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201

Histoire

961

JAURÈS Jean

(1859-1914) homme

politique.

manuscrit autographe signé « Jean

Jaurès »,

Statistiques sociales

[18

juin 1906] ; 31 pages in-4.

1 000 / 1 500 €

Article paru dans

L’Humanité

sur la pro-

priété

.

« C’est en vain qu’on essaie d’obscurcir par

des chicanes le sens des statistiques que

j’ai apportées à la. tribune sur la répartition

de la propriété. Je prends comme point

de départ de mes calculs très simples le

chiffre de l’annuité successorale, c’est-à-

dire le montant des successions déclarées

chaque année au fisc ». Jaurès explique son

mode de calcul, pour constater « que 221.000

personnes possédaient à elles seules 102

milliards sur les 176 milliards correspondant à

l’annuité successorale (et abstraction faite des

donations). […] ce chiffre seul suffit à établir la

prodigieuse disproportion des fortunes dans

le pays. […] Ainsi 44.000 personnes possèdent

à elles seules plus du tiers de la fortune totale

de la France »… Jaurès examine en détail la

répartition des richesses en France, et la

misère du prolétariat, pour tirer « une double

conclusion. La première, c’est que la fortune

est très concentrée en France, malgré toutes

les légendes contraires. La société capitaliste

est en déséquilibre ; elle ne pourra donc

pas résister à l’effort conscient et organisé

de transformation que développe de plus

en plus le prolétariat exproprié. Mais il est

vrai, d’autre part, qu’entre cette minorité de

250.000 personnes qui a absorbé les deux

tiers du capital national et l’énorme masse

des sans propriété, il y a une couche intermé-

diaire de moyenne et petite bourgeoisie et de

démocratie rurale où une richesse de soixante

à quatre-vingt milliards est déposée. Pour que

la transformation sociale puisse s’accomplir,

il faut que cette couche moyenne soit bien

persuadée que la révolution ne lui enlèvera

aucun avantage essentiel, mais lui apportera

au contraire des garanties nouvelles. C’est

pourquoi la politique du Parti socialiste doit

être à la fois révolutionnaire et réformiste,

prolétarienne, et démocratique. Organiser

tout le prolétariat ouvrier et paysan en vue

de la socialisation générale de la propriété

capitaliste, démontrer à la classe des moyens

et petits possédants que cette révolution

légalement accomplie ne leur causera aucun

dommage, mais sera au contraire pour eux

un bienfait, et mériter leur confiance par une

action incessante de réformes, voilà l’œuvre

vaste qui nous est imposée par la force même

des choses, par l’état économique du pays

où se développent notre propagande et

notre effort ».

962

JAURÈS Jean

(1859-1914) homme

politique.

manuscrit autographe signé « Jean

Jaurès »,

Notre crise

[5 octobre

1906] ; 12 pages in-fol.

1 000 / 1 500 €

Sur les difficultés financières de

L’Humanité

.

« Voilà bien des mois que je lutte contre les

difficultés les plus graves pour soutenir ce

journal. J’ai pu y réussir jusqu’ici, grâce au

concours admirable d’amis désintéressés

et au dévouement infatigable de tous nos

camarades de

l’Humanité

. Maintenant, nos

forces sont à bout, et si nous ne recevons

pas une aide immédiate, nous succomberons

au fardeau. Certes, ce journal représente

déjà une force politique considérable, et

qui irait grandissant à mesure que grandit

le Parti socialiste. Il représenterait aussi

une valeur commerciale sérieuse si nous

avions du temps devant nous. Le journal, en

ce moment même qui est une période de

morte-saison pour les journaux politiques,

vend

tous les jours trente mille exemplaires,

dix mille à Paris (sans compter la banlieue),

dix-sept mille en banlieue et province, et

il a trois mille six cents abonnés. C’est un

chiffre bien faible à côté des tirages énormes

de la grande presse d’information. Mais

quand on songe aux difficultés inévitables

que rencontre pour son développement un

journal purement politique, qui n’est qu’à

quatre pages et qui n’est pas outillé par de

vastes capitaux, il faut reconnaître que c’est

un résultat important. Malheureusement, un

déficit d’environ treize mille francs par mois

pèse encore sur nous, et en s’accumulant

nous écrase. […] les charges présentes nous

accablent, et nous sommes dans l’impossi-

bilité matérielle et morale de continuer ». Des

concours financiers ont été proposés, mais

assortis de conditions inacceptables. « Il vaut

mieux que nous disparaissions, si la vie est à

ce prix, et que nous préparions la liquidation

du journal dans des conditions honorables

pour lui et pour nous. C’est pour moi et mes

collaborateurs une douleur profonde de voir

avorter l’effort de travail et d’intégrité que

nous avons fait ici depuis deux ans et demi.

Ce journal s’est associé aux grandes luttes

d’émancipation laïque. Il a travaillé à l’œuvre

si féconde de l’unité socialiste. Dans la grande

bataille de mai, il a su concilier: l’énergique

affirmation socialiste et prolétarienne et le

devoir républicain. Toujours il a dénoncé

les manœuvres ou les entraînements qui

pouvaient compromettre la paix ; il s’est

associé à tous les efforts de libération des

peuples opprimés et du prolétariat exploité.

[…] nous sommes à bout de ressources. Pour

moi, qui ai mené depuis plus d’un an, sous le

fouet d’incessants soucis, une vie terriblement

dure, je puis me rendre ce témoignage que

je cède, non par lassitude ou lâcheté, mais

à la dernière extrémité. Avant tout, nous

devons sauvegarder notre intégrité politique,

et morale »...

On joint

un manuscrit d’un auteur non iden-

tifié,

L’affaire Dreyfus. Le Bordereau

(41 p.

petit in-4).