les collections aristophil
74
CATALOGUE N°10
MANUSCRITS
& LETTRES AUTOGRAPHES
DE MALHERBE
À CHATEAUBRIAND
On sait combien les manuscrits littéraires des XVII
e
et XVIII
e
siècles sont
rares. Aussi, est-ce un ensemble exceptionnel qui est ici présenté, où de
précieux manuscrits côtoient des lettres de nos plus grands écrivains.
« Enfin Malherbe vint », écrivait Boileau… Le voyage dans le temps
commence en effet en 1608 avec Malherbe et pas moins de trois lettres
qui le montrent tour à tour amoureux, écrivain et quelque peu gaillard
avec son confrère Racan, et en père inquiet ; puis François de Sales, plein
de tendre affection envers ses parents. Descartes se prépare à répondre
aux attaques des Jésuites, tandis que Gilberte Périer rédige la vie de son
frère Blaise Pascal. À la fin du siècle, un bel ensemble de manuscrits et
de lettres de Bossuet témoigne de l’énorme labeur du prélat, à travers
des brouillons de sermons et d’ouvrages de controverse, ainsi que son
rôle de pédagogue du Dauphin, et de directeur de conscience. Un très
rare poème authentique de Jean de La Fontaine célèbre la prise de
Namur et la bataille de Steinkerque. De belles lettres de Nicolas Boileau
évoquent la mort de Racine, le
Télémaque
de Fénelon, sa Satire sur
l’Équivoque, le siège de Barcelone, tandis qu’un important manuscrit
retrace un épisode de la Querelle des Anciens et des Modernes. De son
adversaire Charles Perrault, une riche correspondance inédite permet
de suivre l’élaboration, sous le mécénat de Michel Bégon, du livre des
Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle
.
Le siècle des Lumières nous offre deux riches ensembles de lettres et
manuscrits des personnalités antagonistes de Jean-Jacques Rousseau
et de Voltaire. On verra ici Jean-Jacques d’abord en secrétaire dévoué
de Madame Dupin préparant avec elle un ouvrage sur les femmes,
puis protégé et hébergé par la marquise d’Épinay (à laquelle il adresse
une riche et belle correspondance de 61 lettres) à l’Ermitage près de
Montmorency, où il écrira
La Nouvelle Héloïse
, ce chef-d’œuvre du
roman épistolaire, dont est ici présenté le précieux manuscrit de la
troisième partie, dans la « copie personnelle » de Rousseau avec ses
corrections ; sans oublier le musicien avec le joli
Duo des roses
. Quarante
ans de la vie de Voltaire sont retracés à travers un important ensemble
de lettres de ce grand épistolier, depuis ses travaux newtoniens aux
côtés de Mme du Châtelet jusqu’à la veille de sa mort, avec notamment
son séjour à Potsdam près de Frédéric II (qui lui adresse une longue
lettre), ses travaux historiques, son théâtre, sa tendre affection pour
sa nièce Mme Denis,
Candide
(dont il dément être l’auteur dans une
lettre fameuse), sa lutte contre l’Infâme, l’affaire Calas… À côté d’autres
philosophes et encyclopédistes, Montesquieu, Diderot, D’Alembert ou
Vauvenargues ; de poètes, comme Jean-Baptiste Rousseau, le duc de
Nivernais, ou le malheureux Gilbert ; de figures de « l’Europe galante »
comme Crébillon, Caylus, Casanova, Grimod de la Reynière et le marquis
de Sade ; des manuscrits de Bernardin de Saint-Pierre pour le chantier
de son roman inachevé de
L’Amazone
; on retiendra le remarquable
ensemble constitué autour de la figure attachante de Julie de Lespinasse,
de son fidèle D’Alembert et de son amant le comte Guibert, avec les
bouleversants hommages funèbres rendus à Julie par ses deux amis.
Le domaine allemand est bien représenté par Kant, Fichte, Novalis,
Schiller et Goethe.
À la charnière de deux siècles, la vie tourmentée de Germaine de Staël
revit dans des lettres passionnantes, et surtout avec l’énorme ensemble
de brouillons et manuscrits pour son grand ouvrage posthume des
Considérations sur la Révolution française
. Notre parcours s’achève
avec Chateaubriand : l’épistolier, avec des lettres qui vont de l’Empire à
la monarchie de Juillet, le poète qu’inspire Mme Récamier, l’historien
avec le manuscrit sur la bataille de Poitiers, et enfin le mémorialiste
avec le chantier testamentaire des
Mémoires d’Outre-Tombe
.
Thierry Bodin