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les collections aristophil
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BELLMER HANS (1902-1975).
L.A.S. « Hans Bellmer », 27 mars 1940, [à Julien LEVY] ;
2 pages in-fol. (31 x 21 cm; petites fentes et déchirures
aux bords sup. et inf.).
1 500 / 2 000 €
Intéressante lettre relative à un projet d’exposition à New York
chez Julien Levy, et aux textes de Paul Eluard pour les
Jeux de
la Poupée
.
« Je vous adresse ici les textes d’ELUARD pour mon livre au sujet
des photos en couleurs de la Poupée. – Je n’ai pas encore demandé
l’autorisation d’Eluard – mais je pense qu’en principe ils pourraient
servir pour l’exposition »... Il faudrait pour le catalogue une reproduction
(Levy choisira), un texte qui donne des « dates d’ordre rationnel » (il
invite Levy à le faire), et un texte « d’ordre poétique »… Les numéros
3, 10 ou 11 (ou 10 et 11) d’Eluard pourraient « servir comme “portrait
de l’artiste”, malgré qu’il s’agit d’une poupée »… Puis Bellmer se plaint
de son éditrice Jeanne BUCHER, qui hésite à envoyer les œuvres
de Bellmer, « craignant la douâne morale. Je n’y comprends rien –
mais je suis affollé de penser que la plupart de mes grandes photos
en couleurs qui sont d’une beauté violente et candide ne verraient
pas le jour chez vous »… Depuis le début de l’année, les conditions
pour un visa des États-Unis se seraient durcies. « Se marier avec
une Américaine paraît être la seule possibilité. Sans connaître les
démarches que vous pourriez faire, je tâcherai de trouver cette
Américaine. – Mais cela évidemment serait un hasard »…
Au verso, Bellmer a copié avec soin, d’une petite écriture serrée,
l’ensemble des 14 textes de Paul ÉLUARD, datés « 27 janvier-4 février
1939 », alors encore inédits et destinés au livre projeté : « Hans Bellmer :
Les Jeux de la Poupée
, illustré de textes par Paul Eluard » (le livre
ne sera publié qu’en 1949). Nous citerons ceux choisis par Bellmer
comme portrait de l’artiste-poupée :
« 3) On ne l’entend jamais parler de son pays, de ses parents. Elle craint
une réponse du néant. Ses baisers sont pour les bouches muettes.
Agile et délivrée, légère mère enfant, elle jette à bas le manteau des
murs et peint le jour à ses couleurs. Elle effraye les bêtes et les enfants.
Elle rend les joues plus pâles et l’herbe plus cruellement verte. […]
10) Sang et poussière, un dé de lait, un dé d’eau pure, des aiguilles à
main, oxydées, dans les mailles de l’oreiller. Un dé de paille dans la
grange, un dé de gomme dans le puits, un dé de rien ici. L’intérieur
des draps pour miroir. Un dé de tigres aux ongles et de lourdes fleurs
d’encre aux lèvres, un rien de terre.
11) Paille mêlée au grain, fumée mêlée au feu, pitié mêlée au mal »…
provenance
Archives Julien LEVY (Sotheby’s Paris, 29 novembre 2007, n° 257).