Previous Page  86-87 / 276 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 86-87 / 276 Next Page
Page Background

85

les collections aristophil

littérature

84

82

BOILEAU-DESPRÉAUX NICOLAS

(1636-1711)

L.A.S. « Despreaux », Paris 10

novembre 1699, à son ami Claude

BROSSETTE ; 2 pages in-4, montées

sur papier fort.

10 000 / 12 000 €

Superbe lettre sur la mort de RACINE et

le

Télémaque

de FÉNELON

.

Il est fort honteux d’avoir tardé à le remercier

de ses magnifiques présents et de ses lettres

plus agréables encore, « mais si vous scaviés

le prodigieux accablement d’affaires que

ma laissé la mort de M

r

RACINE vous me

pardonneriés sans peine et vous verriés bien

que je n’ay presque point de temps a donner

a mon plaisir c’est a dire a vous entretenir

et a vous escrire »... Il félicite Brossette sur

sa préface au livre des

Conférences

, puis

dit son plaisir de recevoir « Le Télemaque

de M

r

De Cambray [FÉNELON]. Je l’avois

pourtant déjà leu. Il y a de l’agrément dans

ce livre, et une imitation de l’Odyssée que

j’approuve fort. L’avidité avec lequel on le lit

faict bien voir que si on traduisoit Homere

en beaux mots il feroit l’effect qu’il doit faire

et qu’il a toûjours faict. Je souhaitterois que

M

r

De Cambray eust rendu son Mentor un

peu moins prédicateur et que la morale

fust respandue dans son ouvrage un peu

plus imperceptiblement et avec plus d’art.

HOMERE est plus instructif que lui mais ses

instructions ne paroissent point préceptes

et resultent de l’action du Roman plutost

que des discours qu’on y estale. Ulysse par

ce qu’il faict nous enseigne mieux ce qu’il

faut faire que partout ce que lui ni Minerve

disent. La verité est pourtant que le Mentor

du Telemaque dit des choses fort bonnes

quoiqu’un peu hardies et qu’enfin M

r

De

Cambray me paroist beaucoup meilleur

Poete que Theologien de sorte que si par

son livre des

Maximes

il me semble très peu

comparable a S. Augustin je le trouve par

son Roman digne d’estre mis en parallele

avec Heliodore. Je doute neanmoins qu’il

fust d’humeur comme ce dernier a quitter

sa mitre pour son Roman. Aussi vraisembla-

blement le revenu de l’Evesché d’Heliodore

n’aprochoit guere du revenu de l’Archevesché

de Cambray »...

Œuvres complètes

, Bibl. de la Pléiade, p. 638.

83

BOILEAU-DESPRÉAUX NICOLAS

(1636-1711)

L.A.S. « Despreaux », Paris 30 juillet

1706, [à Adrien-Maurice, duc de

NOAILLES] ; 3 pages in-4 (pli intérieur

renforcé).

8 000 / 10 000 €

Superbe lettre sur sa

Satire

XII sur

l’Équi-

voque

, qui ne sera publiée qu’après sa

mort, et sur la glorieuse conduite du duc

au siège de Barcelone

.

[La

Satire

XII

sur l’Équivoque

fut composée en

1703-1704 en riposte à un article du

Journal

de Trévoux

accusant Boileau de piller les

auteurs satiriques latins. D’inspiration jan-

séniste, cette satire s’en prend aux Jésuites.

Fort du soutien du cardinal de Noailles et du

chancelier Pontchartrain, Boileau tenta à plu-

sieurs reprises de publier

l’Équivoque

, mais

Louis XIV, sur le conseil de son confesseur le

père Le Tellier, en interdisit l’impression. Elle

ne parut qu’après la mort de Boileau dans

une édition clandestine, puis en 1716 dans

l’édition des

Œuvres complètes

.]

« Je ne scay pas Monseigneur sur quoy

fondé vous voulés qu’il y ayt de l’equivoque

dans le zele et dans la sincère estime que j’ay

toujours faict profession d’avoir pour vous.

Avés vous donc oublié que votre cher Poete

n’a jamais esté accusé de dissimulation,

Et

qu’enfin sa candeur

, c’est lui mesme qui le

dit dans une de ses Epistres,

seule a faict

tous ses vices

 ». S’il ne lui a pas donné de

nouvelles de son dernier ouvrage [sa

Satire

XII], c’est qu’il ne voulait pas l’importuner

pendant le siège de Barcelone : « croiés

vous qu’au milieu des grandes choses dont

vous estiés occupé devant Barcelone parmi

le bruit des canons des bombes et des

carcasses mes Muses dûssent vous aller

demander audience pour vous entretenir

de mon démeslé avec l’Equivoque et pour

sçavoir de vous si devois l’appeller

maudit

ou maudite

 ». Il lui dit qu’il l’a achevée immé-

diatement aprés son départ ; « Que je l’ay

ensuitte récitée a plusieurs personnes de

merite qui lui ont donné des eloges auxquels

je ne m’attendois pas Que Msgr le Cardinal

de Noailles surtout en a paru satisfaict et

m’a mesme en quelque sorte offert son

approbation pour la faire imprimer mais que

comme j’y attaque a face ouverte la Morale

des mechans Casuistes et que j’ay bien prévû

leclat que cela alloit faire je n’ay pas jugé a

propos

meam senectutem horum sollicitare

amentiâ

et de m’attirer peutestre avec Eux

sur les bras toutes les furies de l’Enfer ou ce

qui est encore pis toutes les calomnies de...

Vous m’entendés bien Monseigneur. Ainsi

j’ay pris le parti d’enfermer mon ouvrage qui

vraisemblablement ne verra le jour qu’après

ma mort. Peutestre que ce sera bientost

Dieu veuille que ce soit fort tard. Cependant

je ne manquerai pas des que vous serés a

Paris de vous le porter pour vous en faire

la lecture »...

Puis sur le siège de Barcelone : « Cest avec

une extreme plaisir que j’entens tout le

monde ici vous rendre justice sur l’affaire

de Barcelone ou lon pretend que tout auroit

bien esté si on avoit aussi bien fini que vous

aviés bien commencé. Il n’y a personne qui

ne loüe le Roy de vous avoir faict Lieutenant

general et des gens sensés mesmes croient

que pour le bien des affaires il n’eut pas

esté mauvais de vous eslever encore a un

plus haut rang. Au reste cest a qui vantera

le plus l’audace avec laquelle vous avés

monté la tranchée apeine encore gueri de

la petite verole et approché dassés pres les

Ennemis pour leur communiquer vostre mal

qui comme vous scavés s’excite souvent par

la peur. Tout cela Monseigneur me donneroit

presque l’envie de faire ici vostre eloge dans

les formes mais comme il me reste trés peu

de papier et que le Panegyrique n’est pas

trop mon talent », il se hâte de l’assurer de

son trés grand respect…

Œuvres complètes

, Bibl. de la Pléiade, p. 829.