Georges Pompidou reste un personnage dont les facettes multiples n’ont
pas encore été toutes explorées. On connaît le grand politique qui enracina
les institutions de la V
e
République et poursuivit la politique d’indépendance
nationale définie par son illustre prédécesseur, le général de Gaulle. On a
découvert la complexité de l’homme de culture, à la fois traditionaliste et
novateur, voire provocateur. On sait moins en revanche que ce grand lettré,
auquel on doit une célèbre
Anthologie de la poésie française
, avait un jardin
secret, soigneusement gardé : la bibliophilie, passion cultivée également par
d’autres hommes d’État : Louis Barthou, Robert Schuman, François Mitterrand
entre autres. Quai de Béthune, dans l’appartement qui était son refuge et où il
mourut le 2 avril 1974, se trouvait un trésor accumulé au long d’une vie : des
éditions rares, anciennes et modernes, souvent enrichies d’envois autographes
des plus grands auteurs. Aucune exclusive dans cette collection. Connaisseur
des Classiques, Georges Pompidou se montrait également attentif aux formes
d’expression les plus inédites. A une époque où le génie de Marcel Proust était
loin d’être universellement reconnu, il se passionnait pour son œuvre. Tout jeune,
il suivit de près l’aventure des surréalistes. Et le premier livre de prix qu’il acheta
fut
La femme cent têtes
de Max Ernst.
Une dernière fois, tous ces ouvrages précieux, patiemment réunis par l’ancien
Président de la République, se trouvent donc réunis pour former un ensemble
exceptionnel qui comblera les amateurs. Mais, séparés comme ils vont l’être, tous
ces beaux livres demeureront associés à la mémoire de Georges Pompidou. Pour
longtemps ils témoigneront de la curiosité insatiable de ce grand lecteur, de cet
homme d’État qui fit entrer la France dans la modernité en veillant à ce qu’elle
n’oublie rien d’un magnifique héritage.
Éric Roussel
de l’Institut