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MUSIQUE

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SAND GEORGE (1804-1876).

29 lettres (12 L.A.S. et 17 L.A.), 1834-1862, à Franz LISZT et/

ou à Marie d’AGOULT ; environ 157 pages in-4 ou in-8,

12 adresses (2 lettres incomplètes, une du début, une de

la fin) ; la plupart montées sur onglets en un volume in-8

demi-maroquin grain long vert à coins, dos orné, étui

(

Semet & Plumelle

).

40 000 / 50 000 €

Magnifique correspondance romantique, littéraire et artistique,

entre George Sand « Piffoel » et les « Fellows » Franz Liszt et sa

maîtresse Marie d’Agoult

.

Ayant noué des relations d’amitié à Paris, George Sand, accompa-

gnée de ses deux enfants (les « Piffoels », à cause du nez de Sand),

ira retrouver en Suisse Franz Liszt et Marie d’Agoult (les « Fellows »).

Ils séjourneront ensuite ensemble à Paris et à Nohant, avant qu’une

brouille les sépare.

8 lettres sont adressées à Franz LISZT, 17 lettres à Marie d’AGOULT,

et 4 lettres adressées aux deux. Seule la première lettre est signée

« George Sand » ; cinq sont signées « George », une « GS », et cinq

« Piffoel » (une sous forme abrégée « Piff »). [Voir au n° 1167 une lettre

de Liszt à George Sand.]

Nous ne pouvons donner ici qu’un rapide résumé de cette riche

et belle correspondance, dont cinq lettres dépassent la dizaine de

pages. Nous renvoyons à la fin de chaque lettre à la

Correspondance

publiée par Georges Lubin.

[Paris 6 ( ?) décembre 1834]

à Franz LISZT (2 p.). Elle ne peut se rendre

à son concert : « Je suis d’autant plus fâchée de ne pas vous avoir

vu ce soir, que je suis maintenant plus

présentable

. Vous m’avez

vue imbécile et folle, vous m’auriez vue contente […] Peut-être avez-

vous prié Dieu pour moi ». Elle s’absente quelques jours : « À mon

retour […] vous m’amènerez Berlioz, je ne vous en tiens pas quitte »…

[II, n° 862, p. 760]

[Paris, 19 ( ?) janvier 1835]

à Franz LISZT (1 p.) : « dites-moi que vous

n’avez pas de reproche à me faire dans tout ceci, que vous n’êtes

pas blessé de mes tristes façons d’agir et que vous conserverez en

vous-même un souvenir mélancolique et affectueux pour les cinq ou

six heures de votre vie que vous avez passées avec le vieux oncle »

[à la suite de rumeurs sur leur liaison, elle avait prié Liszt de ne plus

lui rendre visite]. [II, n° 883, p. 794]

Nohant [18 octobre 1835]

à Franz LISZT (5 p.). Elle a failli arriver pour

son concert : « je fusse entrée avec mes guêtres crottées et mon sac

de voyage […] J’aurais dit : “Messieurs, je suis l’agréable auteur de

bagatelles immorales qui n’ont qu’un défaut, celui d’être beaucoup

trop morales pour vous et comme je suis un très grand métaphysicien,

par conséquent très bon juge en musique, je vous manifeste mon

mécontentement de celle que nous venons d’entendre, et je vous

prie de vous joindre à moi, pour conspuer l’artiste vétérinaire et le

voyou musical que vous venez d’entendre cogner misérablement cet

instrument qui n’en peut mais”. – À ce discours superbe, les ban-

quettes auraient plu sur votre tête »… Elle le rejoindra bientôt : « Vous

me nourrirez bien pendant une quinzaine : je fume plus que je ne

mange »… Elle doit d’abord régler ses affaires : « Je prends possession

de ma pauvre vieille maison que le noble et puissant baron Dudevant,

veut bien enfin me rendre et où je vais m’enterrer avec mes livres et

mes cochons, décidée à vivre agricolement, philosophiquement et

laborieusement […] Je suis maintenant avec mes enfants dans la chère

vallée Noire. Michel [de Bourges] est en prison à Bourges ». Elle se

repose beaucoup et s’occupe à des plaisirs tranquilles. « Au fond, je

ne suis pas gai. Peut-on l’être, tout à fait, et avec sa raison ? non. La

gaieté n’est qu’un excitant, comme la pipe et le café ». [III, n° 992, p. 63]

[Nohant, début janvier 1836]

à Marie d’AGOULT (12 p.). « Genève est

donc habitable en hiver, que vous y restez ? Comme votre vie est

belle et enviable ! ». Elle regrette de n’être pas née sous les mêmes

auspices que son amie, mais il n’est pas question de jalousie, bien

plutôt d’admiration et d’estime. Elle revient longuement sur l’idée

de « non-supériorité des diverses classes sociales » développée

par Marie… Elle fait des confidences sur sa timidité et son carac-

tère méfiant : « « Tout le monde me croit l’esprit et le caractère fort

audacieux. Mais on se trompe. J’ai l’esprit indifférent et le caractère

quinteux.

Je ne crains pas, je me méfie, et ma vie est un malaise

affreux quand je ne suis pas seule, ou avec des gens avec lesquels je

me gêne aussi peu qu’avec mes chiens. […] l’espèce humaine est mon

ennemie, laissez-moi vous le dire. J’aime mes amis avec tendresse,

avec engouement, avec aveuglement. J’ai détesté profondément

tout le reste […] j’ai bien peur que ce ne soit là ce que l’on appelle

l’égoïsme de la vieillesse »... Elle évoque leurs premières rencontres

et développe longuement sur son sens de l’amitié : « Je ne vous aime

pas encore. Ce n’est pas parce que je ne vous connais pas assez.

[…] C’est vous qui ne me connaissez pas assez, et ne sachant si vous

pouvez m’aimer, telle que je suis en réalité, je ne veux pas vous aimer

encore. C’est une chose trop sérieuse et trop absolue pour moi

qu’une amitié. […] Arrangez-vous donc pour que je vous fasse entrer

dans mes yeux, dans mes oreilles, dans mes veines, dans tout mon

être et vous saurez alors que personne sur la terre n’aime plus que

moi, parce que j’aime avec cynisme, c’est-à-dire sans rougir de la

raison qui me fait aimer et cette raison, c’est la reconnaissance que

j’ai pour ceux qui m’adoptent »… Elle attend à Nohant la décision du

tribunal actant la séparation avec son mari : « Je ne reçois personne

à cause des

convenances

Oh ! Oh ! oui, parole d’honneur, je fais de

l’hypocrisie, je mène une vie monacale »… [III, n° 1069, p. 222]

[Bourges, 26 ( ?) février 1836]

à Marie d’AGOULT (4 p.). « Je suis accablée

d’affaires, de travail et de courses. […] Vous me parlez de cœur et de

bourse. Non, cela n’est pas inconvenant, l’offrir ou l’accepter est le

plus saint privilège de l’amitié »… Elle a gagné son procès contre son

mari : « J’ai mes deux enfants à moi ». Ne sachant si la partie adverse

fera appel, elle reste sur ses gardes et ne sera pas disponible avant le

printemps… Elle exhorte Marie à l’écriture : « Écrivez sur le sort des

femmes et sur leurs droits ; écrivez hardiment et modestement, comme

vous sauriez le faire, vous. […] En lisant votre lettre, je

m’étonnais

(le

mot est modeste) de votre incommensurable supériorité sur moi.

Faites-en donc profiter le monde »… [III, n° 1103, p. 289]

[La Châtre 15 mai 1836]

à Franz LISZT (14 p.). « J’ai regagné mon

procès, ma fortune et mes enfants », c’est ce qui l’empêche de faire

des projets de voyage avec ses amis. Elle a passé un mois à Paris

où elle a vu Meyerbeer, Heine... « Je n’ai pas vu MUSSET […] je ne

pense plus à lui depuis longtemps, et même je vous dirai que je ne

pense à personne dans ce sens-là. Je suis plus heureuse comme

je suis, que je ne l’ai été de ma vie. La vieillesse vient. Le besoin

des grandes émotions est satisfait outre mesure. J’ai par nature le

sommeil paisible, et le caractère enjoué. Les affections saintes et

durables sont ce qu’il faut, après trente ans d’une vie ravagée par tous

les hasards »... Quant à Liszt : « Vous êtes heureux, vous êtes jeune ;

belle chose que l’amour à vingt ans ! […] Je crois que vous avez trouvé

un trésor dans M[arie]. Gardez-le toujours. Dieu vous en demandera

compte au ciel, et si vous n’en avez pas bien usé, vous serez privé

pour l’éternité du son des harpes célestes. Moi, je suis bien certaine

de n’entendre en l’autre vie que les guimbardes du diable et la grosse

caisse de l’enfer. J’ai eu un trésor aussi. C’était mon propre cœur,

et j’en ai mal profité. Ce qui nous tue, voyez-vous, c’est d’apprendre

à lire et à écrire. Quand Dieu a fait une belle nature, tout ce que les

hommes prétendent y ajouter la corrompt et la déforme. Si on m’avait

laissé garder mes chèvres, je serais encore jeune »... Elle évoque

Sainte-Beuve, avec qui « nous sommes brouillés », Lamartine et son

Jocelyn

« un mauvais ouvrage »… Elle s’est brouillée avec Hortense

Allart, et a habité quelques jours chez Charles Didier... Elle ajoute

qu’elle a « fait un roman en 3 volumes in-8 [

Engelwald

], rien que

ça ! »… [III, n° 1166, p. 368]

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