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les collections aristophil
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BALZAC HONORÉ DE (1799-1850)
MANUSCRIT autographe signé,
Ursule Mirouët
, [1841]; 145 feuillets
in-4 (28,6 x 21,6 cm) sur papier bleuté,
montés sur onglets, reliure demi-
chagrin brun à coins, filets dorés,
dos à nerfs, sous boîte-étui.
SIGNED AUTOGRAPH MANUSCRIPT,
Ursule Mirouët, [1841]; 145 leaves, in-4
(28,6 x 21,6 cm – 11,2 x 8,5 inches) on blue
paper, mounted on tabs, half-binding
of brown goatskin, with leather corners.
One of only two manuscripts of novels by
Balzac still in private hands.
800 000 / 1 200 000 €
Exceptionnel manuscrit complet d’un roman
de Balzac, un des deux seuls encore en
mains privées
.
Écrit en juin-juillet 1841, le roman d’
Ursule
Mirouët
est publié en feuilleton dans
Le
Messager
du 25 août au 23 septembre 1841,
en 21 chapitres, avant d’être édité chez Hip-
polyte Souverain en mai 1842, en 2 volumes,
où il est dédié à Sophie Surville, nièce de
l’auteur (dédicace datée «Paris, août 1841»).
En janvier 1843, il est repris dans le tome 5
de
La Comédie humaine
(Furne), en tête
du premier volume des
Scènes de la vie
de province
.
Dans ses lettres à M
me
Hanska, Balzac a
désigné
Ursule Mirouët
comme «le plus bel
ouvrage» (5 janvier 1842), «le chef-d’œuvre,
selon moi, de la peinture des mœurs» (1
er
mai 1842). Et encore : «
Ursule Mirouët
est
la
sœur heureuse
d’
Eugénie Grandet
» (14
octobre 1842).
L’action se passe à Nemours, où s’est retiré
le docteur Minoret avec sa filleule et pupille
Ursule Mirouët. La fortune du docteur excite
la convoitise de ses nombreux parents et
héritiers potentiels, et leur jalousie à l’égard
d’Ursule. À la mort de Minoret, son neveu
Minoret-Levrault va détruire le testament et
voler les titres de rente qui devaient assurer
la dot d’Ursule. La jeune fille, en butte aux
persécutions du couple Minoret-Levrault,
va recevoir, par de mystérieuses appari-
tions de l’ombre du docteur, la révélation
des manœuvres qui l’ont ruinée; elle est
soutenue par l’amour de Savinien de Porten-
duère, et par l’action du bon abbé Chaperon.
Frappé par un coup du destin qui tue son
fils unique, Minoret-Levrault restituera ses
biens à l’héroïne, et Ursule trouvera enfin la
fortune et le bonheur en épousant Savinien.
Ce roman de «jeune fille» qui devient un
roman d’amour est aussi une dramatique
étude de mœurs, montrant l’affreuse cupi-
dité des petits bourgeois de province, ainsi
qu’une «étude philosophique» sous le signe
mystérieux du surnaturel.
Le manuscrit, de premier jet
, a servi pour
l’impression, comme le montrent les noms
des typographes inscrits dans les marges. Il
est écrit d’une traite, à l’encre brune, d’une
écriture régulière, fine et penchée, au seul
recto d’un papier légèrement bleuté, avec
des corrections portées au fil de l’écriture:
mots cancellés, corrections interlinéaires,
soit plus de 500 mots ou passages biffés.
Une marge de 6 cm a été réservée à gauche,
dans laquelle Balzac a porté environ 300
additions ou corrections, allant d’un mot à
des phrases entières, ajoutant une réplique,
complétant la description d’un personnage,
ajoutant un développement qui, à quatre
reprises, se poursuit au verso du feuillet
(ff. 99, 100, 101 et 111).
La page 1 a été légèrement rognée dans le
haut (et réparée) pour faire disparaître une
dédicace dont ne subsiste que la signature:
«l’auteur de Balzac», avec l’adresse de son
pied-à-terre parisien «rue Richelieu, 112».
Sur le manuscrit, le roman est divisé en six
chapitres (qui deviendront 21 lors du décou-
page en feuilleton) :
I.
Les héritiers alarmés
(f° 1);
II.
Enfance et Vieillesse
(f° 25);
III.
Savinien
(f° 52);
IV. [
Le testament du Docteur
rayé]
La Suc-
cession Minoret
(f° 83);
V. [
Ursule persécutée
rayé]
Les finesses de
province
(f° 102);
VI.
Combien il est difficile de voler ce qui
[
est
volable
rayé]
semble le plus volable
(f° 125).
Aux pages 99 à 101, de longues et importantes
ratures «trahissent les hésitations de l’auteur
sur l’orientation à donner à l’intrigue après la
mort du docteur Minoret et révèlent, dans
34 lignes de ratures souvent illisibles, qu’il
fut tenté de marier immédiatement Ursule
et Savinien», remarque Madeleine Fargeaud
dans son édition du roman dans la Biblio-
thèque de la Pléiade, qui relève aussi que
Balzac avait d’abord songé à rendre Savinien
amoureux de la marquise d’Espard et non
d’Émilie de Kergarouët; le clerc de notaire
Goupil se nomme Vanin dans le manuscrit,
où «ni les dates, ni les lieux, ne varient beau-
coup par rapport à ceux du texte imprimé
et, dans l’ensemble, on peut dire aussi que
le déroulement des faits est sensiblement le
même»; mais le roman sera, selon l’habitude
de Balzac, considérablement développé et
enrichi lors de la correction des épreuves,
notamment en ce qui concerne les person-
nages secondaires. Le manuscrit s’achève un
peu brusquement avec le mariage d’Ursule
et par cette phrase : «Il [François Minoret]
est très cassé, très vieilli, ses cheveux sont
blancs, et il s’est constitué le régisseur de
monsieur et de madame de Portenduère
qui passent cinq mois de l’année à Paris où
ils ont acheté l’un des plus beaux hôtels du
faubourg S
t
Germain». Dans le texte publié,
Balzac ajoutera un développement sur la
destinée des personnages secondaires.
Le manuscrit, explique Madeleine Fargeaud,
révèle «dans les éclairages, les dialogues
et surtout la conception des personnages
secondaires, des variantes intéressantes par
rapport au texte imprimé. Notons d’abord
que l’amour n’intervient pas dans la vie
de Désiré Minoret-Levrault, qui rentre à
Nemours non pour arracher à ses parents
leur consentement à son mariage avec la
courtisane Esther, la Torpille, mais parce
qu’il est criblé de dettes. On remarquera
aussi un changement assez sensible entre
le juge de paix Bongrand du manuscrit et
celui du roman. Le premier ne songeait pas
à marier son fils avec la fille du maire pour
l’excellente raison que ce fils n’existait pas,
ce qui permettait au maire de désirer pour
gendre Savinien de Portenduère. Il justifiait
en outre mieux que le second la défiance du
docteur Minoret à son égard, car, homme