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Le manuscrit réunit sept pièces.
La première,
Sur le trepas de feu Monseigneur de Nemours
, est
inédite et diffère de l’autre épitaphe de Gaston de Foix publiée par
Lemaire en
1513
à la suite de
L’Épistre du roy à Hector
. Elle est
explicitement revendiquée par l’auteur dans le titre (« Jehan Le
Mayre de Belges, indiciaire et historiographe de la Royne, sur le
trespas de feu Monseigneur de Nemours »). Elle contient
15
vers,
dont l’un adressé à Anne de Bretagne : (
Certes votre neveu,
princesse tres inclite
…) La seconde pièce,
Epitaphe de feu de noble
memoyre / Monseigneur Gaston duc de Nemours
, beaucoup plus
longue (
35
strophes de
5
vers, la première de
7
vers), est également
inédite. L’hypothèse de son attribution à Lemaire de Belges reste à
confirmer, elle pourrait être également l’œuvre d’un autre des
poètes qui ont chanté Gaston de Foix, comme Jean Harpedenne de
Belleville. Là aussi, un vers s’adresse à Anne de Bretagne (
Des
princesses la fleur, Anne royne de France
…).
GASTON DE FOIX, DUC DE NEMOURS, « né en
1489
,
appartient à cette génération héroïque, celle de François I
er
, du
connétable de Bourbon, du chevalier Bayard …Il fut d’ailleurs le
premier à obtenir de hautes charges et de grandes victoires outre-
monts jusqu’à ce fameux
11
avril
1512
où il trouva la mort devant
Ravenne… Une mort fulgurante, qui fit du jeune général un héros
tragique, voire romantique, avant l’heure » (Laurent Vissière,
« Gaston de Foix dans les poèmes français contemporains », dans
Voir Gaston de Foix (1512-2012)
, Paris,
2015
, pp.
223
-
237
).
La troisième pièce, la plus importante du recueil dont elle occupe
environ la moitié (
21
ff.), est la célèbre
CONCORDE DES DEUX
LANGAIGES
: « L’aube radieuse du Temple de Venus et la clarté
élyséenne du Temple de Minerve, surgies d’une même œuvre dès
les premières années du XVI
e
siècle, nous paraissent composer en
se mêlant la lumière de notre Renaissance, éprise à la fois de joie
sensuelle, de beauté plastique et d’idéalisme » (Frappier). On n’en
connaissait jusqu’ici qu’un seul manuscrit, élaboré et décoré à
Lyon en
1511
(B.M. de Carpentras), et elle a été imprimée en
1513
.
Dans le prologue, deux nobles débattent des mérites respectifs des
deux langues, et chargent l’auteur de prouver que le français vaut
bien l’italien pour le «tumulte amoureux». Saluant en Pétrarque
le vrai maître de la poésie amoureuse, l’auteur se rend d’abord au
Temple de Vénus (
616
vers en « terza rima » - que Lemaire est le
premier francophone à utiliser), un séjour de volupté régenté par
son archiprêtre Genius, sis « aux confluents d’Arar et Rhodanus ».
Transposition poétique, avec une discrète allusion à une « amour
lionnoise », des plaisirs érudits du groupe lyonnais de Fourvière
(Champier, Perréal) auquel Lemaire reste très attaché, ce
« TRIOMPHE ÉROTIQUE EN RIME TIERCE … robuste
invitation à l’amour physique à l’hédonisme exubérant et raffiné
qui rejoint Rabelais », se clôt sur une injonction très explicite à
suivre la nature : « à l’exemple de Mars / qui s’accointoit de Venus
blanche et tendre/et mettoit ins escus et bracquemars ».
L’auteur se rend alors au plus sage Temple de Minerve, où français
et toscan vivent en harmonie, qu’il exalte en alexandrins. Le
poème se clôt sur une version qui ne figure ni dans le manuscrit
de
1511
ni dans l’édition de
1513
: le temple de la déesse qui
obtient la « tresnecessaire concorde des deux langaiges… lequel
est tout TAPISSÉ DE FLEURS ET D’HERMINES » est donc le
palais d’ANNE DE BRETAGNE.
Les quatre pièces suivantes ne sont pas de Lemaire de Belges, mais
de poètes ses contemporains avec qui il entretint des relations
d’amitié et d’estime. C’est Guillaume Crétin qui sut découvrir les
dons poétiques de Lemaire de Belges, auquel il accorde avec Jean
d’Auton le premier rang parmi les jeunes poètes. Tandis que Castel
figure parmi ses maîtres.