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212

les collections aristophil

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VOLTAIRE (1694-1778)

L.S. «V», Ferney 28 février 1767, au comte de TRESSAN;

la lettre est écrite par son secrétaire Jean-Louis WAGNIÈRE;

4 pages petit in-4.

Signed letter, signed «V», Ferney, 28 February 1767, addressed to

the Count of TRESSAN; the letter is written by his secretary Jean-

Louis WAGNIÈRE; 4 pages in-4.

1 500 / 2 000 €

Belle lettre sur le

Portrait historique de Stanislas le Bienfaisant

de Tressan, et sur Newton

.

Son ouvrage «a fait sur moi l’impression la plus tendre. Voilà comme

je voudrais qu’on fît les oraisons funèbres. Il faut que ce soit le cœur

qui parle. Il faut avoir vécu intimement avec le mort qu’on regrete.

C’étaient les parents ou les amis qui faisaient les oraisons funèbres

chez les romains. L’étranger qui s’en mêle a toujours l’air charlatan.

Il y a même une espèce de ridicule à débiter avec emphase l’éloge

d’un homme qu’on n’a jamais vu; mais, où sont les Courtisans dignes

de louer un bon roi ? il n’y a peut être que vous»...

Il a su les revers de fortune de Tressan: «je croiais qu’on vous avait

dédommagé. Vous comptez donc allez vivre en philosophe à la

campagne. Je souhaitte que ce goût vous dure comme à moi. Il y a

treize ans que j’ai pris ce parti dont je me trouve fort bien. Ce n’est

guères que dans la retraitte qu’on peut méditer à son aise».

«Je signe de tout mon cœur votre profession de foi. Il parait que nous

avons le même catéchisme. Vous me paraissez d’ailleurs tenir pour

ce feu élémentaire que NEUTON se garda bien toujours d’appeler

corporel. Ce principe peut mener loin, et si Dieu par hazard avait

accordé la pensée à quelques monades de ce feu élémentaire les

docteurs n’auraient rien à dire; on aurait seulement à leur dire que

leur feu élémentaire n’est pas bien lumineux, et que leur monade est

un peu impertinente»...

Il parle encore de la goutte qui fait souffrir Tressan, fait un complient

pour sa fille, évoque la cour de Lorraine qui «va s’éparpiller, et la

Lorraine ne sera plus qu’une province»...

Correspondance

(Pléiade), t. VIII, p. 982.

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VOLTAIRE (1694-1778)

L.S. «V» et 2 lettres dictées, [Ferney] février-mars 1776,

au comte de TRESSAN; les lettres sont écrites

par son secrétaire Jean-Louis WAGNIÈRE;

2, 2 et 2 pages et demie in-4.

Signed letter, signed «V» and 2 dictated letters, [Ferney] February-

March 1776, addressed to the Count of TRESSAN; the letter is written

by his secretary Jean-Louis WAGNIÈRE; 2, 2 et 2 pages and a half in-4.

1 500 / 1 800 €

Voltaire prend la défense de Delisle de Sales, condamné au ban-

nissement à vie pour sa

Philosophie de la nature

.

11 février

… «je vois que l’on commet une injustice ridicule et affreuse.

Tout me persuade qu’il y a un parti pris d’oprimer ceux qui ont la

vertueuse folie de vouloir éclairer les hommes». Il rappelle la mésa-

venture du «pauvre LA HARPE» l’année passée: «Jugez si l’homme

[Voltaire lui-même] qui se plaignit à vous d’une épitre qu’on lui imputait,

avait raison de se plaindre. Vous savez qu’il n’y a nul ouvrage qu’on

ne puisse empoisonner, et nul homme qu’on ne puisse persécuter».

Il s’inquiète (sans le nommer) pour «l’infortuné» DELISLE : «quel est

le scélérat qui le poursuit ? pourquoi on l’accuse d’être l’auteur d’un

ouvrage qui n’est pas sous son nom ? quelles procédures on a faites

contre son ouvrage et contre sa personne. Est-il décrété de prise

de corps ? […] Il faut, dans ces affaires, en agir comme en temps de

peste […] Fuiez vite, allez loin, revenez tard. […] Votre homme fait fort

bien d’adorer l’écho de Franconville; les échos de ma retraite saluent

très humblement ceux de la vôtre»….

3 mars

. «L’apôtre prétendu de la Tolérance pourait bien en être le

Martyr. Il scait très bien que la cabale du fanatisme est plus animée

et plus dangereuse que la cabale contre M

r

TURGOT. Le vieil apôtre

est obligé dans le moment présent d’aller faire un petit voiage en

Allemagne pour des affaires indispensables. Mais, en quelque endroit

qu’il soit il prendra un intérêt bien vif à Monsieur De L…. auquel il

conseille de ne jamais exposer sa personne. L’effervescence est trop

violente. On n’est que trop bien informé des résolutions prises par

des assassins en robe noire, les uns tondus, les autres en bonnet

quarré. Tout cela est affreux, mais très digne d’une nation qui n’a

encor assassiné que trois de ses rois, qui n’a fait qu’une grande S

t

Barthelémy, mais qui en a fait mille petites en détail. Les ministres,

tout sages et tout éclairés qu’ils sont, ne pouraient s’oposer aux

barbaries que les persécuteurs méditent»…

17 mars

. Il a pu faire agir M. d’ARGENTAL en faveur de Delisle de

Sales : «il déteste la persécution, et chérit la philosophie. Il me parait

qu’on ne persécute dans le moment présent que M. TURGOT. Celui

là se tirera d’affaire fort aisément; il a du génie et de la vertu, son

maître parait digne d’avoir un tel ministre; et je ne crois pas que

Messieurs veuillent faire la guerre de la fronde pour des corvées.

Je dois à ce digne ministre la supression de toutes les gabelles, et

de tous les commis qui désolaient mon petit païs, moitié français,

moitié suisse»… Il parle des travaux de Tressan sur l’électricité: «Je me

suis mêlé d’électriser le tonnerre dans le jardin que je cultive auprès

de ma chaumière. Il y a longtemps que je regarde cette électricité

comme le feu élémentaire qui est la source de la vie. […] Continuez,

philosophez dans votre retraitte. Votre printems a été orné de tant de

fleurs, qu’il faut bien que votre automne porte beaucoup de fruits. Il

n’y a plus de jouïssance pour moi qui suis dans l’extrême vieillesse;

mais vous me consolerez, vous me donnerez des idées, si je ne

puis en produire». Il parle enfin du livre de BAILLY «sur l’ancienne

astronomie. Il y a des vues bien neuves et bien plausibles […] Ce livre

recule furieusement l’origine du monde, s’il y en a une. Remarquez

en passant que le petit peuple juif, qui parut si tard, est le seul qui

ait parlé d’Adam et de sa famille, absolument inconnus dans le reste

du monde entier»...

Correspondance

(Pléiade), t. XII, p. 428, 458 et 477.

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