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17

MUSIQUE

systèmes de 4 portées. « La confiance en

Dieu peut être mise en doute face aux peines

éprouvées par le chrétien en son existence,

même s’il faut bien savoir que tout ce que l’on

a à subir l’est pour notre bien. Pour mieux

cerner ce climat de doute et de souffrance,

c’est la voix de l’alto qui s’exprime ici, et dans

cette tonalité de mi mineur à laquelle Bach

avait déjà eu recours dans l’air de ténor de

la cantate

Ich glaube, lieber Herr

BWV 109,

pour ce même dimanche, afin de traduire

l’espoir chancelant du chrétien mal assuré de

sa foi. Cet air est écrit en un trio qui favorise

les registres graves de la voix d’alto et du

violoncelle assurant la basse continue, tandis

que la main droite de l’organiste concerte

dans l’aigu avec l’alto. Les triolets et les syn-

copes de la partie d’orgue, dont peu à peu

s’empare le soliste, établissent un sentiment

d’instabilité, presque d’errance, caractérisant

les doutes qui envahissent l’âme du chrétien »

(Gilles Cantagrel).

Provenance

. Le manuscrit autographe de

cette cantate BWV 188, comptant à l’origine

18 feuillets, a subi de nombreuses vicissi-

tudes. On croit qu’il a figuré parmi un lot

de manuscrits dont hérita le fils aîné impé-

cunieux de Bach, Wilhelm Friedemann, et

que ce dernier fit vendre aux enchères en

1774. Les dix premiers feuillets ont été perdus

depuis lors, emportant avec eux la majeure

partie du premier mouvement (lequel peut

être identifié comme un remaniement du der-

nier mouvement d’un concerto pour violon,

perdu, employé aussi dans le concerto pour

clavecin BWV 1052). Des fragments de l’hé-

ritage de Wilhelm Friedemann repassèrent

en vente en 1827 et furent acquis par l’ingé-

nieur et collectionneur Carl Philipp Heinrich

Pistor (1778-1847). Les manuscrits de Pistor

furent hérités par son gendre, Adolf Frie-

drich Rudorff (1803-1873), puis passèrent

au musicologue Friedrich Wilhelm Jähns

(1809-1888). Le présent feuillet fut l’un de

quatre acquis de Jähns par le collection-

neur viennois Gustave Petter (1828-1868),

que l’on tient responsable de leur démem-

brement. Les feuillets restants de la cantate

sont éparpillés maintenant, et 4 feuillets

sont découpés, comme ici, en deux, voire

trois morceaux ; quoique les fragments se

trouvent en dix collections et en huit pays,

ils se suivent suffisamment pour permettre

de reconstituer la cantate sans lacune signi-

ficative, du deuxième au cinquième mouve-

ment. Le fragment présent, qui comporte la

moitié inférieure du f. 17, est identifié dans

le

Kritische Bericht

comme A14 (collection

particulière inconnue). Le même ouvrage

constate que l’acidification d’encre évidente

qui a affecté la moitié supérieure du présent

fragment est caractéristique des feuillets

démembrés, et résulte en partie de l’écriture

très dense de composition du compositeur

(en l’occurrence avec de nombreuses dou-

bles-croches). Le dernier propriétaire du

présent fragment, selon le

Kritische Bericht

du

Neue Bach-Ausgage

(1997), est Nora

Kluge (née von Hase), de Lübeck, épouse du

compositeur et musicologue Manfred Kluge

(1928-1971), qui en hérita, probablement, de

son grand-père, Oskar von Hase (1846-1921),

propriétaire des éditions musicales Breitkopf

& Hartel. Il passa en vente à Londres chez

Christie’s (4 novembre 1981, lot 144) ; acquis

par Frederick Lewis Maitland

PATTISON

(1923-2101, ex libris), il repassa en vente chez

Christie’s (21 mai 2014, lot 15).

Les manuscrits de Jean-Sébastien Bach

sont de la plus grande rareté

.