi les meilleurs. Continuez à m’aimer. Je vous écrirai de Belle-Île
ainsi qu’à M
de
Sand”…
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BARBEY D’AUREVILLY (Jules, 1808-1889).
Lettre autographe signée
“Jules A. Barbey d’Aurevilly”, Paris [6 mars 1842], à Mme G. de Villaine,
au château de Saint-Jean près de Mortain (Manche).
2 pages et demie in4, adresse.
Longue et belle lettre de jeunesse à la mère d’un ami emprisonné.
Il n’oublie pas la bienveillance de la mère de son ami à son égard, mais est forcé de lui écrire avec
hardiesse. “Votre fils est en prison, Madame. Il y est par vous sa mère qui ne pouvez pas ne pas l’aimer
(...) Il a été arrêté à six heures du matin par des hommes de police, des hommes ignobles et qui pourtant
se sont étonnés qu’une mère ait eu le cœur de faire arrêter son fils, sous l’infâme prétexte d’escroquerie,
et qui depuis dix ans qu’ils arrêtent et qu’ils emprisonnent, n’avaient pas rencontré chose pareille (...)
il a passé une nuit qu’il n’oubliera plus, avec des assassins, des voleurs, le rebut gâté d’une population
de grande ville et cela (...) quand il était souffrant et toussant depuis quelques jours ; quand peut-être
il doit en mourir (...) Vous avez brûlé le cœur de Victor de toutes les manières ; – matériellement, en le
privant de sa liberté et en le soumettant à l’affreux traitement des prisons, – moralement, en l’accusant
d’un fait honteux, en lui arrachant tout crédit, en le frappant dans ce qui lui restait d’avenir”... Barbey
refuse de croire qu’elle se soit rendue compte du mal inouï, “irréparable peut-être”, qu’elle a commis.
Même cent fois coupable, un fils mérite-t-il d’être frappé par une mère ? A-t-elle bien mesuré la
correction à l’offense ? “Ne vous repentirez-vous pas un jour d’avoir risqué autant que vous risquez ? et
n’est-ce rien quand vous auriez pu tout étouffer du scandale affreux qui menace s’il avait été provoqué
par un autre que par vous, n’est-ce rien que de s’aliéner le cœur d’un fils qui vous aimait, qui a pu
avoir des torts vis-à-vis de vous, mais qui vous aimait ?”... Si l’affaire devait se poursuivre devant les
tribunaux, c’est son nom qui serait flétri : “Est-ce donc un préjugé que la solidarité du nom qu’on
porte ? et l’opinion ne vous condamnerait pas, vous, une mère ! plus cruellement que le fils que vous
auriez fait condamner ! Je ne vois que malheur pour vous dans les conséquences de votre démarche. Je
ne viens pas vous demander de renoncer à une poursuite qui personnellement me désole. Que suis-je
pour vous demander quoi que ce soit ? L’ami de Victor, de votre fils, dont vous semblez vouloir la perte ;
âme, corps et position”... Il veut lui présenter simplement ce qu’elle a fait, tout en ayant foi dans ses
sentiments de mère et la justesse de son esprit...
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