40
196
KANGXI, Empereur & JIAO, Bingzhen.
Yu zhi Geng zhi tu [Tableaux
du labour et du tissage - Pictures of Tilling and Weaving]
Kokodo, Himeji,
1808.
In-4 (370 x 263 mm) de 4
ff.n.ch.(dont 1 f. de titre et 3 ff. de
préface), 46 ff. ornés de 45 bois (235 x 235 mm) surmontés d’un poème avec
en vis-à-vis le texte d’accompagnement placé dans 9 colonnes encadrées
d’une frise ornementale faite de dragons impériaux à cinq griffes ; reliure à
la japonaise, dos cousu, plats de papier jaune ; chemise moderne.
4 000 / 6 000
€
Le
Gengzhitu
(« Le livre du riz et de la soie » ou « Tableaux du labour et du
tissage » selon les traductions) déroule en quarante-cinq tableaux, chacun
surmonté d’un poème de la main de l’un des empereurs les plus célèbres de
Chine, les travaux des paysans et des tisserands de la fin du XVII
e
siècle en
Chine.
La culture du riz et le tissage de la soie sont sans conteste les deux activités
principales dans la Chine traditionnelle, ainsi l’empereur était-il chargé de
protéger l’agriculture tandis que l’impératrice s’occupait du déroulement
des activités de la soie qui consistaient en la cueillette des feuilles de mûrier,
l’élevage des vers, le filage et le tissage.
L’un des plus beaux exemples de l’influence de la perspective européenne,
amenée par les Jésuites, sur la peinture traditionnelle chinoise.
L’Empereur Kangxi (ou Qing Shengzu, 1654-1722) reçoit en cadeau lors
d’une de ses tournées dans le Sud du pays en 1689 un exemplaire original
de l’ouvrage perdu d’un artiste nommé Lou Shu (1137-1213) qui retraçait
chaque étape de la culture du riz et du tissage de la soie en texte et en
images. L’Empereur décide alors de renouveler le thème du
Gengzhitu
et,
grand amateur de calligraphie et poète à ses heures, compose lui-même
deux séries de vingt-trois quatrains, correspondant au nombre de planches
illustrant les deux secteurs d’activité qu’il place au-dessus de chaque
bois ; il offre par là un rare exemple de proximité entre un empereur et
son peuple. En ce qui concerne les illustrations, il en confie la réalisation
au peintre de cour Jiao Bingzhen (1689–1726). Ce dernier, membre du
Bureau des Peintures et de celui des Mathématiques et de l’Astronomie,
y côtoie de nombreux Jésuites qui lui enseignent alors les principes de la
perspective venue d’Europe. L’Empereur Kangxi, qui faisait preuve d’une
insatiable curiosité pour les techniques occidentales, ne fut sûrement pas
insensible aux nouvelles propositions de son peintre. Tant sur la narration
que sur la construction, la peinture chinoise était construite sur des codes
antagonistes à ceux en usage dans les cours européennes, notamment en ce
qui concernait la perspective : «
Il en est de la pensée en Chine comme de la
peinture de paysage : les Chinois n’ont jamais éprouvé le besoin de reconstituer
la vision en perspective qui suppose un point de vue idéal. Ils lui ont toujours
préféré la
“
perspective cavalière
”
.
» (Anne Cheng). Jiao Bingzhen opère pour
ces illustrations à un subtile mélange entre une délicatesse d’exécution toute
chinoise, aux détails précis et aux narrations multiples, et une intégration
des lignes de perspective, ouvrant les paysages dans leur profondeur.