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LAMARTINE Alphonse de
(1790-
1869) poète et homme politique.
MANUSCRIT autographe signé
« Lamartine representant du peuple »,
31
ème
Conseil au peuple.
De la
nécessité de revenir sur la loi du 31
Mai
, 1850 ; 57 pages in-4, plusieurs
ff. à son chiffre couronné, relié en
un volume in-4, bradel de percaline
rouge, titre en long au dos, étui usagé
(reliure fin XIX
e
[
Paul Vié
?]).
10 000 / 12 000 €
Défense vibrante du suffrage universel
.
Ce « 31
ème
Conseil au peuple » a paru dans
le périodique politique de Lamartine,
Le
Conseiller du Peuple
(1850). Lamartine réagit
ici vivement au vote de la loi du 31 mai 1850,
qui restreint la loi du 15 mars 1849 organisant
le suffrage universel, en durcissant les condi-
tions au droit de vote. Son texte comprend
15 chapitres numérotés ; le manuscrit, qui
présente des ratures et corrections, a servi
pour l’impression.
« Le suffrage universel a sauvé la France en
1848 ; le suffrage universel a fait l’Assem-
blée constituante, l’Assemblée législative, les
conseils généraux, le pouvoir exécutif, le pré-
sident de la République, la base, les degrés,
le sommet de notre société politique, tout
enfin. Vous qui parlez, qui siégez, qui gou-
vernez, vous ne siégez, vous ne parlez, vous
ne gouvernez qu’en son nom, et si quelqu’un
est inexcusable d’oublier ou de calomnier
le sufrage universel, à coup sûr c’est cette
majorité imposante, souvent conservatrice,
quelquefois excessive et imprévoyante qui est
sortie du sufrage universel. Vous ne devriez
y toucher qu’avec respect et tremblement,
comme on touche à une chose sainte pour
en enlever la poussière pour en détacher les
souillures mais en prennant un soin supers-
tieux de ne pas le profaner, encore moins de
le mutiler. [...] Et croyez-vous donc, parce que
le sufrage universel vous a sauvés jusqu’ici,
qu’il a rétabli le pays sur ses bases, la pro-
priété sur ses foyers, l’Assemblée calme et
souveraine sur le respect public, croyez-vous
que tout soit fini, et que vous n’aurez plus rien
à lui demander en salut, en autorité, en force
conservatrice dans un prochain avenir ? [...]
Non. Rien n’est fini ! Tout recommencera, tout
recommencera plus orageux, plus insoluble
et plus terrible, si vous déchirez dans l’uni-
versalité sincère du sufrage universel le pacte
qui a tout apaisé, si vous jetez aux tempêtes
le contrepoids tout puissant qui s’oppose
et qui s’interpose seul entre les différentes
factions, factions du passé ou factions de
l’avenir, dont la lutte sans le suffrage universel
bouleverserait, déchirerait, ensanglanterait le
pays, et bientôt peut-être le monde civilisé
tout entier. [...] Qu’est-ce qu’une révolution ?
une révolution est toujours une guerre entre
deux classes de la société, guerre courte
ou longue, humaine ou sanguinaire, selon
les mœurs douces ou féroces du pays, ou
selon le bonheur et l’habileté de ceux qui les
finissent. Et qu’est-ce qu’un gouvernement
après une révolution ? C’est le traité de paix
après la guerre. C’est la réconciliation à des
conditions honorables et utiles aux deux
partis entre les classes qui se combattaient
la veille. La révolution de février a été une
de ces guerres. Le sufrage universel, qui
a ensuite établi comme son expression la
république, a été le traité de pacification. De
sourds besoins en soufrance, je ne dirai pas
de nivèlement brutal, ni d’immorale cupidité,
ni de honteux pillage, mais d’égalité dans
la possession du droit politique, mais de
participation légitime et proportionnelle à
l’élection, aux lois, au gouvernement de la
société, une et non plus divisée en catégories,
travaillaient tous ceux qui étaient placés par
une charte étroite au dessous du pays légal
ou du pays votant. [...] Voilà la République
de tous ! Voilà la Paix ! [...] La révolution est
terminée. Le nouveau principe est trouvé. Il
règne en vous, en nous, en tous. Anathème
à qui le touchera ! [...] Ignorez-vous que des
dictatures insensées, mais acharnées aux
idées impossibles, des émulations acerbes
de la Convention, des rêves de lois agraires,
des gouvernements désespérés du radica-
lisme, qui n’est lui-même que le désespoir
de l’impatience, que des inquisitions de la
liberté que des despotismes populaires sous
le nom de République, se sont tramés, se
trament et se trameront longtemps encore
dans les pensées impuissantes de ces partis
qui restent et qui retombent au fond des
révolutions comme la cendre longtemps
chaude après les grands incendies. Quelle est
la force d’inertie ou de répulsion invariable
qui les a contenus et qui les contiendra, si
ce n’est le suffrage universel ? […] Retirez au
Peuple le sufrage universel et il vous enverra
les révolutions ! »
On joint un portrait lithographié.
Provenance
Collections Alidor DELZANT (ex-libris gravé
par E. Loviot) ; puis Louis BARTHOU (II,
n° 1060, ex-libris).