45
beaux-arts
20 juin
, avec 200 F. Il revient de Hollande. Il sait que Monet a vu
Georges
PETIT
: « Je le crois dans une situation épouvantable et bien
plus dangereuse que la mienne. Je lui ai vendu 4 de vos nouveaux
tableaux à peu près au prix coutant, toujours pour tâcher de l’entraîner,
mais il n’ose pas afficher ses convictions à cause de sa situation. Il
est obligé de suivre ceux qui lui viennent en aide actuellement et qui
sont précisément nos ennemis les plus acharnés. Je poursuis tou-
jours mon idée de société artistique »… *
26 juin
, avec 100 F : « Vous
n’avez pas idée des efforts que je fais de tous côtés pour sortir de
cette situation et arriver à vous aider tous d’une façon utile. […] Hier
j’ai fait la conquête d’un nouvel amateur fort riche qui s’est épris de
vos tableaux. Il m’en achètera mais je ne peux pas lui laisser voir trop
de gêne. Cela le refroidirait »… *
27 juin
, avec 100 F : « Tout le monde
est atteint par la crise »… *
28 juin
, avec 100 F : « C’est lundi la fin du
mois et je ne sais encore à quel saint me vouer pour la passer »…
1
er
juillet
, longue lettre pour rassurer Monet : « Je n’ai pas à vous dire
tout ce que j’ai enduré de tracas et de pertes pour vous avoir défendu
depuis bien des années. […] vous n’avez pas d’ami plus dévoué et
plus désintéressé. […] tous les efforts que je fais chaque jour profitent
énormément à votre réputation et assurent le succès ». Il recommande
à Monet de ne parler de rien et de se méfier, notamment d’H
AYEM
et
de
CLAPISSON
qui « voudraient vous voir dans la misère pour avoir
tout pour rien. […] Surtout ne donnez pas un tableau à personne et
croyez que nul ne vous paierait ce que je vous paie, sauf une fois
par hasard pour me contrecarrer »… *
3 juillet
, avec 300 F : « Petit
à petit nous viendrons à bout de tout, mais tenons nous bien et ne
faites savoir à personne nos ennuis. On les connaît déjà bien assez
[…] Je suis plus sûr que jamais du succès, malgré les crises, malgré
les déboires, malgré les jaloux et les ennemis de toute sorte »… *
12
juillet
, avec 100 F : « Je partage avec vous ce qui me reste jusqu’à
mardi. […] l’essentiel est de ne pas mourir de faim ». *
16 juillet
: « vous
ne pouvez vous figurer l’acharnement que l’on met contre moi parce
que je vous défends vous et vos amis. C’est une résolution bien arrêtée
de nous tuer, mais il faut espérer que tous ces brigands seront morts
avant nous.
P
ETIT
est un des plus canailles. Il me fait une guerre de
sauvage. Ce n’est du reste qu’un imbécille et un vaniteux ». Il va voir
un amateur « que je convertis et dont j’espère beaucoup. Vous voyez
que je lutte toujours »… *
18 juillet
: « Je suis éreinté par les soucis et
les préoccupations mais courage et nous viendrons à bout de nos
persécutions »… *
30 juillet
, avec 300 F : « j’ai passé 3 heures avec des
capitalistes que je cherche à convaincre et à entraîner. Je les mène
rue de Rome et là ils se repaissent de peinture. C’est là que je peux
obtenir le plus de résultat et je crois qu’il y a un progrès marqué.
[…] Travaillez et faites de bons tableaux. Nous les vendrons et nous
aurons raison de nos ennemis »…
19 août
: « je suis absolument sans argent. Il me reste 2 fr. ce soir »…
*
28août
: « Petit se conduit très mal et me poursuit à outrance. […] Je
vous enverrai demain un peu d’argent à Étretat […] Avez-vous travaillé
aux Petites Dalles et à Étretat ? Êtes-vous content de ce que vous y
avez fait ? Je croyais que vous alliez rester plus longtemps au bord de
la mer »… *
29 août
, avec 300 F : « C’est un vilain moment à passer »…
8 septembre
, avec 300 F : « tâchez de faire de bons tableaux et le
moment du succès finira par venir pour vous et pour moi »… *
25
septembre
, avec 200 F, en espérant que la fin des vacances marquera
la fin du « marasme inouï des affaires »…
3 octobre
, avec 500 F : « Je n’ai jamais proposé de tableaux de vous
à vil prix et je ne crois pas qu’il y en ait à vendre nulle part. C’est donc
un mensonge. C’est un système de dénigrer tout pour tout tuer et
pour tout avoir ensuite pour rien. Quant à
PETIT
, il garde ses tableaux,
ne les montre même pas, ce qui est fâcheux, mais ne les offre pas
du tout à vil prix. […] Je suis en pourparlers pour réorganiser mes
galeries de la rue Laffitte et remonter une affaire assez importante.
[…] Ne vous démontez pas. Travaillez avec calme, tâchez de faire
des tableaux très soignés et très faits que nous puissions faire voir
comme preuve que vous ne vous contentez pas d’esquisses, car
c’est toujours le reproche qui m’est adressé et c’est ce qui empêche
le mouvement en votre faveur de se propager »… *
17 octobre
, avec
300 F : « Bon courage. Continuez à bien faire vos études »… *
22
octobre
, avec 300 F : « j’ai su par
HOSCHEDÉ
que vous avez fait de
très belles études d’automne et que vous avez d’excellents tableaux à
me donner avant peu. Continuez et profitez des derniers beaux jours
que nous avons pour achever vos études […] Je cherche à organiser
une campagne pour cet hiver »…
1
er
novembre
: il voudrait aller le voir « pour jeter un coup d’œil sur
toutes vos dernières toiles. Je le ferai dès que je pourrai. Continuez
de travailler avec courage et ardeur. Les efforts que nous faisons
tous finiront par aboutir et je l’espère avant peu Je vais faire battre
le rappel dans toute la presse en votre faveur.
PILLET
a commencé
dans le
Journal des débats
,
MIRBEAU
dans
La France
et ce n’est
que le commencement. Je les invite à dîner, je les grise de votre
peinture ; je les fais causer avec des amis de notre cause et ils sont
pincés »… *
2 novembre
, avec 300 F : « Avez-vous pu mener à bonne
fin les différentes scènes d’automne que vous aviez en train ? La
campagne a dû être bien belle »; il prie Monet de lui envoyer « les
œuvres que ces belles scènes de la nature à cette époque ont dû
vous inspirer »… *
9 novembre
, avec 300 F : il voudrait l’inviter à dîner
avec
MIRBEAU
« qui a commencé une série d’articles sur l’art dans
des idées très élevées et très saines. Il est grand admirateur de votre
talent et de celui de ceux que vous aimez. Il a écrit cette semaine
un très bel article sur
PUVIS DE CHAVANNES
. Jeudi il en publiera
un sur
DEGAS
et le jeudi suivant sera pour vous. […] Je compte,
quoique vous m’en disiez, que vous allez m’apporter une bonne série
de chefs d’œuvre. Puisque je ne puis pas aller les chercher moi-
même, ne soyez pas trop difficile pour vous-même et ne laissez pas
retourné contre le mur ce que nous aurons certainement beaucoup
de bonheur à voir »… *
15 novembre
: « Je compte sur vous lundi.
J’ai prévenu
MIRBEAU
et
RENOIR
de votre arrivée et nous dinerons
tous ensemble le soir »… *
18 novembre
, avec 100 F : « Je parlais
hier avec
RENOIR
de l’Amérique et de la certitude qu’il y aurait pour
lui et pour vous d’y faire des études utiles et fort lucratives. Il me dit
que si je lui garantis le succès il est disposé à partir. Et vous qu’en
pensez-vous ? Il y a longtemps que Madame
CASSATT
me dit que
vous auriez grand succès à New York. Les affaires sont si nulles à
Paris et l’avenir si sombre pour tout le monde en France que je me
demande si moi aussi je ne devrais pas chercher à ouvrir à nos affaires
un nouveau marché et je suis persuadé que le seul bon est celui des
États-Unis. Si nous allions tous les trois là-bas, vous Renoir et moi,
je suis sûr du succès. […] À New York et aux environs vous aurez une
foule de motifs très intéressants pour vous à peindre ». Il demande
le secret… Il ajoute que Troisgros « a pris la mesure des panneaux de
mon salon et qu’il vous enverra 8 toiles du petit format et 6 toiles du
format moyen. C’est ce qui manque aux portes »…
On joint
une L.A.S., Paris Dimanche soir, au sujet d’un envoi de
1500 F à Monet (1 page et demie in-8, rousseurs).
provenance
Archives Claude Monet
(13 décembre 2006, n° 64).