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des gens pour leur apprendre que vous êtes

brun ou blond, facétieux ou mélancolique,

âgé de tant de printemps, enclin à la boisson,

ou amateur d’harmonica. – Je pense au

contraire que l’Écrivain ne doit laisser de lui

que ses œuvres. Sa vie importe peu. Arrière

la guenille !»

Puis il raille les littérateurs récemment

décorés: Albéric SECOND, et D’ENNERY, «un

grand homme, comme filateur de coton»... Il

a vu Louis BOUILHET, décoré lui aussi: «Mais

celui-ci est bien calme – et cet honneur qui

doit faire des jaloux lesquels se vengeront à

sa prochaine pièce, ne lui monte guère à la

tête». Le prochain livre de Feydeau (

Catherine

d’Overmeire

) lui «paraît une chose corsée,

décidément. Jusqu’à jeudi, je suis complè-

tement seul. J’en vais profiter pour avancer

dans ma besogne car je travaille mieux dans

la solitude absolue»...

Il ajoute en post-scriptum : «Après mille

réflexions, j’ai envie d’

inventer

une autobio-

graphie chouette afin de donner de moi une

bonne opinion.

1° Dès l’âge le plus tendre j’ai dit tous les

mots célèbres dans l’histoire […]

2° J’étais si beau que les bonnes d’enfants

me masturbaient à s’en décrocher les épaules

& et la duchesse de Berry fit arrêter son

carrosse pour me baiser (historique).

3° J’annonçai une intelligence démesurée.

Avant 10 ans, je savais les langues orientales

et lisais la

Mécanique céleste

de Laplace.

4° J’ai sauvé des incendies XLVIII personnes.

5° Par défi, j’ai mangé un jour XV aloyaux –

& je peux encore sans me gêner, boire 72

décalitres d’eau de vie.

6° J’ai tué en duel trente carabiniers. “Un jour

nous étions trois. Ils étaient dix mille. Nous

leur avons foutu une pile”.

7° J’ai

fatigué

le harem du grand turc. Toutes

les sultanes en m’apercevant disaient : Ah !

qu’il est beau ! taïeb ! Zeb Ketir !

8° Je me glisse dans la cabane du pauvre &

dans la mansarde de l’ouvrier pour soulager

des misères inconnues. Là, je vois un vieil-

lard... ici, une jeune fille etc. (finis le mouve-

ment) & je sème l’or à pleines mains.

9° J’ai huit cent mille livres de rentes.

Je

donne des fêtes

.

10° Tous les éditeurs s’arrachent mes

mss

.

Sans cesse je suis assailli par les avances

des Cours du Nord.

11° Je sais le Secret des Cabinets.

12° (et dernier). Je suis religieux !!!!! J’exige

que mes domestiques communient.»

Correspondance

(Pléiade), t. III, p. 35 (texte

censuré).

littérature