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UN MARIAGE QUASI-ROYAL, UN MANUSCRIT INÉDIT ET PERDU DEPUIS 1938.

Ce livre d’heures (

Offiziolo

) est un cadeau anticipé pour le mariage des héritiers de deux des plus grandes familles de la péninsule. Dès

1471

, la cour ducale des SFORZA À MILAN et celle des ARAGONAIS DE NAPLES (la seule cour royale en Italie) s’étaient engagées à

ce que le tout jeune Gian Galeazzo, né en juin

1469

du duc de Milan Galeazzo Maria, épouse un jour sa cousine germaine Isabella, née

en

1470

de l’héritier au trône de Naples Alfonso, duc de Calabre (

1448

-

1495

) et d’Ippolita Maria Sforza. Mais l’assassinat en

1476

du duc

de Milan provoqua une période de graves troubles, la régente Bonne de Savoie qui exerçait le pouvoir pour son fils âgé de

7

ans se faisant

évincer par l’oncle du petit duc, Ludovic le More, à l’automne de

1480

. Gian Galeazzo fut retenu à Pavie dans une prison dorée, soumis à

un programme éducatif destiné à l’éloigner du pouvoir que son oncle convoitait ardemment pour lui-même. Cependant, et quoique la

perspective de la naissance d’un héritier contrariât profondément ses projets, Ludovic le More, obligé de maintenir la fiction de tuteur du

duc légitime, reprit les pourparlers de mariage avec la cour de Naples, et un contrat fut signé au printemps

1480

(Francesca M. Vaglienti,

“Isabella d’Aragona, duchessa di Milano”, in

Dizionario biografico degli italiani

,

62

(

2004

),

on-line

). Ce n’est que huit ans plus tard qu’eut

finalement lieu le mariage, célébré par procuration à Naples le

21

décembre

1488

, puis à Milan le

5

mars

1489

. Il fut suivi de longues

festivités, la plus célèbre étant la

Festa del Paradiso

du

13

janvier

1490

, dont Léonard de Vinci (à Milan de

1481

à

1499

) avait conçu la

machinerie et sans doute la mise en scène : Isabella, vêtue à l’Espagnole, ouvrit le bal au son des tambourins.

L’UN DES

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MANUSCRITS EN MAIN PRIVÉE DE SANVITO, « STRAORDINARIO CALLIGRAFO, FORSE IL PIU GRANDE DI

TUTTO IL SECONDO QUATTROCENTO » (Beatrice Bentivoglio-Ravasio), avec le

Libro de arte coquinaria

du baron Pichon

(DLM

33

, Christie’s Londres,

14

novembre

1974

, lot

459

), le Martial de la collection Durazzo à Gênes (DLM

66

), le Suétone donné par

le roi d’Espagne au duc de Wellington (DLM

70

) ; deux manuscrits datant de l’ultime phase romaine de Sanvito : le Pétrarque de

l’ancienne collection Abbey (DLM

101

) et le Cicéron Landau-Finaly de

1499

(DLM

105

) ; et

2

manuscrits du début des années

1500

,

le

Sylloge

de Chatsworth (DLM

112

) et le Pétrarque de la Fondation Bodmer (DLM

115

).

La production du padouan BARTOLOMEO SANVITO (

1435

-

1511

), le plus célèbre des scribes italiens de la Renaissance, à l’origine

du succès de l’écriture humanistique, ancêtre direct de l’italique, est très précisément connue et recensée grâce à la publication

posthume, en

2009

, par Laura Nuvoloni (que nous remercions de son aide dans l’établissement de cette description, en renvoyant à sa

version détaillée dans la brochure en anglais jointe au catalogue et sur le site) du magistral travail d’Albinia C. de la Mare (abrégé en

DLM) :

126

manuscrits, produits entre

1453

environ et

1511

, pour la plupart des textes de l’Antiquité ou des textes d’humanistes

(Platina, Calderini, Fra Giocondo, etc), exécutés à la demande des commanditaires les plus raffinés, dont les cardinaux Ludovico

Trevisan et Francesco Gonzaga, Diomede Carafa, Federico Gonzaga, Lorenzo de’ Medici, et le roi de Hongrie Matthias Corvin.

L’UN DES TRÈS RARES LIVRES D’HEURES DE SANVITO (ON EN CONNAÎT 12), LE SEUL EN MAIN PRIVÉE.

Les Heures Sforza-Aragon appartiennent au très petit groupe de

12

livres d’heures (DLM

31

,

49

,

73

,

75

,

76

,

79

,

85

,

89

,

93

,

94

,

120

et

le manuscrit découvert à la Biblioteca Comunale de Bologne par Daniele Guernelli). Ils ont été exécutés pour la plupart dans une

période qui va de la fin des années

1470

au début des années

1490

. Notre manuscrit figure sous le numéro

89

dans le catalogue de la

Mare-Nuvoloni de

2009

mais sous une forme très réduite, deux des enluminures seulement étant alors connues grâce aux

reproductions en noir et blanc du catalogue de la vente Ashburner d’août

1938

(lot

119

), à laquelle il fut acquis par Maurice Burrus

par l’intermédiaire du libraire Lauria.

SANVITO signe et date rarement ses œuvres. Mais le doute n’est pas permis : il s’agit bien de sa « formal hand » -

littera antiqua

- ici

particulièrement élégante, posée et assurée, sans les affectations de sa carrière plus tardive. L’utilisation de la

littera antiqua

pour des

livres d’heures, normalement copiés en écriture gothique, constituait une révolution. Sanvito sera suivi et copié par les meilleurs de

ses concurrents, Sinibaldi notamment. La main de Sanvito dans le manuscrit Ashburner-Burrus est très proche de celle des livres

d’heures qu’il copie à la fin des années

1470

et au début des années

1480

(DLM

49

,

73

,

75

,

76

et

79

), ce qui permet d’AVANCER AU

DÉBUT DES ANNÉES 1480 LA DATATION proposée dans le catalogue de

2009

(c.

1488

-

1489

, date du mariage de Gian Galeazzo

Maria Sforza et d’Isabella d’Aragon).

L’UN DES 9 CHEFS D’ŒUVRE ENTIÈREMENT ÉCRITS PAR SANVITO ET DÉCORÉS PAR GASPARE DA PADOVA, L’UN DES

2 SEULS ENCORE EN MAIN PRIVÉE (avec le manuscrit de la collection Durazzo à Gênes).

Les peintures sont l’oeuvre de GASPARE DA PADOVA (actif de c.

1466

à c.

1493

?), l’un des artistes les plus doués de la seconde moitié

du siècle, formé dans l’entourage de MANTEGNA, “alter ego in miniatura” (Beatrice Bentivoglio-Ravasio) du peintre padouan dont

il fut peut-être l’élève. Comme Sanvito, il appartint à la

famiglia

du cardinal Francesco Gonzaga pour qui il réalisa le célèbre Homère

du Vatican, et passa après la mort de son patron en octobre

1483

au service du cardinal Giovanni d’Aragon puis du cardinal Raffaelle

Riario. Ce qui ne l’empêcha pas de travailler pour d’autres commanditaires, Bernardo Bembo l’ami de Sanvito, les Gonzaga, les Médicis,

le pape et la curie romaine, les Orsini, les Aragon (dès

1478

, Gaspare da Padova fournit à la famille royale napolitaine un chef-d’œuvre,

le Flavius Josèphe copié par un imitateur anonyme de Sanvito pour le père d’Isabella, Alfonso d’Aragon, duc de Calabre (Valencia,

Biblioteca universitaria, MS.

836

). Mais jamais semble-t-il pour les Sforza.