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George SAND.

1804-1876. Femme de lettres.

L.A.S.

à Gustave

Flaubert. 8 pp. sur 2 bi-feuillet in-8 à son chiffre.

Superbe et longue lettre à Flaubert.

Suit une longue discussion

philosophique sur les principes de vie que prônent certains

intellectuels et où Sand évoque sa propre formation intellectuelle.

Alors je lisais Chateaubriand et Rousseau. Je passais de

l’

au

Contrat social

. Je lisais l’histoire de la Révolution faite

par des dévots, l’histoire de France faite par des philosophes,

et un beau jour j’accordai tout cela comme une lumière

faite de deux

lampes, et j’ai eu des principes ; ne ris pas, des

principes d’enfant très candide qui me sont restés à travers

tout, à travers

Lélia

et l’époque romantique, à travers l’amour

et le doute, les enthousiasmes et les désenchantements. Aimer,

se sacrifier, ne se reprendre que quand le sacrifice est nuisible

à ceux qui en sont l’objet et se sacrifier encore dans l’espoir de

servir une cause vraie, l’amour. Je ne parle pas ici de la passion

personnelle, mais de l’amour de la race, du sentiment étendu de

l’amour de soi, de l’horreur du moi tout seul.

mais chez l’homme

l’instinct est amour, qui se soustrait à l’amour se soustrait à

la vérité, à la justice. J’ai traversé des révolutions et j’ai vu

de près les principaux acteurs, j’ai vu le fond de leur âme,

je devrais dire tout bonnement le fond de leur sac : pas de

principes, aussi pas de véritable intelligence, pas de force,

pas de durée. Rien que des moyens et un but

personnel.Je

crache de tout mon coeur sur celui qui prétend avoir mes

principes et qui fait le contraire de ce qu’il dit. Je ne plains pas

l’incendiaire, et l’assassin qui tombent sous le coup de la loi.

Je plains profondément la classe qu’une vie brutale, déchue,

sans essor et sans aide réduit à produire de pareils monstres.

Je plains l’humanité, je la voudrais bonne, parce que je ne

veux pas m’abstraire d’elle, parce qu’elle est moi, parce que

le mal qu’elle se fait me frappe au coeur,

Sand voudrait aller à

Paris pour retrouver Flaubert : Elle parle de sa petite-fille Aurore

qui l’occupe beaucoup et termine sa lettre :

Je t’aime, c’est la

conclusion à tous mes discours

.

Correspondance, Tome IV, p.400-401 & (éd. A. Jacobs), p.356.

Ancienne collection du Colonel Daniel Sickles (VII, n°2900, 15

mars 1991).

Ancienne Collection de Flers, (18 novembre 2014).

1 800 / 2 200 €

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