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HISTOIRE POSTALE
Les Maures mènent leur même vie lente
qui, à force d’être toujours la même, me
semble une petite vie bourgeoise. J’étais
à Casablanca lorsque le C
t
Paris est passé
à Juby. Il a pris mon remplaçant pour
moi. Ça m’est désagréable parce que mon
remplaçant aime beaucoup les petites
phrases, s’agite pour être aimable et
possède une âme ornée de guirlandes. Je
n’aime pas être emporté dans le souvenir
d’un type sous cette forme… Maintenant je
pense que les éloges s’adressaient aussi à
mon remplaçant ? J’ai regretté de ne pas
voir le C
t
car il a laissé sur toute la ligne
un souvenir magnifique. Le reverrez-vous ?
Je suis un peu las de cette vie loin de
tout et j’aimerais revenir à Paris. Pourtant
il serait ridicule de quitter la ligne pour
recommencer aux lignes Farman ou autres.
Mes yeux vont à peu près bien. Je vais
vous écrire beaucoup plus longuement
d’ici huit jours. Croyez à ma vieille amitié.
Antoine ».
L’enveloppe porte la mention autographe
« Poster à Casablanca » mais fut affranchie
à Toulouse ; les lettres que Saint Exupéry
écrivait à Cap Juby étaient postées par des
tiers, soit à Casablanca soit à Toulouse.
PROVENANCE :
Lucie-Marie Decour puis à sa
descendance ; vente à Paris, le 29 avril
2013, lot 137
Pliures ; petite déchirure marginale ;
quelques petites taches
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ANTOINE DE SAINT EXUPÉRY
(1900-1944)
Lettre autographe signée à Lucie-
Marie Decour. [Cap Juby, avril 1928 ;
cachet postal : Toulouse, 30 avril
1928].
2 p. sur un f. in-4 (26,8 x 21 cm) de
papier vélin à l’en-tête des « Lignes
aériennes Latécoère » et enveloppe
à en-tête identique avec suscription
autographe, encre noire.
5 000 / 7 000 €
Très belle lettre inédite :
« Vous êtes décidemment un ange. J’ai
reçu tous les disques et dans mon désert
monotone je me trompe le cœur avec des
mélancolies artificielles. La musique me
le permet et les couchers de soleil. Mes
yeux vont bien mais je n’ai rien à regarder.