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MARITAIN Jacques (1882-1953) Philosophe catholique français, une des figures importantes du thomisme. Il était le petit-fils de Jules Favre Lot comprenant environ 150 pièces, dont ca 110 lettres de Jacques Maritain à Julien Green, des brouillons de réponses de G. à M. dont certains en photocopie, et 17 missives de Maritain à Anne, sœur de Julien. Formats divers. Années 1926 à 1973. Dossier joint.

Précieux ensemble d’un grand intérêt littéraire et biographique témoignant de la profonde amitié et de la grande admiration réciproque des deux hommes.

Ces lettres de Maritain à Green, ayant servi à la publication de la Correspondance Maritain-Green , chez Plon en 1979, commencent en 1926, peu après la rencontre de ces deux fervents catholiques ; elles nous permettent de suivre pas à pas l’évolution des rapports qu’entretenaient l’écrivain catholique et le philosophe chrétien. Le « Cher Monsieur » des premiers messages, se transforme rapidement en « Cher ami », puis « Cher Julien » dès 1927, perdant toute trace de formalité. Tout au long de la première année, les deux hommes explorent leurs personnalités réciproques, puis les confidences deviennent plus intimes. A quelques exceptions près les missives de 1926 sont suffisantes à révéler un profond rapport d’amitié qui ira grandissant jusqu’à la mort de Maritain en avril 1973.

Dans sa première lettre, le philosophe invite Green à venir le rejoindre à l’abbaye dont il est l’hôte, lieu où « … l’ âme respire dans la liberté de l’Evangile… ». La réponse de Green a probablement satisfait l’âme profondément religieuse de Maritain qui, dans la lettre suivante, invite son ami à assister à la causerie d’un missionnaire de sa connaissance. De toute évidence, le thomiste voit en Green la personne idéale à laquelle exprimer ouvertement ses sentiments religieux et l’entière correspondance est empreinte d’un mysticisme sincère à travers lequel sont vus et analysés les événements quotidiens. La dernière « barrière » tombe lorsque Green fait à Maritain une confidence à caractère extrêmement intime ; en apprenant le secret de son ami (son homosexualité ?), la réaction de M. est violente : dans l’impossibilité qu’il ressent à l’aider, il va jusqu’à lui offrir le sacrifice extrême (« … Impuissant à vous aider par mes misérables paroles, que puis-je, sinon offrir pour vous mes souffrances, et la mort qu’ il plaira à Dieu de m’envoyer ?... », 19.V.1927). Stupéfait et embarrassé, mais aussi fort ému, Green ne répondra pas immédiatement : « … J’ai voulu attendre quelques jours… Votre lettre… m’a fait comprendre tout le malentendu qu’ il y a entre nous… Je tiens absolument à vous assurer : c’est que lorsque je vous ai parlé de ce qu’ il y a dans ma vie, je n’ étais poussé en aucune façon par le remords, le regret ou le désir de changer quelque chose à ce qui est… Mais quelle tristesse a dû vous inspirer la lettre que vous m’avez écrite ! Comment pouvez-vous appeler la mort alors que Dieu vous a fait la grâce de vous donner la vie et de vous y conserver jusqu’ ici ?... Votre lettre m’a fait peur et mal et elle aurait pu me jeter dans le désespoir si je n’avais eu l’assurance que je ne me trompe pas. Bénissez la vie au lieu de demander qu’elle finisse, parce que, encore une fois, c’est un don de Dieu » (22.VI.1927).

Ce malentendu qui aurait pu marquer la fin des rapports encore incertains des deux hommes semble tout au contraire avoir cimenté pour toujours leur amitié, laquelle se poursuivra sans ombre durant plus de quarante ans, marquée par un profond respect mutuel et une amitié sincère.

Toutes les lettres ultérieures concernent les événements quotidiens, la lecture ou la rédaction d’ouvrages (notamment ceux de Green), d’articles, leurs publications, les problèmes éditoriaux, les rencontres, les amitiés, le tout empreint de délicatesse, de compréhension et d’une intense ferveur religieuse. Particulièrement émouvante est la lettre envoyée le 4 décembre 1960, après six mois de silence dus à la maladie et à la mort de Raïssa, femme de Maritain, survenue à Paris le 4 novembre 1960 : « … Certainement vous avez obéi à une inspiration du ciel en m’envoyant cette lettre qui m’a touché si profondément… j’ éprouvais une grande crainte à l’ idée d’entrer dans notre maison vide le matin du 1 er décembre. Eh bien non, elle n’ était pas vide ; c’est comme si Raïssa me recevait chez elle… ». A partir de ce moment, la défunte sera plus vivante que jamais tant dans l’esprit du philosophe que dans ses lettres ; sa présence invisible deviendra l’ange protecteur qui encourage, aide et console.

Quelques jours après l’assassinat de John Kennedy à Dallas, Maritain exprime sa vive émotion et son indignation : « … ce silence général sur la vraie signification du crime, comment supporter cela ? Je suis très au courant… des flots de haine sordide et de violence que la crainte de l’ intégration fait monter chez les Blancs (dans le Texas notamment, et dans le Mississipi). Nul doute pour moi que ce crime… a été comploté… par des fanatiques résolus à se venger sur Kennedy de la marche sur Washington et à punir en lui tous les nigger-lovers… », etc.

Dans sa dernière lettre à Green, datée de Toulouse le 14 octobre 1972, Maritain, malade, dit son regret de ne pouvoir se rendre à Paris (« … j’attendais depuis des mois votre discours de réception, et cela me rendait un peu inquiet… ») avant d’évoquer sa rencontre avec Frère Heinz, « … que j’aime entre tous, et auquel il se trouve que Dieu a fait des dons intellectuels extraordinaires. Je tiens ce fils de pauvres ouvriers allemands pour un vrai génie philosophique, et c’est sur lui que je compte pour faire œuvre constructive et passer, après ma mort, par les portes que j’ai plus ou moins maladroitement essayé d’ouvrir… ».

Quelques mois plus tard, le 28 avril 1973, la voix, qui durant 46 ans avait eu pour Julien Green des paroles d’admiration et d’affection, se taira pour toujours.

On joint : Dossier contenant les photocopies d’une vingtaine de lettres (dont deux minutes autographes) de Julien Green à Raïssa, épouse de Maritain, et trois lettres autographes signées de cette dernière à l’écrivain. Années 1926 à 1949, environ 40 pages in-8 ou in-4. Intéressante correspondance amicale et littéraire où il est question d’ouvrages divers, dont certains écrits par Raïssa ou Léon Bloy, de textes bibliques, du Pamphlet , de la conversion au catholicisme d’Anne Green, sœur de Julien («… Après des années de lutte, elle a cédé enfin à Dieu… »), de travaux et projets littéraires, etc.

A la fin du manuscrit, décrit sous le lot n°189, Julien Green se remémore le coup terrible que reçut Maritain à la mort de son épouse : « … Je me tins le plus près de lui qu’ il m’ était possible, mais que pouvais-je faire ?... il me demanda de lui écrire quelques lignes sur celle qu’ il avait perdue, et le billet lu et replié, il le glissa dans la poche de son gilet et me dit avec un sourire indescriptiblement affectueux et triste : ‘Talisman contre le désespoir’… ».

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