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«
J'
AURAI
EU
SOUVENT À
PLEURER DE
VOS
PEINES
,
ET
PEUT
-
ÊTRE
JAMAIS À ME RÉJOUIR DE
VOS
JOIES
...
»
J
OIES
ET
PEINES DE
L
OUIS D
'A
LBUFERA
:
le marquis, qui allait se marier le
11 octobre avec Anna Massena,
était à la fois triste d'éloigner Louisa
de Mornand et inquiet qu'elle ne
provoque un scandale.
«
Mon cher Louis, je vous ai quitté
dans un état dont, si douloureux qu'il
fût, je n'ai pas à parler, car qu'était-
il à côté du vôtre. Si je n'avais craint
de vous fâcher, je serais resté en bas,
ou devant le 55 rue St-Dominique
[adresse de Louis d'Albufera et de
ses parents]
pour vous avoir revu et
savoir q
[uel]
q
[ue]
chose. Rentrer chez
moi m'était atroce. Heureusement,
en passant par la rue de Chaillot,
j'ai rencontré Guiche
[Armand
de Gramont, duc de Guiche]
qui
rentrait et cela m'a un peu calmé.
Dans ces conditions, je vous serais
profondément reconnaissant, dès que
vous aurez ce petit mot, de m'envoyer
vous-même unmot (qu'on ne monterait
pas pour ne pas me réveiller car je suis
dans un état d'asthme atroce et quand
j'aurai pu m'endormir, je voudrais pour rien au monde n'être réveillé et la sonnette ne manquerait pas
de le faire) me disant comment cette soirée s'est terminée, pour que je sache q
[uel]
q
[ue]
chose. Je compte
aussi que vous passerez un moment dans la soirée (pas avant dîner, pas avant 10 heures, 10 h. 1/4,
beaucoup plus tard si vous voulez) mais je ne voulais pas attendre ce moment-là pour savoir où tout cela
en est, ce qui s'est produit..., et si votre état moral s'en ressent.
M
ON PAUVRE
L
OUIS
,
DEPUIS QUE
JE VOUS CONNAIS
,
J
'
AURAI EU
SOUVENT À PLEURER DE VOS PEINES
,
ET PEUT
-
ÊTRE
JAMAIS À ME RÉJOUIR DE VOS
JOIES
. J
E
SUIS
BIEN MALHEUREUX
...
Je vous en prie, un mot, n'est-ce pas,
si court qu'il soit, je vous en supplie.
»
16
PROUST
(Marcel). Lettre autographe signée
«
Marcel
». S.l., [date du 8 octobre 1904].
500/600
4 pp. in-8, liseré de deuil ; date de réception au composteur.