Previous Page  70 / 80 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 70 / 80 Next Page
Page Background

les collections aristophil

68

1406

SAINT-SIMON Louis de Rouvroy,

duc de

(1675-1755) duc et pair,

mémorialiste.

L.A. (minute « Pour chiffrer »), Paris

2 juillet 1725, au cardinal

GUALTERIO

;

1 page et quart in4.

5 000 / 7 000 €

Belle et importante lettre inédite, sur le

prochain mariage de Louis XV avec Marie

Leszczynska, les nouvelles de la Cour et

des armées, et l’état du pays.

[On comprend que cette lettre, au ton fort

critique, ait dû être chiffrée pour son envoi ;

c’est une page comparable aux meilleures

des

Mémoires

.] « Le mauvais temps qui

desole icy les santés et les biens et qui a

ruiné deja quelques provinces du Royaume »

l’empêche d’aller à la campagne dans la pluie

et le vent. Il se réjouit des bonnes nouvelles

du cardinal. « Lexecution des derniers edits

que le Roy a portés au Parlement paroist de

jour en jour plus impossible et les despenses

de tables et semblables plus monstrueuses

et plus incroyables qu’on n’ose se l’imaginer.

On joüe peu à Chantilly [chez le duc de

BOURBON

, premier ministre après la mort

du Régent] faute d’argent les femmes y

sont dechaisnées les unes contre les autres

et font de ce lieu un sejour terrible ». M.

d’E

NTRAGUES

est parti précipitamment pour

Bruxelles « allarmé d’une decouverte qui

intrigue bien des gens quoy qu’il ne s’agisse

que d’une affaire d’argent qu’on vouloit faire.

On prétend que M

e

de

PRIE

[maîtresse du

duc de Bourbon] y est fort meslée et que

malgré touttes ses precautions d’agir toujours

par autruy et de se dire pauvre et ne se

mesler ny d’affaires d’argent ny d’aucune

autre il sera difficile que celle cy passe sans

éclat ». Elle n’ira pas à Strasbourg, car elle

« n’ose s’exposer à l’absence. Celle la ou

une autre. Quand on ne peut agir par soy

mesme c’est à quoy on retombe toujours ».

Puis il parle longuement du mariage royal.

Le duc d’O

RLÉANS

, premier Prince du sang et

fils du Régent, doit aller à Strasbourg épouser

par procuration

MARIE LESZCZYNSKA

: « M.

le Duc d’Orléans va épouser la Reine qui

viendra enfin par Metz. Tout le monde est

dans l’étonnement. Cependant il l’accepte,

cependant il ne voit pas l’indecence d’une

fonction que D. Louis d’Haro fit au mariage

de la dernière Reine [Marie-Thérèse

d’Autriche en 1660] à six lieues de la Cour

de France remplie de Princes du sang et des

personnages les plus considerables. Celle

dont il s’agit est à cent lieues d’icy et n’est en

rien pareille. On est encore plus étonné qu’il

veuille estre l’instrument de la destruction de

l’ouvrage de son père qui a valu la Couronne

d’Espagne à sa sœur [c’est le Régent qui

avait négocié les fiançailles de Louis XV avec

l’Infante d’Espagne (renvoyée en Espagne en

avril 1725), en même temps que le mariage

de sa fille Mademoiselle de Montpensier

avec le Prince des Asturies, l’éphémère

Louis I

er

], et que par cette belle fonction il

ne craigne pas d’offenser l’Espagne sans

retour et qu’on ne l’envoye la faire que pour

cela, dautant que les mesnagements qu’on a

pour luy ne doivent pas le persuader que si la

commission eust été bonne elle n’eust pas été

pour luy. Il ny a pas deux avis sur cela dans

tout Paris, mais les Princes qui ne veulent

voir ny parler à personne pensent et agissent

autrement que le reste des gens. Il aura ses

embarras avec le Stanislas [

LESZCZYNSKI

]

qui n’est qu’un Roy de carte mais qui en cette

occasion devient Roy pour nous et le fera

avec le premier Prince du sang ».

Puis il parle de « l’expedition militaire dans

les terres de l’El[ecteur] Palatin faitte par

M. d’H

ARLAY

Int[endant] d’Alsace et sans

aveu ny consultation que de soymeme.

De telles testes sont mal en place et

plus mal sur des frontieres. Je ne scay

ce que l’Electeur et l’Empereur mesme

en diront, mais difficilement M. d’Harlay

persuadera t’il à personne que quelqu’un

ait envie d’empoisonner le Roy Stanislas,

et beaucoup moins qu’on l’entreprenne en

debittant du tabac empoisonné sur la place

de Veissembourg dans l’esperance qu’il en

acheptera pour son usage »… Puis il parle des

maréchaux de

GRAMMONT

et d’E

STRÉES

qui sont fort mal : « Ces deux hommes ont

fait une rapide et grande fortune en honneurs,

en biens immenses en charges et en brillant

et ne sont pas vieux. Ce monde cy ne dure

gueres »...

provenance

Ancienne collection du comte Claude de

FLERS, vente

Souverains et Princes de

France

, 27 mars 2007, n° 168.