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Histoire

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LAUZUN Antonin Nompar de

Caumont, duc de

(1633-1723) officier

et aventurier, il épousa la Grande

Mademoiselle.

L.A.S. « Lausun », [février 1676], à

LOUIS

XIV ; 2 pages in4, adresse « Au

Roy » (légèrement rognée dans le bas

sans perte de texte).

3 000 / 4 000 €

Extraordinaire document : c’est la lettre

pour le Roi laissée par Lauzun lors de sa

tentative d’évasion de la forteresse de Pi-

gnerol, implorant son pardon et demandant

son retour en grâce.

[Arrêté le 25 novembre 1671, Lauzun avait

été incarcéré dans la forteresse de Pignerol,

où il devait rester dix ans. En février 1676, il

tenta de s’évader, et laissa cette lettre sur

une table avant de se sauver ; mais il fut

rattrapé. Dans ses

Mémoires

, Mademoi-

selle de Montpensier raconte cette tentative

d’évasion, en précisant : « On trouva sur

une table une lettre qu’il écrivoit au roi et

une à M. de Louvois. Dangeau [...] se trouva

chez Madame de Montespan, où on jouoit,

lorsqu’elle fut lue ; (je crois que le roi l’avoit

vue encore devant) [il dit] que jamais il n’a

vu une lettre si tendre, si respectueuse pour

le roi et de si bon sens »...]

« Lexperience que j’ay des genereusse bontés

de Vostre Majesté ne me permettant de pas

douter que son cœur toust royal ne soist

a lexamble de Dieu, touché des longues

penitances que souffre un misérable ; j’ay

creu que si je pouvois exposer aux yeus de

Vostre Majesté, le pitoyable estast auquel je

me trouve et ma parfaite resignation à toutes

ces volontés, se seroist ases pour optenir de

sa clemance, le pardon de se qui Luy a peu

estre desagreable dans ma conduyte. Je

ne say point Sire, et ne meinforme point de

quoy je suis acussé, je nalegue point à Vostre

Majesté, que les tesmougniages de ceux qui

mont voulu nuyre peuvent estre suspec, ny

que les preuves qui paroisent les plus cleres

sont souvant trompeusse »… Il l’assure que

sa volonté n’a jamais été mal intentionnée à

son égard ; il ne tente pas de se justifier, mais

seulement de faire appel à la magnanimité et

à la bonté du cœur du Roi : « jay esté cou-

pable puisque je Luy ay depleu ». Il espérait

qu’avec le temps sa juste colère céderait à sa

compassion, mais il ne parvenait pas à l’at-

teindre, ni par ses lettres, ni par ses actions :

« La croyance dont je metois flaté de pouvoir

avec le tems optenir la permition descrire

libremant à Vostre Majesté, ou aux ministres

qui ont lhoneur de laprocher, ma conservé

la vie, depuis plus de quatre ans pandant

lesquels je nay point épargnié de solisitations

et prieres pour jouir de cette faveur. Mais

enfein Sire voyant mes efors inutilles, et

lunique sperance qui me flatois absolumant

perdue, il ne me reste autre party a prandre

que celuy du desepoir, qui me force à me

presipiter dans un peril evident pour me

tirer dune misere insuportable »… Ce n’est

pas l’extrême rigueur de sa prison ni toutes

les privations qu’il a subies qui le peinent,

mais « leinposibilité seulle ou je me vois

de demander, daprandre, et dexecuter les

volontés de Vostre Majesté a quoy consiste

toust le bonheur de ma vie »… Il le supplie

à genoux d’avoir pitié de lui, et de croire

que s’il va tenter ce qui paraît impossible,

ce n’est point pour s’affranchir de la prison,

mais pour chercher la mort, ou les moyens

de lui faire savoir sa déférence et son entière

soumission sans réserves à ses ordres. Il

remet son sort entre ses mains : « soist pour

retourner volonteremant manfermer dans un

nouvo cachot y finir mes jours an languer,

soit pour resevoir de sa magnifisance une

vie qui Luy est consacrée à plusieurs tiltres,

et laler employer avec joye pour son ser-

visse, en tel lieu du monde quil Luy plaira

masigner. Cest la grasse que je demande a

Vostre Majesté, prosterné de cœur a ses piés,

ou je Luy proteste que quelque sucses que

puisse avoir mon entreprisse, et quoy que

se soist qu’il plaisse a Vostre Majesté de me

commander, jusques a mon dernier soupir

elle sera ponctuelemant obeie »…