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les collections aristophil
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VAN RYSSELBERGHE THÉO (1862-1926).
L.A.S. « Ton Janniquet », Nice 21 août 1918, à SA FEMME
Maria Van RYSSELBERGHE ; 4 pages in-4.
1 500 / 2 000 €
Longue et belle lettre relatant une visite à Renoir
.
Il évoque ses déplacements à Peïra-Cava, où il fit un délicieux séjour,
puis Cagnes : « Je ne saurais te dire à quel point m’a impressionné ma
visite à RENOIR; c’est pathétique, douloureux en même temps que
très encourageant de voir un être, infirme et physiquement entravé
à ce point – inimaginable, vraiment! – conserver une telle ardeur,
un tel besoin de créer, toujours, toujours et encore. Son atelier est
rempli de
centaines
(tu m’entends bien, de centaines) de peintures
récentes. Il y en a de terribles, il y en a de très belles, il y en a de
déconcertantes, mais de voir cet homme, plein de vie, de feu, de foi
et d’ardeur, mais mutilé, à demi dévoré de gangrène, ne pouvant plus
ni se tenir debout, ni se servir de mains, qu’
il n’a pas
, on est confondu
d’admiration et je comprends qu’après avoir vu un tel spectacle, on
ait un immense respect pour une telle volonté humaine »… Renoir se
souvint de lui, et parla d’art et de bonne chère, « car c’est, dit-il, une
consolation de penser à toutes les bonnes choses qu’il a boulottées!
N’est-ce pas touchant ? Il parla du “diamanté” de certaines pommes
de terre, du “velouté laiteux” de certains harengs fumés selon un rite
spécial – du fumet de certains vins, etc., etc. avec des yeux pétillants
et une figure ravie […] et but un verre de bière fraîche, avec une joie
de gosse… Je m’en souviendrai, du pauvre vieux Renoir! »… Et de
terminer par quelques lignes témoignant de l’effet des bonnes nou-
velles du front : « Ah, les salauds de Boches, on les aura, sûrement,
et on ira jusqu’au bout pour les mater si pas à jamais, du moins pour
le temps qu’il leur faudra à se déféodaliser »…
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VILLON JACQUES (1875-1963).
MANUSCRIT autographe signé « Jacques Villon »
avec DESSIN original à la plume,
De l’art abstrait
,
1953 ; in-fol. (32,5 x 25 cm).
4 000 / 5 000 €
Beau texte sur l’art abstrait illustré d’un dessin
.
Ce texte a été composé à la demande de Michel Sima pour un
ouvrage en préparation.
« Avec quelle voracité les artistes se précipitent sur l’Art abstrait !! Ils
veulent trouver, par lui, le calme rassurant, que poursuit depuis les
cavernes l’ange déchu qui se souvient des cieux, calme avec lequel il
espère, enfin, se confondre. Comme la mouche, il s’est cogné à tous
les points du bocal dans lequel il est enfermé. Primitifs, Renaissants,
Classiques, Impressionnistes, Fauves, Cubistes, etc ont cru chacun à
leur manière avoir trouvé la solution. En vain. L’art abstrait l’apporte-
ra-t-il ? Il le croit, car il croit avoir abandonné le sujet, rendant ainsi
plus pure la conception de ses fidèles. Mais il se trompe; l’homme
ne peut pas se fuir et seuls les sujets ont changé. Ils sont toujours à
la mesure de l’homme mais de l’homme aidé du microscope et ses
sujets ne sont plus des divinités, des donateurs, des batailles, que la
photo ou le cinéma peuvent leur offrir à l’infini, mais des infiniment
petits, précis, vagues, boueux, savants, naïfs, gais, colorés, morcelés,
combinés, etc. Le champ des sujets s’est agrandi, depuis la femme
nue, mais il y a toujours sujet. Tout est sujet ».
Au bas de la feuille,
dessin
original à la plume (environ 7 x 15 cm) :
nu allongé.
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