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Histoire

« grande tristesse secrète » de son éloigne-

ment de MONTALEMBERT : « Se voir, s’aimer,

se parler avec confiance, et ne pas s’entendre

quand il s’agit de pensées et d’intérêts qui

doivent remplir la vie ! C’est une sorte de

supplice mystérieux »… Il ne répondra pas

à l’article de M. d’ECKSTEIN, que l’on dit

injurieux. « Le parti de M. de La Mennais se

dessine de plus en plus clairement »… Bonnes

nouvelles du succès commercial et critique

de son livre [

Considérations sur le système

philosophique de M. de La Mennais

] ; le

Pape a dit qu’il le lirait avec plaisir…

Paris 23

août

. « Il a paru dans les journaux religieux

une lettre de M

gr

l’évêque de Rennes à M.

de La Mennais postérieurement à la der-

nière Encyclique, pour le conjurer de s’y

soumettre, sans faire attention à l’

indignité

de celui qui l’en pressait

. La réponse est en

deux phrases de politesse, et ne touche en

rien le fond »… Hommage à sa conseillère :

« Nul depuis dix ans n’avait dirigé ma vie que

moi seul, avec mon esprit encore mal formé,

enthousiaste, hardi, aventureux, quelquefois

bizarre. […] Vous m’avez pris au moment où

mes catastrophes m’avaient averti de la dif-

ficulté de la vie et de l’orgueil de mon temps

passé. Cela est inoubliable »…

13 septembre

.

La joie de son amitié a doublé sa paix et sa

reconnaissance envers Dieu. « Jamais Dieu

ne m’a manqué ; mais depuis mon voyage

de Rome j’éprouve chaque jour qu’il agit

sans mesure avec moi. Cela m’effraye, car

je suis bien au-dessous de la sainteté où je

devrais être »… Il manque de direction, et en

appelle à sa tendresse « surnaturelle » pour le

guider : « Soyez mon S

t

Jérôme »…

14 octobre

.

Exposé de l’évolution de sa pensée sur la

question de la reprise de ses conférences :

les arguments de Monseigneur ; les réflexions

d’amis sur sa situation morale et les nou-

veaux grands vicaires, tous jeunes ; sa crainte

d’adversaires ; sans orgueil, « je ne sens en

moi qu’une grande compassion pour cette

jeunesse avide de doctrines religieuses »…

8

décembre

. Il expose longuement les réactions

sur l’éventuelle reprise de ses conférences,

entre l’encouragement (Guizot) et l’opposition

(Quélen), et la confusion (Dupanloup, Affre),

ce qui l’amène à opter pour la publication

seule…

1835

.

30 mars

. Touché de son invitation à

demeurer près d’elle, il craint de blesser sa

mère : « je me suis déjà séparé d’elle une

fois pour habiter avec M. de La M. »… Mais

s’il ne pouvait pas rester à la Visitation, ce

serait un cas de force majeure…

9 novembre

.

Prière de remettre au porteur le Christ de

Berlin, « le premier que j’aurai depuis que

je suis au monde »…

1836

.

16 janvier

. « J’ai été bien agité tous

ces temps-ci ; mais le calme renaît avec la

pensée que je fais mon devoir en obéis-

sant et en allant tant que la Providence me

portera »…

Dijon 24 avril

. Expression d’« un

grand sentiment de mélancolie et de reli-

gion », en retrouvant la ville de sa jeunesse…

Chazoux près Mâcon 2 mai

. Voyant qu’il a

« mal apprécié la situation de votre âme à

mon égard, et qu’elle a reçu une blessure

plus forte que je ne le croyais », il avoue son

incompréhension, après six semaines d’inti-

mité, de confiance et d’affection. « Vous me

connaissez assez pour savoir qu’il y a bien

des choses que je sens et que je n’exprime

pas suffisamment. Je n’ai jamais été moins

en train d’une résolution que de celle-ci ; j’ai

quitté Paris […] sachant que j’abandonnais

des chances assez naturelles de voir ma

carrière se fixer »…

Marseille 10 mai

. Nou-

velles de son voyage, en particulier de son

séjour à Aix, où une députation de 30 ou 40

jeunes gens de l’École de droit est venue au

palais archiépiscopal pour lui demander un

discours. « J’ai eu mille peines à me tirer de

leurs griffes, en leur promettant le premier

avent que je prêcherais en province. Je suis

toujours mal habitué à ces démonstrations

publiques, faute de pouvoir trouver cette

parole agréable et demi-solennelle qui est

nécessaire dans ces circonstances. Je suis

toujours trop froid, peut-être par sincérité.

Je ressens aussi de la peine de ne pouvoir

monter en chaire au premier désir d’un seul

homme ; il semble que la parole divine ne

devrait jamais être refusée, et que je suis trop

politique dans ma conduite »…

Rome 25 mai

.

Premières démarches : rencontre de M. de

Falloux, décision de loger chez l’habitant ;

il dira sa messe au

Gesu

... « J’ai été assez

triste les premiers moments »…

21 juin

. Le

cardinal vicaire, le cardinal secrétaire d’État,

les pères jésuites, ses compatriotes et le Pape

lui ont fait un accueil parfait. À l’audience

du 6 juin, le pape « a ouvert les deux bras,

en disant d’un air tout joyeux :

ah ! l’abbate

Lacordaire !

et pendant que je baisais ses

pieds, il m’a pris la tête dans ses mains, en

la pressant avec affection, et me disant tout

de suite après :

Je sais que l’église catho-

lique a fait en lui une grande acquisition

 »…

Autres détails confidentiels sur l’accueil fait

à ses livres, la bénédiction et l’adieu du Saint

Père, et la « position parfaite » où il est avec

les pères jésuites : mise à sa disposition de

leur bibliothèque, accueil du père général,

marques d’attachement… Fréquentation de la

princesse BORGHESE…

25 juillet

. Réflexions

sur la marche laborieuse de son esprit vers

des convictions, et l’action lente de Dieu sur

l’esprit humain : en témoignent ses relations

avec les pères jésuites, inconcevables il y a

peu. « Avec tout ce qu’il y avait en moi de faux,

d’incomplet, d’outré, de mauvais, et même

de bon, il y avait de quoi perdre dix mille

hommes ; la bonté divine me sauve, je ne sais

pourquoi. J’ai trente-quatre ans, et il est vrai

[de] dire que mon éducation n’est achevée

sous aucun rapport. Je sens une foule de

pensées qui attendent de nouvelles lumières,

semblables à ces ouvrages interrompus qui

offrent aux yeux des ruines trompeuses.

Né dans un siècle troublé jusqu’au fond

par l’erreur, j’avais reçu de Dieu une grâce

abondante dont j’ai ressenti dès l’enfance

le plus tendre des mouvemens ineffables ;

mais le siècle prévalut contre ce don d’en

haut »… Quand la grâce le jeta au séminaire,

il se trouva « vivant du siècle et vivant de la

foi, homme de deux mondes avec le même

enthousiasme pour l’un et pour l’autre »…

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