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« … J’ai reçu cette Bible qu’est votre Journal … Je voudrais vous demander un grand service secret : Le S. Père [Paul VI], depuis 25 ans, me demande de lui envoyer les livres importants pour ses lectures du soir. Or je veux lui faire parvenir la B.[outeille] à la mer. Car il me semble que, plus que tout autre, vous avez l’expérience intime et douloureuse de la différence essentielle entre la spiritualité protestante et la spiritualité catholique. Depuis le Concile, certains voudraient aligner le catholicisme sur l’Evangile, et je pense que c’est un tort… en tant que philosophe, j’aime les distinctions et redoute les confusions. Or, le S. Père n’est pas ‘philosophe’ et sa formation diplomatique le pousse à vouloir tout accorder comme aussi sa générosité. J’essaie d’attirer son attention sur le danger de paraître réduire l’Eglise à l’Evangile. Et c’est là que la lecture solitaire de votre livre pourrait être utile… », etc. (24 février 1977).

La crise de l’Eglise lui a suggéré un petit écrit intitulé, « vous devinerez le sens »,

Silence sur l ’essentiel . Quant à la prochaine élection à l’Académie française, « … Plusieurs de nos confrères travaillent pour une élection ‘ blanche’. Or je suis convaincu que André Frossard est le plus désigné de nos suffrages chrétiens. Hier, je me suis entretenu intimement avec lui et j’ai constaté qu’ il partageait toutes nos craintes et nos espérances. Dans notre compagnie, il serait un témoin de la présence de Dieu, et de Dieu catholique. De plus, vous n’ ignorez pas qu’ il y a au sujet de la catéchèse un conﬂit latent entre l’ épiscopat et J. Paul II. Le pape, qui est l’ami de Frossard, interprèterait son échec comme un désaveu… » (avril 1985) ; cette année-là, l’assemblée élira Michel Mohrt et Frossart devra attendre 1987 pour voir sa candidature acceptée. En 1989, c’est celle de Pauwels que Guitton soutient : « … Il s’est converti à la foi catholique après une expérience genre chemin de Damas. Je désire orienter le Figaro-Magazine dans le sens que nous désirons. Mais tout se jouera à quelques voix. Je vous serai très reconnaissant de venir voter le 7 décembre ! ... », etc.

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ISAAC Jules (1877-1963) Historien français, pionnier des Amitiés judéo-chrétiennes, ami de Péguy. Auteur de célèbres manuels d’histoire usuellement appelés Malet et Isaac

5 lettres autographes signées (une non signée) et 3 cartes de visites avec messages autographes signés, 7 pages in-8 ou in-4 + 4 pages in-16 obl. ; Aix-en-Provence, Croix-Valmer, années ’40 et ’50. Minutes de missives de Green joints.

Après la guerre, Issac redécouvre ses origines juives et consacre une grande partie de ses efforts à la recherche des causes de l’antisémitisme. Il publie en 1948 Jésus et Israël , en 1956 Genèse de l’antisémitisme et en 1962 L’Enseignement du mépris . Dans une lettre de Juin 1949, il dit sa reconnaissance à Julien Green qui a fait paraître dans la Revue de Paris une page émouvante et réconfortante inspirée par Jésus et Israël : « … Grâce à vous… je n’ai pas l’ impression d’avoir crié dans le désert. J’ai demandé à Jacques Madaule de reproduire cette belle page qui est vôtre dans le prochain Bulletin de l’Amitié judéo-chrétienne dont il est actuellement le président… ». Un an plus tard, le ton change sensiblement après la lecture de Moïra : « … C’est une création forte et prenante…Mais quelles eaux troubles vous remuez…Vos deux créatures principales sont une terrible satire du protestantisme. A Israël, vous n’avez donné qu’un rôle épisodique de ‘pauvre type’, ridicule, homosexuel, déséquilibré. Le catholicisme n’apparaît qu’ à peine, en ﬁgurant. Pourtant ce problème de la chair est, dans son essence, un problème chrétien. Non spéciﬁquement protestant. Dès le début le christianisme est venu ajouter à tant de tourments humains le tourment du péché de la chair, inconnu du paganisme, comme du judaïsme qui a toujours célébré les joies de la famille et incorporé à son canon biblique… le plus magniﬁque chant d’amour charnel… ».

Dans le Journal V de Green, la suppression d’une page consacré à Jésus et Israël l’a peiné : « … je me suis demandé pourquoi. Mais à la page du 15 au 19 il est question d’un entretien sur la responsabilité collective du peuple juif à propos de mon livre, sans que le titre en soit donné… », etc.

On joint 5 brouillons tapuscrits (un manuscrit) de réponses de Green, textes primordiaux nous livrant la pensée de l’écrivain sur ses délicats rapports judéo-chrétiens. Nous nous bornerons à donner ici un court extrait d’une longue lettre du 20 avril 1949, répondant à une missive d’Isaac du 25 avril : « … Catholique d’origine protestante, j’ai toujours eu pour la race juive une sympathie profonde et, pour des raisons religieuses, un très grand respect. L’antisémitisme est à mes yeux le signe d’un bêtise diabolique, j’entends par là qu’ il est un des signes auxquels on devrait pouvoir reconnaître l’action directe du démon, mais il est à peu près inexplicable chez des chrétiens qui ont envers Israël une dette dont ils ne pourront jamais s’acquitter… c’est ce caractère mystérieux de la haine contre les Juifs qui me rend assez pessimiste en ce qui concerne l’avenir des relations judéo-chrétiennes. La logique voudrait que ce fût sur les Romains ou sur leurs descendants que retombât au moins une partie de l’odieux de la Cruciﬁxion, mais ils en sont exempts. ‘Sale Romain ! ’ est une injure qui n’a pas cours, à ma connaissance, alors que ‘Sale Juif ! ’… j’ai honte de cette haine affreuse qu’on vous porte, à vous autres Juifs ; oui, j’ai honte de ce qu’ayant lu l’Evangile qui est le livre de l’amour, nous en ayons tiré cette conclusion qu’ il faut haïr les Juifs… je suis profondément convaincu que notre anti-sémitisme ne peut que faire honte à Jésus qui aimait sa patrie terrestre… », etc.