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les collections aristophil
littérature
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CONSTANT BENJAMIN (1767-1830).
L.A., Genève 3 mars 1806, [à Therese
HUBER] ; 3 pages in-8 (traces d’onglet
et de montage, petit manque dans le
bas sans perte de texte).
1 500 / 2 000 €
Très belle et émouvante lettre après la
mort d’Isabelle de Charrière, sa première
maîtresse
.
[Isabelle de CHARRIÈRE (1740-1805) est morte
le 27 décembre 1805 à Colombier, près de
Neuchâtel. Elle fut le premier grand amour
de Benjamin Constant, sur lequel elle exerça
une influence profonde.]
Les lettres de son amie « me font toujours un
triste plaisir, mais j’aime à l’éprouver. C’est
un sentiment qui remet quelque chose de
doux dans mon ame, froissée par le spec-
tacle de tant de crimes et de bassesses et
chaque jour plus accablée de la perte de
toutes les espérances dont ma jeunesse
s’étoit bercée ».
Il doit bientôt quitter Genève : « Ce qui me
console c’est que je vous verrai surement cet
automne, si la guerre ne m’en empêche pas,
en se rallumant, et si je vis. Mon projet est de
passer l’hyver en Allemagne, probablement
à Weymar, et vous croyez bien que je n’irai
pas de France à Weymar sans passer par
le lieu que vous habitez. […]
La mort de Mad
e
de Charrière m’a fait une
peine profonde. Elle m’avait tendrement
aimé, et ma rupture avec elle, quoique natu-
relle au fond, avait été accompagnée d’une
légèreté de ma part que je me suis souvent
reprochée, que j’ai inutilement cherché à
réparer, parce que ces choses ne se réparent
pas, et que je me reproche encore. Je me
proposais d’aller la voir quand j’ai reçu cette
funeste nouvelle »...
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COYPEL CHARLES-ANTOINE (1694-
1752).
MANUSCRIT,
L’Impatient
, comédie
en un acte
; 79 pages in-4 en 4
cahiers liés d’un ruban bleu, tranches
dorées (fortes mouillures).
1 500 / 2 000 €
Le peintre Charles-Antoine Coypel était aussi
auteur dramatique ; une seule de la quaran-
taine de ses pièces fut publiée,
Les Folies
de Cardenio
.
Manuscrit de copiste présentant de minimes
corrections en deux endroits, de cette
comédie qui ne figure pas dans les six
volumes du Théâtre de Coypel que possdait
le duc de La Vallière, et n’est pas recensée
dans le catalogue Soleinne.
L’intrigue se fonde sur le mariage d’un maître,
Lélie, avec Isabelle, et celui de son valet Carlin
avec Lisette, la suivante d’Isabelle.
[…] Quand il me seroit arrivé quelque chôse
de plaisant, je n’aurois garde de vous en rien
dire, parce que je n’ignore pas qu’il faut être
un sot, ou un fat pour parler de soy, surtout
à des personnes comme vous, à qui, à tous
egards, il est prudent, et convenable de ne
rien dire de déplacé. Vous y gagnerez […] de
recevoir une lettre fort courte de quelqu’un
qui, vû la disette des objets, ne pourroit vous
en écrire une plus longue, sans risquer de
vous ennuyer »…
Cette lettre semble inédite
; elle ne figure
pas dans la
Correspondance
rassemblée par
Jean Sgard, qui ne compte que 43 numéros.
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DENON DOMINIQUE-VIVANT
(1747-1825).
L.A.S. « Denon », Samedi, à une
dame ; 1 page et demie in8 (portrait
joint).
300 / 400 €
Curieuse lettre à une femme
.
« Vous m’avez oublié, je me dis qu’on m’a
assuré que c’est votre usage. Je me dis
que j’oublie bien du monde aussi. Hé bien
tout cela ne me console pas d’être oublié
de vous. […] Je scais bien que votre portrait
ne sera pas ressemblant mais que vous
importe. Le blame en sera pour moi et vous
n’en serez pas moins jolie, et moi j’aurai là
les autres pour consoler l’amour-propre,
je mettrai encore deux autres
Patiti
et l’on
vous reconnaitra aux
accessoires
. […] songez
que personne ne sent plus tout ce que vous
vallez et que cest la faute de la lytographie
si je ne scais pas le dessiner »…
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CLAUDE-PROSPER JOLYOT DE
CRÉBILLON FILS (1707-1777).
L.A.S. « Crébillon fils », Paris 29 août
1747 ; sur 2 pages in-4.
500 / 700 €
Rare lettre, fort spirituelle, de nouvelles
du temps
.
« Si j’exécute aujourd’huy les ordres que
vous me donnâtes en partant, ce n’est pas
que j’aye plus matière à vous écrire, que je
n’en ay eu depuis votre depart. Tant de gens
vous écrivent toute la journée, qu’ils sont vos
très humbles, et très obéissants serviteurs,
que j’ay cru qu’il seroit asséz peu touchant
pour vous, que je vous mandâsse la même
chôse »… Il écrit donc « positivement pour
vous dire que je ne sçais rien de nouveau à
vous mander. Si nos femmes ont fait quelque
sottise, comme je n’en doute pas, elle a été
si commune, et si peu marquée que cela n’a
pas fait le moindre bruit. Il n’y a pas jusques à
nos actrices qui, à quelques couches près, et
d’autres maladies prises, ou reprises, guéries
ou palliées, ne se soient tenu fort tranquiles.
Les auteurs même les ont imitées ; et hors
François second
, il n’a rien paru qui pût
amuser même par le ridicule. Quoyque je
ne croye point que vous connoissiez le père
de cet ouvrage [le président HÉNAULT], je
ne doute, cependant, pas qu’il ne vous l’ait
envoyé. Si vous l’avez lû, il n’y a rien à vous
dire, et si vous avez jugé à propos de le
laisser là, tout en est dit. Mad
e
la comtesse
d’ARGENSON m’a dit qu’elle vous enverroit
des Criminels vertüeux [
Mylord Stanley ou
le Criminel vertueux
de Jacques Rochette
de la Morlière], et je ne sçais quelle autre
pitié que l’on nous a donnée depuis votre
départ ; ainsi j’ay crû devoir la laisser faire.
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COYPEL CHARLES-ANTOINE (1694-
1752).
MANUSCRIT
avec corrections
autographes,
Le Danger des
richesses
, comédie
; 116 pages in-4
(plus qqs ff. blancs) en 8 cahiers liés
d’un ruban bleu, tranches dorées,
couv. cart. d’époque (mouillures sur
le bord inférieur).
2 000 / 2 500 €
Le peintre Charles-Antoine Coypel était
aussi auteur dramatique ; une seule de la
quarantaine de ses pièces fut publiée,
Les
Folies de Cardenio.
Le duc de La Vallière possédait un manuscrit
du
Théâtre
de Charles Coypel, en 6 volumes
in-4, rassemblant 21 pièces (n° 3463), dont
Le
Danger des richesses
: « Toutes ces pièces
de Charles Coypel, d’une famille fertile en
Peintres, mort en 1752, n’ont pas été impri-
mées. Il étoit fort jaloux de ne pas les rendre
publiques, & c’est par une preuve de la plus
grande confiance que M le Duc de la Vallière
a eu une copie de toutes celles qu’il avouoit. »
Manuscrit complet mis au net avec quelques
corrections de cette comédie en 3 actes et en
prose, dont le titre primitif
L’Avare fastueux
a été biffé et corrigé sur la couverture. On
y voit Orgon, de retour d’un long voyage
aux Indes, découvrir que son frère, devenu
fort riche, est désormais comte de Massif…
L’esprit de Massif est gâté par les courtisans,
mais le cœur garde de bons mouvements, et
la comédie se dénoue par la réconciliation
familiale…
Il s’intéresse à la brochure que Therese
Huber doit publier sur son mari (Ludwig
Ferdinand HUBER, 1764-1804), puis il lui
parle de sa fille Therese Forster : « Ce que
vous me mandez de votre bonne Therese
m’intéresse vivement. Il y a bien longtems
que je ne l’ai vue. Mais j’en ai conservé
un souvenir doux et agréable. Tout ce qui
m’en revient lui est avantageux. Elle a soigné
admirablement Mad
e
de Charrière, et deux
lettres très courtes quelle m’a écrites sont
des modèles de convenance, tout en indi-
quant de la sensibilité. Pourquoi dites vous
qu’elle n’est pas heureuse ? Et quels sont
vos projets à son égard ? Elle entroit pour
beaucoup dans la visite que j’aurais faite à
Colombier sans cette malheureuse mort »...