Page 15 - BeaussLefvr 130614 Hdef.pdf

Version HTML de base

13
«
Mes excellents amis (jamais je ne me louerai assez de notre rencontre).
J’
ESSAYE DE
VIVRE AU
SOLEIL
,
OU
PLUTÔT
J
ESSAYE D
APPRENDRE À
VIVRE À
LA MORT
.
Voulez-vous téléphoner aux
Nouvelles littéraires
, leur envoyer des livres de
Dessins [recueil de Cocteau paru qui connut
deux éditions chez Stock à la Àn de 1923 et à la Àn de 1924]
– Lefèvre, Guenne, M. Du Gard, Crevel – et leur demander de
publier en tête l’article de J. Blanche
[le peintre Jacques-Émile Blanche publia une critique élogieuse dans les
Nouvelles
littéraires
du 15 novembre 1924]
. Pour les livres à envoyer je vous écrirai des adresses au fur et à mesure.
L’O
PINION
DE
R
OMAIN
R
OLLAND
SUR
LE
B
AL
M
A
ÉMU
[
le roman de Ra\mond Radiguet
Le Bal du comte d’Orgel
venait
de paraître chez Grasset en ce mois de juillet 1924]
.
Je lui écris par votre entremise.
A
VEZ
-
VOUS LU CE CRISTAL DANS LEQUEL
,
UN ANGE
SE TROUVENT PRIS
?
Écrivez-le moi. Votre go€t arrive pour moi en première ligne
et je me sens moins faible quand je sors de la chère petite pièce de campagne Vieux-Colombier.
N’
OUBLIEZ
PAS DE
SERVIR
P
ICASSO
.
Il aurait voulu emporter son exemplaire en vacances... »
17. COCTEAU
(Jean). Ensemble de 3 lettres autographes signées à Jean Bougoint.
1.000/1.500
J
EAN
B
OURGOINT
,
L
INSPIRATEUR
DE
C
ÉGESTE
DANS
L’A
NGE
H
EURTEBISE
ET
DE
P
AUL
DANS
L
ES
E
NFANTS
TERRIBLES
.
Avant de
d’entrer dans les ordres et de partir en Afrique, il mena une première vie décousue et fut un temps l’amant de
Cocteau, rencontré vers janvier 1925. Avec sa sœur Jeanne Bourgoint, mannequin chez Madeleine Vionnet qui se
suicida dans la nuit de Noël 1929, il formait un couple agité.
– [Probablement Paris, Àn décembre 1925]. 1 p. in-4, déchirure restaurée.
«
Mon cher petitours, je viens d’avoir une grande tristesse et il me reste une grande fatigue.
J
E
VAIS
ALLER
À
V
ILLEFRANCHE
POUR METTRE UNE HALTE DANS
CETTE
VIE
TERRIBLE OÙ
JE
SUIS
L
ÉPAVE
SOUTENANT NOTRE
ÉQUIPE DE
NAUFRAGÉS
.
Je ne t’écrivais pas, à cause de ce désordre de la maison et des nerfs. Je te sens heureux à cheval dans cette Grèce de France et
savoir que je suis un peu cause de ton calme et de ta santé me donne des forces.
M
ON PETIT ANGE
EN COSTUME BLEU
,
JE PENSE À
TOI
,
LE
SEUL
,
LE MEILLEUR
. S
ANS
TOI
TOUT PÈSERAIT
TROP
LOURD
– même la vocation
de Maurice
[l’écrivain Maurice Sachs, qui se convertit un temps au catholicisme]
– mais ton œil, ton sourire, tes lettres
accrochent du liège – ouvrent des parachutes magiques.
Jeanne pas encore passée prendre sa lettre.
Je voudrais t’écrire chaque jour mais cette vie est atroce : une tache d’huile.
L
ES
SURRÉALISTES ME
POURSUIVENT AVEC UNE NOUVELLE
FORME DE HAINE
:
ILS ME
PLAIGNENT
,
COMME UN
PAUVRE
TYPE
”.
Continuer, écrire, me semble au-dessus des forces humaines. Villefranche est utile. J’y serai le 2 ou le 3 janvier. Ton Jean »
– Hôtel Welcome à Villefranche-sur-Mer, [vers le 2 janvier 1926]. 1 p. in-4 et quelques mots au verso, enveloppe.
«
C
HER PETITOURS
,
ME VOILÀ DANS NOTRE REFUGE
APRÈS CE
P
ARIS DE CAUCHEMAR
.
Ici le bonheur est dans le vide – on ne demande
que la fenêtre ouverte sur le cuirassé américain. Les matelots circulent cousus dans leurs jupes.
H
IER
SOIR
G
LENWAY M
A
PARLÉ
”.
J
E
SOUFFRE
. J
E NE
SAVAIS PAS
SON AMOUR
SI VRAI
– que dire ? Que faire ? Conseille-moi
[il s’agit
de l’écrivain américain GlenZa\ Wescott, tombé amoureux de Jean Bourgoint]
.
Je suis arrivé dans un soleil de printemps. Aujourd’hui il pleut – mais la pluie de Villefranche est douce et calme les blessures.
C’est une perle grise. Écris vite 4 lignes.
Mon silence après l’escalier de Tony venait d’une fatigue incroyable en face de la bande et de ses racontars
[le diplomate
Antonio de Gandarillas, opiomane et homosexuel]
.
D
ANS
LES
N. L.
D
RIEU
L
A
R.
M
A
DONNÉ
LE
COUP
DE
PIED
DE
L
ÂNE
[probablement une allusion à l’entretien donné par
Pierre Drieu La Rochelle à Frédéric Lefèvre paru dans les
Nouvelles littéraires
du 9 janvier 1926]
.
Je me réfugie toujours en toi, sur ton épaule bleue. Jean
[signature précédée du dessin d’un cœur] »
A
U
VERSO
: «
B
AR
TRANSFORMÉ
EN
DANCING
AVEC
K
IKI
COMME
ÉTOILE
»
[Alice Prin, dite Kiki, personnage central du
Montparnasse des artistes, s’était installée en avril 1925 à l’hôtel Welcome sur les conseils de Cocteau].
– [Hôtel Welcome à Villefranche-sur-Mer, 1926]. 1 p. in-4, enveloppe.
«
Jeannot mon cher petit ange, tes petites cartes tombent du ciel. Va pour l’autre semaine.
H
EURTEBISE
ÉTAIT
TOUT NEUF DANS
LE
PORT
CE MATIN
,
EN
COSTUME DE
BAPTÊME
.
Pauvre G.
[probablement l’écrivain américain GlenZa\ Wescott, tombé amoureux de Jean Bourgoint]
comprend mal.
Il y a l’océan entre toi et lui, lui et nous. Il fait un œil hagard et une espèce de bouche à larmes qui me chagrinent.
N
OTRE
CIEL
EMBÊTE
LES
GENS
COMME
UN
ENDROIT
IL
SE
PASSE
DES
CHOSES MERVEILLEUSES
ET
ILS
N
ENTRENT
PAS
. I
LS
N
ONT
QU
À
VENIR
. C
HACUN
PEUT AVOIR UNE
CARTE
.
Je t’aime. Jean »