Previous Page  60 / 116 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 60 / 116 Next Page
Page Background

58

Le manuscrit réunit sept pièces.

La première,

Sur le trepas de feu Monseigneur de Nemours

, est

inédite et diffère de l’autre épitaphe de Gaston de Foix publiée par

Lemaire en

1513

à la suite de

L’Épistre du roy à Hector

. Elle est

explicitement revendiquée par l’auteur dans le titre (« Jehan Le

Mayre de Belges, indiciaire et historiographe de la Royne, sur le

trespas de feu Monseigneur de Nemours »). Elle contient

15

vers,

dont l’un adressé à Anne de Bretagne : (

Certes votre neveu,

princesse tres inclite

…) La seconde pièce,

Epitaphe de feu de noble

memoyre / Monseigneur Gaston duc de Nemours

, beaucoup plus

longue (

35

strophes de

5

vers, la première de

7

vers), est également

inédite. L’hypothèse de son attribution à Lemaire de Belges reste à

confirmer, elle pourrait être également l’œuvre d’un autre des

poètes qui ont chanté Gaston de Foix, comme Jean Harpedenne de

Belleville. Là aussi, un vers s’adresse à Anne de Bretagne (

Des

princesses la fleur, Anne royne de France

…).

GASTON DE FOIX, DUC DE NEMOURS, « né en

1489

,

appartient à cette génération héroïque, celle de François I

er

, du

connétable de Bourbon, du chevalier Bayard …Il fut d’ailleurs le

premier à obtenir de hautes charges et de grandes victoires outre-

monts jusqu’à ce fameux

11

avril

1512

où il trouva la mort devant

Ravenne… Une mort fulgurante, qui fit du jeune général un héros

tragique, voire romantique, avant l’heure » (Laurent Vissière,

« Gaston de Foix dans les poèmes français contemporains », dans

Voir Gaston de Foix (1512-2012)

, Paris,

2015

, pp.

223

-

237

).

La troisième pièce, la plus importante du recueil dont elle occupe

environ la moitié (

21

ff.), est la célèbre

CONCORDE DES DEUX

LANGAIGES

: « L’aube radieuse du Temple de Venus et la clarté

élyséenne du Temple de Minerve, surgies d’une même œuvre dès

les premières années du XVI

e

siècle, nous paraissent composer en

se mêlant la lumière de notre Renaissance, éprise à la fois de joie

sensuelle, de beauté plastique et d’idéalisme » (Frappier). On n’en

connaissait jusqu’ici qu’un seul manuscrit, élaboré et décoré à

Lyon en

1511

(B.M. de Carpentras), et elle a été imprimée en

1513

.

Dans le prologue, deux nobles débattent des mérites respectifs des

deux langues, et chargent l’auteur de prouver que le français vaut

bien l’italien pour le «tumulte amoureux». Saluant en Pétrarque

le vrai maître de la poésie amoureuse, l’auteur se rend d’abord au

Temple de Vénus (

616

vers en « terza rima » - que Lemaire est le

premier francophone à utiliser), un séjour de volupté régenté par

son archiprêtre Genius, sis « aux confluents d’Arar et Rhodanus ».

Transposition poétique, avec une discrète allusion à une « amour

lionnoise », des plaisirs érudits du groupe lyonnais de Fourvière

(Champier, Perréal) auquel Lemaire reste très attaché, ce

« TRIOMPHE ÉROTIQUE EN RIME TIERCE … robuste

invitation à l’amour physique à l’hédonisme exubérant et raffiné

qui rejoint Rabelais », se clôt sur une injonction très explicite à

suivre la nature : « à l’exemple de Mars / qui s’accointoit de Venus

blanche et tendre/et mettoit ins escus et bracquemars ».

L’auteur se rend alors au plus sage Temple de Minerve, où français

et toscan vivent en harmonie, qu’il exalte en alexandrins. Le

poème se clôt sur une version qui ne figure ni dans le manuscrit

de

1511

ni dans l’édition de

1513

: le temple de la déesse qui

obtient la « tresnecessaire concorde des deux langaiges… lequel

est tout TAPISSÉ DE FLEURS ET D’HERMINES » est donc le

palais d’ANNE DE BRETAGNE.

Les quatre pièces suivantes ne sont pas de Lemaire de Belges, mais

de poètes ses contemporains avec qui il entretint des relations

d’amitié et d’estime. C’est Guillaume Crétin qui sut découvrir les

dons poétiques de Lemaire de Belges, auquel il accorde avec Jean

d’Auton le premier rang parmi les jeunes poètes. Tandis que Castel

figure parmi ses maîtres.