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… / …

Musique et Spectacle

177.

Richard WAGNER

(1813-1883). L.A.S., [Paris 26 juin

1860], à son éditeur Gustave

F

laxland

; 1 page in-8 sur

papier pelure rose (montée sur onglet avec traduction anglaise

ancienne) ; en allemand.

3 000/4 000

Il importune encore une fois Flaxland ! Il est très occupé

aujourd’hui ; son domestique est très stupide et ne comprend pas

le français. Wagner sait qu’il y a beaucoup de chicanerie associée à

l’envoi de musiques, mais en tout cas l’éditeur doit avoir quelqu’un

qui s’occupe de ces choses correctement. Donc il le prie d’avoir la

bonté de débrouiller le paquet de musique qui est arrivé (il espère

que c’est la partition tant désirée de

Tannhaüser

), afin qu’il l’ait

avant ce soir…

[Le 4 janvier 1860, Wagner avait passé un contrat avec l’éditeur

musical parisien Gustave

F

laxland

(1831-1899), pour la publication

de ses ouvrages en français. Entre avril et juillet 1861, la partition

pour chant et piano et quelques morceaux détachés de la version

française de

Tannhäuser

furent ainsi publiés par Flaxland, mais la

partition pour chant et piano de la version française du

Vaisseau

fantôme

traduite par Wagner et Nuitter ne parut qu’en 1864.]

*

178.

Richard WAGNER

(1813-1883). L.A.S., Paris 11 août 1860, [à Agnes

S

treet

-K

lindworth

] ; 4 pages in-8 très remplies ;

en allemand (encadrée avec un portrait photographique).

5 000/6 000

T

rès

belle

et

longue

lettre

écrite

la

veille

de

son

retour

en

A

llemagne

après

un

exil

de

onze

ans

. [Le roi Johann I de Saxe venait

d’accorder à Wagner une amnistie partielle : il pouvait séjourner dans tous les états d’Allemagne, sauf la Saxe. À Paris, où ses concerts

parisiens ont été un échec financier, l’Opéra a reçu l’ordre de Napoléon III de monter

Tannhäuser

. En mars, il avait donné deux concerts

à Bruxelles, où il avait été reçu par le diplomate Georg Klindworth et sa fille Agnes

S

treet

-K

lindworth

(1825-1906), pianiste et élève

de Franz Liszt.]

« Sie sind wirklich di Güte selbst, theuerste Freundin ! » Elle est la bonté même, et sera toujours pour Wagner comme une lumière

plus belle. Mais elle ne peut se représenter la véritable nature de sa souffrance. Il n’agit pas par ambition ; et s’il peut faire jouer à

Paris son

Tannhäuser

, c’est parce qu’il attend de la réalisation de cette performance et de ses effets un véritable apaisement intérieur.

Rien au monde, même la plus importante considération pour sa situation matérielle, ne pourrait le décider à cette réalisation, dès lors

qu’il devrait faire la moindre entorse, la moindre concession quelle qu’elle soit. Sur ce point il ne pourra jamais entrer en conflit avec

lui-même…

Depuis qu’il a laissé son amie à Bruxelles, il a été tellement dépassé par les soucis, qu’il n’a trouvé aucune envie pour quelque

épanchement que ce soit, et les témoignages d’enthousiasme l’ont notamment touché de façon incroyablement amère. Cela s’est un

peu éclairci à présent, il peut au moins à nouveau ouvrir son esprit à des soucis plus nobles qu’à cette époque-là. Mais il doit renoncer

cet été à tout rafraîchissement extérieur, et pendant ces beaux jours, son seul refuge dans la nature sera le bois de Boulogne ! Il va

cependant user ponctuellement de la grâce du Roi de Saxe, en partant quelques jours sur les bords du Rhin, pour notamment rendre

visite à la Princesse de Prusse [Augusta] à Coblence, avec laquelle il doit avoir une discussion personnelle, afin de savoir une fois pour

toutes à quel point il peut se fier à cette dame quant à la future représentation de ses nouvelles œuvres [les trois premières parties de

la Tétralogie :

Das Rheingold

, Die Walküre et

Siegfried

, ainsi que

Tristan

]. Et il profitera de l’occasion pour aller chercher sa femme de

Soden [Minna Wagner était en cure à Bad Soden]. Il ne pourra partir que 5 ou 6 jours en tout.

Puis il en vient au récit du voyage de son amie chez Franz

L

iszt

, qui confirme ce que tous lui en ont dit. Quant à son chagrin, il n’a

qu’une chose à pleurer, et c’est sa dépendance à une femme [Carolyne von Sayn-Wittgenstein], qui l’attriste énormément. Rien ne trahit

cependant qu’il ressent du chagrin, mais il se désole seulement pour la peine que chaque relation lui apporte, sans vouloir en reconnaître

la raison. On ne peut pas l’aider, même pas le consoler. Wagner s’inquiète beaucoup pour lui : il ne peut pas être franc sans blesser Liszt,

qui est si sensible en ce moment.