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les collections aristophil
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PICABIA FRANCIS (1879-1953).
L.A.S. « F. » avec
DESSINS
à la plume, 16 novembre 1918,
à « Ma petite » ; 1 page in-4.
2 500 / 3 000 €
Lettre illustrée d’un dessin à la plume.
« Ma petite, je suis toujours à Begnins, temps gris et brouillard, tu
vois cela d’ici. Je travaille beaucoup mais quel spleen c’est terrible ;
ma femme est très bien avec le docteur et lui bourre le crâne »… Il
réclame des nouvelles sur la vie à Paris : « as-tu vu des gens de la
tribu moderne ? Il me tarde de rentrer, un flot de souvenirs désirables
s’évoquent en moi. Enfin tu sais il se peut que j’arrive dans la capitale
sans crier gare. Travailles-tu pour “Modern Gallery” et l’autre ? J’es-
père gambader d’ici peu av. du Bois avec toi, plus solidement que
jamais. Tu es le treuil et je suis l’ancre. Donc impossible de vivre en
Suisse »… Il l’embrasse et l’aime…
En bas de la page,
dessin à la plume
: un soldat montant la garde,
baïonnette au fusil, deux infirmières de la Croix rouge, et un soldat
en buste, coiffé d’un képi.
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PICABIA FRANCIS (1879-1953).
MANUSCRIT autographe signé,
Anus Ennazus
,
7 août 1946 ; cahier petit in-4 (22 x 17,5 cm) de 25 feuillets,
sous couverture cartonnée rouge avec titre autographe.
15 000 / 20 000 €
Première version du poème
Ennazus
.
Écrit à l’encre noire au recto de feuillets d’un cahier de papier qua-
drillé à petits carreaux, ce manuscrit est signé et daté en fin : « Francis
Picabia / Rubingen 7 août 1946 ».
Picabia a composé ce recueil de poèmes, longtemps resté inédit,
pendant des vacances en Suisse, à Rubingen, dans la famille de sa
femme Olga; ces textes sont le reflet des relations amoureuses tumul-
tueuses de Picabia avec sa maîtresse Suzanne Romain (Ennazus est
le renversement de Suzanne) [sur cette liaison, voir Carole Boulbès,
Picabia avec Nietzsche. Lettres d’amour à Suzanne Romain (1944-
1948)
, Les Presses du réel, 2010]. Picabia en a établi un dactylogramme
fautif, intitulé
Ennazus
, adressé en novembre 1946 à Christine Bou-
meester, et qui fut publié en annexe des
Lettres à Christine
(Gérard
Lebovici, 1988, p. 201-246), avant d’être recueilli dans les
Écrits critiques
(Mémoire du Livre, 2005, p. 625-671). Ce manuscrit en donne une
version antérieure, avec d’importantes variantes
.
[1] Titre : « FRANCIS PICABIA /- / ANUS / ÉNNAZUS / - / PRÉFACE /
DU / POÈTE IGNORÉ / = / POÈMES ».
[2-3]
Préface
, signée en fin : « Le poëte ignoré », dans une version
différente du texte publié : « Francis Picabia est toujours resté lui-
même au milieu des écrivains et des peintres – Tout ce qui touche
à son cœur, à son indépendance se heurte, depuis son enfance
avec les hommes, il est en conflit en lutte avec le monde – Ses
adversaires ne désarment pas; chacun d’eux épiant ses faiblesses.
Et pourtant c’est son chemin depuis des années qui nous conduit à
l’affranchissement »… Citons encore la conclusion : « Le problème qui
se pose maintenant est celui-ci : à supposer que Francis Picabia ne
causât pas le moindre préjudice à personne, je devrais néanmoins
déployer tout mon zèle à le combattre. / Pourquoi ? / Parce que je
suis plein d’absurde moralité, et que je dois m’opposer à tout ce qui
peut la blesser ».
[4-24] Prose poétique, sans titre, que vient interrompre à sept reprises
un refrain de cinq vers :
« Au fond du jardin
une grille ouverte
des traces de papillons
sans laisser de traces
montent vers le ciel ».
Cette prose correspond, avec d’importantes variantes, au poème
Derniers jours
et à la première moitié d’
Adieu
(Écrits critiques, p. 629-
662); le texte sera alors découpé et présenté en vers libres. Citons
le début (avec quelques fautes d’orthographe) : « Toi, qui a plongée
tes yeux jusqu’au fond de mon cœur, tu pourras dire comment ton
si grand amour, qui était, notre vérité, t’est devenu inutil. Ce sacrifice
de l’amante lorsqu’elle abandonne père et mère, brave tout et sup-
porte tout, les privations les plus dures pour atteindre son but, te