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Édith PIAF (1915-1963).
37 L.A.S. « Edith », un manuscrit autographe signé, une lettre dictée
et deux télégrammes, 7 juin-25 décembre 1943, au chanteur Yvon
JEANCLAUDE ; environ 100 pages formats divers, la plupart in-4,
enveloppes.
BELLE CORRESPONDANCE AMOUREUSE AVEC UN JEUNE
ET BEAU CHANTEUR, QUI SERA UN TEMPS SON AMANT.
Yvon JEANCLAUDE, beau brun au physique avantageux et à la belle
voix de basse, eut quelque succès ; Piaf le rencontra en décembre1942,
et l’engagea aussitôt pour chanter avec elle
C’était une histoire d’amour
,
et l’ajouta à la collection de ses amants ; il poursuivra sa carrière en
enregistrant jusque dans les années 60. Sa liaison avec Édith Piaf
dura quelques mois, mais il dut la partager avec son amant en titre, le
parolier Henri Contet, et cela n’alla pas sans tourments, reproches et
explications ; Contet écrivit alors pour Piaf une chanson explicite sur
ses deux amants,
Le Brun et le Blond
. Dans ces lettres à l’orthographe
incertaine (dont elle se moque elle-même), on découvre Piaf à la fois
battante et déprimée, enjouée et triste, courageuse et fatiguée, mais
donnant toujours tout à son travail
Elle est très amoureuse : en juin, elle écrit quotidiennement à son
amant, parti à la campagne (dans le Loiret, puis en Savoie) pour se
reposer et se soigner ; elle numérote ses lettres et les remplit jusque
dans les marges ; elle compte les jours qui la séparent de son « petit
papillon bleu », son « tout petit lapin rose », son « joli crétin », son
« doux cœur », son « petit gosse », et autres doux noms : «Je voudrais
avoir votre petite gueule contre moi, je voudrais que la mettiez
contre mon épaule, et que vous restiez là tout le temps »(10 juin)…
« Approchez-vous, petit crétin, faites voir vos beaux yeux. Là c’est
bien ; maintenant donnez-moi vos deux mains et je les mets là où
j’aime tant ! bon assez de choses “malsaines” comme dirait Asso » (2
juillet)… « Vous me dites que j’en ai marre de vous, petit crétin chéri,
idiot, mais êtes-vous devenu fou, je n’ai jamais pensé aussi fort à toi,
comprendra tu une bonne fois pour toute que je t’aime » (6 octobre)…
Elle se fait protectrice : « je veux que mon petit Jeanclaude devienne
une grande mais vraiment une grande vedette, je veux qu’il enterre
tout le monde »… « Je veux que ma petite gueule chérie fasse tout
craquer dans les musics halls, et que son nom soit le plus grand ». Elle
lui écrit des chansons (2 juillet) : « Que pensez-vous de cela
Il avait des mains bien trop blanches
Pour être aimer des ouvriers
On l’avait surnommé Dimanche
Parce qu’il aimait pas travailler ».
Elle va racheter «
Rue sans issue,
enfin je vais pouvoir vous l’offrir et
vous en ferez ce que vous voudrez elle sera à vous, et en même tant
une preuve du sentiment que j’ai pour vous » (17 octobre)… Elle lui
cherche des engagements, compte le faire travailler avec elle à l’ABC
et en tournée, et organise son programme ; généreuse, elle lui envoie
de l’argent…
La chanteuse ne vit que pour le travail, galas, cabarets, enregistrements,
tournées.
Sous le métro
est terminée (8 juin, musique de Marguerite
Monnot) ; le 9 juin elle enregistre
Monsieur Saint Pierre
. Ses débuts
à l’ABC, malgré son trac, le 11 juin, sont un grand succès : « vous ne
pouvez pas savoir à quel point les gens criais et applaudissais, c’était
merveilleux, ont m’a lancé des fleurs de la salle […] Les gens crient
à la fin de mon tour de chant “Piaf, Piaf, Piaf” ça fait tout de même
plaisir ! ». À Lille en octobre : « Les gens ici sont vraiment adorables,
ils pigent d’une façon épatante, et j’en suis bien contente ». Grand
succès aussi à Bruxelles en novembre, à Marseille en décembre :
« les Marseillais étaient déchainés, la musique avait beau réataquer,
ils continuaient de gueuler “Edith Piaf” j’ai du revenir », mais elle
doit essuyer une cabale à Toulouse : « Pour la première fois depuis
que je suis Edith Piaf, on n’a voulu me foutre en l’air »… Elle cite
au fil des lettres les noms d’André Claveau, Damia, Marjane, Henri
Varna, Raymond Asso, Marguerite Monnot, Paul Meurisse, Norbert
Glanzberg, Madeleine Robinson, Robert Dalban, etc.
La guerre est présente dans ces lettres : « Ça bombarde drolement