Page 82 - cat-vent_ader13-12-2011

SEO Version

80
le toit fait le segment de cercle sous les plis du chemin et pourquoi certains arbres sont tangents au sac du poilu tandis que
les autres sont perpendiculaires au toit du centre. J’apprécie les grandes directions Cézanniennes. Cézanne serait charmé de
voir son intelligence devenir de l’esprit. Je ne le suis pas moins. Cet art qui est le nôtre retrouve la grande élégance classique
que tous les grandiloquents du Musée du Luxembourg se tuaient en vain à retrouver. Sa logique trouve le vrai style que tous
les stylisants du XIX
ème
siècle et de la fn du XVIII
ème
fuyaient en croyant s’en approcher. Il a retrouvé la composition que l’on
confondait (même Ingres) avec l’arrangement. Il y a tout cela dans l’image que vous m’envoyez et il y a de plus ce chic qui est
à vous et que nul ne pourra imiter »…
Reproduction page ci-contre
277.
Max JACOB
. L.A.S. avec dessin, Paris [14 avril 1917], à Jean-Émile Laboureur à Nantes ; 3 pages in-8 (deuil),
enveloppe.
1.200 / 1.500
Très belle lettre pleine de fantaisie à propos de la souscription pour
Le Cornet à dés.
Il le prie d’envoyer le montant de sa souscription, « car le facteur des Postes n’atteint pas les avant-postes et mon
imprimeur est si avide d’argent qu’il ne veut rien commencer avant d’en avoir. [en marge, dessin d’une bourse avec l’inscription :
« La Poste de charge des recouvrements de toute nature »…] Il me raconte qu’il lui faut de l’argent pour acheter du papier. Je
crois plutôt qu’il entretient un mannequin cubiste de chez Lanvin ou de chez Poiret peint par Chirico dont c’est la spécialité.
Quoi qu’il en soit, comme disait mon professeur de théologie mandchoue à l’université de Chicago, […] envoyez-moi... à moins
que vous n’ayez pas d’argent. Dans ce cas (j’emploie de nouveau le style de ce maître du verbe)... dans ce cas ne m’envoyez
rien qu’un mot et vous aurez le livre pour prix d’une volonté qui se sera manifestée meilleure que celle de plusieurs de mes
contemporains qui attendent ma visite et l’usure de souliers qui coûtent fort cher (si cher que ça devient un luxe de ne pas
aller en auto) pour se décider à se décider. Je parlais de la chaussure ; j’en parlais à tort car ce n’est pas le lieu dans une lettre
qui devrait avoir le ton envolé du lyrisme que ne souillent pas les contingences, ou le ton impératif des demandes d’argent, ou
le ton suppliant des mêmes. La chaussure n’est pas lyrique quand elle n’est pas la sandale d’or des Muses, ou le revêtement
parcheminé du talon d’Achille (une reliure, quoi !). Achille y avait de la corne... Que dites-vous d’un livre relié en tendon
d’Achille ? La sandale d’or des Muses devait être incommode pour le footing mais les Muses marchent sur les nuées lesquelles
font tous les mouvements de la marche à leur place : ce qui veut dire qu’elles ne sortent que les soirs sans lune : elles aiment
les beaux soirs romantiques et non les soirs limpides. Il y aurait beaucoup à dire sur la question mais j’ai l’air de faire l’article
alors que je n’ai même plus besoin de vous faire l’article. Donc, bon appétit à vous car je vais dîner ! Je souhaite que la sandale
d’or des Muses vous visite et que ce soit ailleurs qu’au fronton national où je ne souhaite pas que vous vous retrouviez, ce que
je ne souhaite pas à mon plus récalcitrant non-souscripteur à fortiori pas à vous »…
Reproduction page ci-contre
278.
Max JACOB
. L.A.S., [Paris 9 janvier 1918], à Jean-Émile Laboureur, « détachement des sulupites » à Saint-Nazaire ;
demi-page in-8, enveloppe.
150 / 200
« Merci de vos souhaits. Je n’ai pas pu déchifrer votre adresse. J’ai copié les jambages tant bien que mal. Mille vœux »…
On joint une adresse autographe (avec timbre, probablement collée sur l’emballage du
Cornet à dés
) au « Soldat
Laboureur » à Nantes.
279.
Max JACOB
. L.A.S., [Paris 23 juin 1919], à Jean-Émile Laboureur ; 1 page in-8, enveloppe.
200 / 300
Mariage de Laboureur. « Mon cher Laboureur. Tous mes compliments. Je vous souhaite tout le bonheur que vous
méritez. J’aurais eu une flle ou une sœur que je vous l’aurais donnée avec joie et sécurité »...
280.
Max JACOB
. L.A.S., Paris 7 juin 1920, à Jean-Émile Laboureur ; 1 page in-4.
250 / 300
«Mais non ! mon cher Laboureur, vous ne m’importunez pas ! votre écriture est bien vue chez moi, votre personne y serait
de même, là et ailleurs. Je suis tout à fait heureux de vous être agréable : dites-moi à quelle date je dois vous envoyer un ou
deux poèmes en prose de la dernière couvée [pour le
Nouveau Keepsake
]. Merci de l’intérêt que vous prenez à mes petites
pièces : je crois qu’il faudrait que je fusse de la Société des auteurs pour les éditer, sans quoi chacun pourrait les jouer à son
aise et sans mon intervention fnancière, ce que je ne veux pas. Attendons. […] Si vous rencontrez Marie Laurencin, rappelez-
moi à son souvenir et faites-lui mes amitiés »…
281.
Max JACOB
. L.A.S., [Paris 2 février 1921], à Jean-Émile Laboureur ; 1 page in-8, enveloppe.
300 / 400
« Je ne veux pas que vous vous dérangiez malgré le plaisir très réel et trop rare que j’aie à vous voir. Je vais être lundi
vers six heures chez Salmon, 6 rue Bara. Vous avez l’occasion d’aller à Montparnasse : peut-être pourriez-vous déposer le
livre chez lui. Je suis accablé de travaux et rarement chez moi. Il est probable que je dînerai avec les Salmon chez Baty. Nous
pourrions nous y rencontrer ce soir-là »…
Au dos de l’enveloppe, Max Jacob a inscrit ce petit poème : « Facteur ! /
J. Laboureur
/ homme de cœur / J. Laboureur,
homme de fèvre / habite au
19 rue Penthièvre
/ C’est, si mon agenda ne ment / dans le
huitième
arrondissement ».