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tion parisienne comme exécuteur en chef (Peugnez, devant la prison
de la Roquette, le 1
er
février 1899), on pouvait lire dans la presse:
«Tous les journaux s’accordèrent à rendre justice au jeune monsieur
Deibler qui montra pour ses débuts à Paris un tournemain et une
aisance de vieux praticien. Jeune, élégant, vêtu d’une redingote de
couleur sombre, comme un témoin de duel sélect, il réalise dans la
perfection le type du bourreau moderne. On peut, après cet heureux
essai, lui prédire une belle carrière et un nombre respectable de
représentations». Les exécutions capitales avaient alors lieu en public,
et attiraient un grand nombre de curieux.
Il a tenu méticuleusement
deux séries de carnets
.
6 carnets d’«Exécutions», de 1885 à 1938
, écrits à l’encre et au crayon.
Deibler y rapporte le lieu et la date de son action (il ajouta ensuite
l’heure et des mentions météorologiques), le nom du condamné
à mort, les éléments de la condamnation (date, tribunal et motifs).
Chaque exécuté est numéroté dans l’ordre chronologique. Ces
comptes-rendus sont pour la plupart très sobres, objectifs et sans
appréciations personnelles. Cependant, Deibler précise parfois quel
a été le comportement du condamné à l’approche de la guillotine.
8 carnets de «Condamnations», de 1891 à 1939
, écrits à l’encre et
au crayon. En 1891, Deibler commence, parallèlement à la première,
une seconde série de carnets intitulés
Condamnations
, où il expose
les circonstances des crimes, en ajoutant parfois des renseignements
sur le déroulement du procès. Ces carnets semblent avoir fait office
de brouillon, Deibler y notant tous les détails des inculpations, avant
même de connaître la sentence. Ce compte-rendu des audiences
comporte aussi des précisions sur les peines prononcées : une croix
rouge pour les exécutés, une croix bleue pour ceux dont la peine a
été commuée; il barre d’une grande croix bleue les procès annulés
pour vices de formes, suicides ou décès des condamnés, fusillés
militaires... «“Brouillon” plus intime que les “carnets d’exécutions”, cet
exercice constitue une soupape de sécurité psychologique dans son
existence d’“écorcheur”» (Gérard A. Jaeger,
Anatole Deibler
, p. 92).
Certaines notices précisent des anecdotes marquantes concernant
le moment de l’exécution, «moment suprême» selon Deibler lui-
même : derniers actes ou paroles, comportements curieux, etc. «Il
donna un violent coup de poing en pleine poitrine au gardien qui lui
enlevait les fers et il fallut le ligoter à terre» (l’Italien Spagiari, exécuté à
Chambéry, 9 mai 1891). Émile David (exécuté à Saint-Nazaire, 21 mars
1892) «s’adressant aux exécuteurs : Bonjour messieurs, faites votre
devoir !». «Au moment de son exécution, il se refusa à marcher, il fallut
le porter» (l’assassin Joseph Vacher, exécuté à Bourg, 31 décembre
1898). «Au cimetière, un professeur de la Faculté de Lille lui enlève
la glande thyroïde, pour la greffée sur une jeune fillette atteinte de
paralysie, l’opération réussie parfaitement, l’enfant est sauvée» (Henri
Olivier, dit
le Tigre
, exécuté à Lille, 24 mars 1925). «Au moment de
l’exécution, Couliou s’écria d’une voix forte : “Vive l’anarchie ! Mort
aux vaches !”» (Yves Couliou, exécuté à Aix, 31 octobre 1925). «Arrivé
devant la guillotine, il se raidit et, à très haute voix, dit : “Peuple dun-
kerquois, je suis innocent”» (Félix Bergeron, exécuté à Dunkerque,
25 juillet 1930). «Après avoir fumé un cigare, plusieurs cigarettes,
et absorbé 2 verres de cognac, il se laissa entraver docilement, et
marcha d’un pas ferme vers la guillotine. Au moment de basculer il
cria d’une voix forte : “Au revoir les amis ! Mort aux vaches !”» (René
Roos, exécuté à Beauvais, 28 août 1930). «Lorsque les deux aides le
poussèrent sur la planche bascule, il se plia en deux en se jetant à
gauche de la planche fatale, et se débattit pendant 2 à 3 secondes en
criant : “Non ! Non ! Non ! Pas ça !” La chute du couperet lui coupa
la parole» (Pasquale Passera, exécuté à Saint-Mihiel, 24 octobre
1931). «Il marcha d’un pas ferme vers l’échafaud. Aussitôt après la
chute du couperet, la foule qui assistait de loin à l’exécution se mit à
applaudir. L’avocat de l’assassin qui se trouvait devant la porte de la
prison leur cria : “C’est indécent d’applaudir ainsi !”» (Emile Delanoë,
exécuté à Coutances, 17 juin 1933)… Citons encore le bandit corse
André SPADA, longuement évoqué dans le carnet d
’Exécutions 1392
à 1938
: «I l refuse le verre de rhum. Au moment où on le prend par
les bras pour l’entraîner vers la sortie, il dit: “Inutile de me tenir, je
marcherai bien tout seul” [...] et après avoir embrassé le crucifix et le
prêtre, le bandit au moment d’être basculé, dit par deux fois, d’un
voix assurée et claire : “Au revoir à tous !”»… Etc.
Ravachol
. Deibler a œuvré comme assistant puis comme exécuteur
en chef durant la période des grands procès touchant les radicaux
et anarchistes : il a ainsi tranché ou aidé à trancher la tête à Auguste
Vaillant (exécuté n° 57, 1894), Émile Henry (n° 62, 1894), Jeronimo
Santo Caserio (assassin du président Carnot, n° 24, 1894), Mécislas
Charrier (n° 255, 1922), Paul Gorguloff (assassin du président Doumer,
n° 16, 1932), etc., sans oublier le célèbre Ravachol (n° 39, Montbrison,
11 juillet 1892): «Montbrison. Cour d’Assises de la Loire. Audience du
23 juin 1892. Le nommé Koenigstein François Claudius; dit Ravachol,
né à St-Chamond le 14 octobre 1859; est condamné pour: 1) Incendie
et pillage dans la maison de campagne des époux Loy, à la Côte,
près de St-Etienne, commis dans la nuit du 28 mars 1891. 2) Violation
de sépulture de la baronne de La Rochetaillée, dans le cimetière
de St-Jean-de-Bonnefonds, commune de Terrenoire, commise
en vue de voler les bijoux pouvant se trouver sur le cadavre de la
morte. Violation commise dans la nuit du 14 au 15 mai 1891. 3) Vol
et assassinat de l’ermite de Chambles, Jacques Brunel, vieillard de
92 ans qui vivait solitaire au milieu des montagnes, et qui passait
pour avoir un pécule assez rond. Crime commis au hameau de
Notre-Dame-de-Grâce, territoire de la commune de Chambles dans
l’après-midi du 18 juin 1891. 4) Double assassinat de la dame Marcon,
âgée de 76 ans, et sa fille Marie âgée de 49 ans, quincaillière, rue
de Roanne 13 à St-Etienne, double crime commis le 27 juillet 1891. 5)
Auteur présumé d’un double assassinat sur la veuve Faure agée de
68 ans. Double crime commis à La Varizelle près de St-Chamond
le 29 mars 1886. Cet individu, anarchiste, était déjà condamné par
la Cour d’Assises de la Seine, aux travaux forcés à perpétuité, pour
être l’auteur de plusieurs explosions de dynamite sur des immeubles
du boulevard St-Germain, rue de Clichy, et à la caserne Lobeau,
explosions commises à Paris en 1892. Fit preuve de violence, disant
n’avoir aucun regret de ses actes, insultant la bourgeoisie, magistrats
et l’aumônier de la prison et sur le... parcours de la porte de la prison
à l’emplacement de l’échafaud, criant, chantant à tue-tête les mots
orduriers. Criant au moment suprême: “Vive l’anarchie !”» (carnet
Condamnations années 1891 à 1897
).
La Bande à Bonnot
. Sur les quatre membres arrêtés vivants, Camille
Dieudonné, André Soudy, Étienne Monnier et Raymond Callemin,
Deibler exécuta les trois derniers le 21 avril 1913 à Paris (n
os
162, 163
et 164) : «Calmin Raymond, dit “Raymond la Science”, âgé de 22 ans
1/2, ouvrier typographe originaire de Bruxelles; condamné pour vols,
tentatives d’assassinats et assassinats. 1) Nuit du 13 au 14 décembre
1911 : vol de l’automobile de Mr Normand à Boulogne/s/Seine. 2)
Matinée du 21 décembre 1911 : attentat rue Ordener à Paris. Vol et
tentative d’assassinat sur la personne d’un garçon de recettes de la
Société générale, nommé Caby. [...] 7) Matinée du 25 mars 1912 : sur la
route de Montgeron à Lieusaint, en pleine forêt de Sénart, vol d’une
automobile et assassinat du chauffeur Mathildé. 8) Même matinée du
25 mars 1912 : avec l’auto volée, il se rend à toute vitesse à Chantilly,
en compagnie de complices, ils s’arrêtent devant les bureaux de la
Société générale, ils pénètrent en coup de vent dans l’agence, tuent
le caissier, un employé et blessent seulement un autre commis,
s’emparant de 47 550 francs, remontent en voiture et tirent des coups
de carabine et de révolver sur ceux qui ont le courage de se mettre
à leur poursuite. [...] Ces 4 anarchistes faisaient partie de la fameuse
bande anarchiste, dont les principaux membres, Bonnot, Garnier et
Valet furent tués par les gendarmes et la police» (
Condamnations
années 1908 à 1914
).
Landru
. «Cour d’Assises de Seine & Oise. Versailles. Audience du 30
novembre 1921. Le nommé Landru Henri Désiré, âgé de 53 ans, né à
Paris (19
e
arrondissement) le 12 avril 1869, est condamné pour avoir
sciences humaines