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les collections aristophil
ma bourse aux revues et aux journaux républicains en même temps
que je me dévouais à la cause de l’émancipation des nègres. Après
la Révolution de Février, j’ai servi sous le magnanime gouvernement
provisoire que j’admire et que j’honorerai toujours, j’ai contribué à
deux de ses plus nobles actes : l’abolition de l’esclavage dans nos
colonies et du châtiment corporel qui souillait encore notre Code
maritime »... Il évoque son activité à la Constituante et à la Législative,
où il était l’un des vice-présidents de la Montagne, puis sa conduite lors
du Deux-Décembre : « j’ai résisté de toutes mes forces au triomphe
des sanguinaires conspirateurs, j’étais à la barricade du faubourg S
t
Antoine où Baudin trouva une mort glorieuse. Exilé j’ai écrit en deux
gros volumes l’histoire des crimes de ces jours néfastes, et j’étais
resté à la frontière voulant y garder levé le drapeau de la République.
Aujourd’hui, je suis ce que j’ai toujours été, un républicain démocrate
socialiste »... Il précise ses buts politiques prioritaires : l’éducation
gratuite et obligatoire, la liberté illimitée de la parole et de la presse,
sous réserve de poursuites judiciaires de toute calomnie, et termine
cette profession de foi par un avertissement : « J’accepte le mandat
impératif, ma conscience me faisant un devoir impérieux de rester
fidèle aux engagements que les électeurs auraient exigés de moi et
que j’aurais acceptés. Enfin je refuse le serment parce que je suis
décidé à employer tous les moyens compatibles avec l’honneur pour
renverser l’odieux pouvoir sorti des forfaits du deux décembre »...
On lit également d’intéressants commentaires sur le plébiscite du
10 mai 1870, la guerre franco-prussienne, la chute de l’Empire, les
déclarations de Napoléon III, les élections de 1871, la dévastation vue
depuis le train qui mène le député à Bordeaux, ainsi que des réflexions
sur l’amnistie, les colonies, la Révolution, l’esclavage, les races, la
« honteuse » affaire de Panama... On rencontre aussi les noms de
Buffet, Daru, Pelletan, Herz, Lesseps, Freycinet, Lévi-Crémieux, Eiffel,
A. Meyer, E. Meyer, Déroulède, Brown-Sequard, etc., et des notes
de lecture et remarques sur Homère et la Grèce antique, Mme de
Sévigné, Bossuet, Fénelon, etc.
Les nombreuses coupures de presse concernent, en majorité, la
politique ou l’histoire de la France ou de l’Angleterre, les erreurs judi-
ciaires, la peine de mort, les persécutions religieuses, les injustices, etc.
Dans les dernières pages, Schoelcher évoque à plusieurs reprises
avec lucidité son état de santé chancelant qui se dégrade et l’oblige,
en mai 1893, à abandonner l’Assemblée avant la fin de la session : « je
suis vraiment dans un triste état, je ne travaille plus je ne fais plus rien
je ne vais chez personne […] Je n’aspire qu’à me reposer »... Pourtant
il trouve encore le courage de l’optimisme : « L’homme depuis le jour
où il errait sur la terre comme les autres animaux a constamment
progressé, et progresse encore, tous les jours. L’homme d’aujourd’hui
est certes plus éclairé, plus humain que celui d’hier. Le passé nous
donne ainsi le droit de croire à un progrès indéfini, on peut raison-
nablement penser que l’homme dominant de plus en plus la nature
pourra flotter un jour dans les airs avec les aérostats comme il flotte
sur les mers avec la vapeur, qu’il fera la loi aux tempêtes comme il l’a
fait aujourd’hui aux distances, il commandera aux éléments [...] Il ne
progressera pas moins au moral qu’au physique, en améliorant de
plus en plus sa nature en se faisant de plus en plus meilleur il finira
par rendre le mal aussi impossible qu’il est impossible à une petite
fille brune de faire souffrir un enfant ou un animal »...
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