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HISTOIRE POSTALE
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ANTOINE DE SAINT EXUPÉRY (1900-1944)
Lettre à Curtice Hitchcock : brouillon autographe signé.
[Canada, mai 1942].
10 p. sur 10 f. in-4 (27,5 x 21,5 cm) de papier vélin canadien
« Windsor Bond et Cheneaux Bond » montés sur onglets,
encre noire, foliotation autographe (1-10), foliotation
postérieure au crayon rouge (0256-0265), reliure demi-veau
vert à coins, dos lisse, titre doré en long (
Montecot S
r
Lavaux
).
10 000 / 15 000 €
PRÉCIEUX BROUILLON D’UNE TRÈS LONGUE LETTRE DE SAINT
EXUPÉRY À SON ÉDITEUR NEW-YORKAIS CURTICE HITCHCOCK
(1892-1946).
Parti au Canada pour tenir plusieurs conférences à la demande de
l’éditeur Bernard Valiquette, Saint Exupéry ne parvient pas à regagner
les États-Unis à cause d’un problème de visa de sortie. Cependant,
ses propos n’étant pas du goût de tous et certains voulant voir en
ceux-ci une défense de Pétain, on pense qu’il aurait été dénoncé
par les partisans de De Gaulle à Washington aux autorités amé-
ricaines comme voyageant avec un visa délivré par le régime de
Vichy et empêché ainsi de rentrer dans le délai initialement prévu.
Cet épisode, qui marqua profondément Saint Exupéry, reste un des
plus mystérieux de son séjour outre-Atlantique. La lettre que nous
présentons est donc d’autant plus précieuse pour comprendre les
circonstances de ce “séjour forcé”.
« Cher Curtice, mon affection pour vous est si profonde que je ne
puis supporter l’idée d’un malentendu. Je voudrais de tout cœur
que vous fassiez aussi lire cette lettre à Elisabeth [Reynal]. Mes télé-
phones avec elle ont été amers pour moi parce que m’exprimant
en français, je ne parvenais pas à me faire comprendre et qu’Elisa-
beth – gentiment - me répondait comme à un enfant de cinq ans.
Pardonnez-moi donc de vous ennuyer encore, cher Curtice, mais
je veux que vous sachiez que je ne suis ni ingrat, ni idiot. Je résume
donc mon aventure tout entière. […]
Bien sûr, Curtice, je me suis senti désespéré. Je ne pouvais pas
ignorer que ce retour en cinq jours était humainement impossible (et
quand quinze jours plus tard Elisabeth m’a appris que les difficultés
étaient dues à ce que je faisais la même demande de visa que celle
que j’eusse fait de France, j’ai souri dans ma barbe avec mélancolie.
J’avais tellement essayé, précisemment [sic], d’expliquer ça ! Et de
l’expliquer comme une trahison (car si même mon visa eut été mille
fois plus en règle il eut été perdu. C’est la loi. Et la demande d’un visa
neuf exige légalement six mois.) En contrepoids du drame qui pouvait
très bien engager ma vie j’avais pour toute consolation : un reproche
d’ingratitude envers mon bienfaiteur Chapdelaine ; un reproche de
légèreté stupide ; un reproche d’interview monstrueux ; un reproche
d’injustice à votre égard ; un reproche de manque de confiance dans
un retour immédiat ; l’assurance que la légation du Canada refusait
d’assumer ses responsabilité d’État et se changeait en “aimable
recommandation” d’un fonctionnaire de troisième classe ; et, pour
clore le tout et m’encourager, l’assurance que le State Departement
avait bien autre chose à faire qu’à s’occuper de moi »
Cette lettre fut en partie éditée dans les
Œuvres complètes,
de Saint
Exupéry (II, Bibliothèque de la Pléiade, 2009, p. 983-984) mais elle
y est curieusement présentée comme adressée à Eugene Reynal,
l’associé de Curtice Hitchcock.
Au verso du f. 7, Saint Exupéry a dessiné au crayon noir une grande
croix fichée en terre accompagnée de la mention « j’ai bien mal
quand même vois-tu ! ».
Quelques taches et salissures ; quelques petites déchirures margi-
nales ; reliure légèrement frottée