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Histoire
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JAURÈS Jean
(1859-1914) homme
politique.
manuscrit autographe signé « Jean
Jaurès »,
Statistiques sociales
[18
juin 1906] ; 31 pages in-4.
1 000 / 1 500 €
Article paru dans
L’Humanité
sur la pro-
priété
.
« C’est en vain qu’on essaie d’obscurcir par
des chicanes le sens des statistiques que
j’ai apportées à la. tribune sur la répartition
de la propriété. Je prends comme point
de départ de mes calculs très simples le
chiffre de l’annuité successorale, c’est-à-
dire le montant des successions déclarées
chaque année au fisc ». Jaurès explique son
mode de calcul, pour constater « que 221.000
personnes possédaient à elles seules 102
milliards sur les 176 milliards correspondant à
l’annuité successorale (et abstraction faite des
donations). […] ce chiffre seul suffit à établir la
prodigieuse disproportion des fortunes dans
le pays. […] Ainsi 44.000 personnes possèdent
à elles seules plus du tiers de la fortune totale
de la France »… Jaurès examine en détail la
répartition des richesses en France, et la
misère du prolétariat, pour tirer « une double
conclusion. La première, c’est que la fortune
est très concentrée en France, malgré toutes
les légendes contraires. La société capitaliste
est en déséquilibre ; elle ne pourra donc
pas résister à l’effort conscient et organisé
de transformation que développe de plus
en plus le prolétariat exproprié. Mais il est
vrai, d’autre part, qu’entre cette minorité de
250.000 personnes qui a absorbé les deux
tiers du capital national et l’énorme masse
des sans propriété, il y a une couche intermé-
diaire de moyenne et petite bourgeoisie et de
démocratie rurale où une richesse de soixante
à quatre-vingt milliards est déposée. Pour que
la transformation sociale puisse s’accomplir,
il faut que cette couche moyenne soit bien
persuadée que la révolution ne lui enlèvera
aucun avantage essentiel, mais lui apportera
au contraire des garanties nouvelles. C’est
pourquoi la politique du Parti socialiste doit
être à la fois révolutionnaire et réformiste,
prolétarienne, et démocratique. Organiser
tout le prolétariat ouvrier et paysan en vue
de la socialisation générale de la propriété
capitaliste, démontrer à la classe des moyens
et petits possédants que cette révolution
légalement accomplie ne leur causera aucun
dommage, mais sera au contraire pour eux
un bienfait, et mériter leur confiance par une
action incessante de réformes, voilà l’œuvre
vaste qui nous est imposée par la force même
des choses, par l’état économique du pays
où se développent notre propagande et
notre effort ».
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JAURÈS Jean
(1859-1914) homme
politique.
manuscrit autographe signé « Jean
Jaurès »,
Notre crise
[5 octobre
1906] ; 12 pages in-fol.
1 000 / 1 500 €
Sur les difficultés financières de
L’Humanité
.
« Voilà bien des mois que je lutte contre les
difficultés les plus graves pour soutenir ce
journal. J’ai pu y réussir jusqu’ici, grâce au
concours admirable d’amis désintéressés
et au dévouement infatigable de tous nos
camarades de
l’Humanité
. Maintenant, nos
forces sont à bout, et si nous ne recevons
pas une aide immédiate, nous succomberons
au fardeau. Certes, ce journal représente
déjà une force politique considérable, et
qui irait grandissant à mesure que grandit
le Parti socialiste. Il représenterait aussi
une valeur commerciale sérieuse si nous
avions du temps devant nous. Le journal, en
ce moment même qui est une période de
morte-saison pour les journaux politiques,
vend
tous les jours trente mille exemplaires,
dix mille à Paris (sans compter la banlieue),
dix-sept mille en banlieue et province, et
il a trois mille six cents abonnés. C’est un
chiffre bien faible à côté des tirages énormes
de la grande presse d’information. Mais
quand on songe aux difficultés inévitables
que rencontre pour son développement un
journal purement politique, qui n’est qu’à
quatre pages et qui n’est pas outillé par de
vastes capitaux, il faut reconnaître que c’est
un résultat important. Malheureusement, un
déficit d’environ treize mille francs par mois
pèse encore sur nous, et en s’accumulant
nous écrase. […] les charges présentes nous
accablent, et nous sommes dans l’impossi-
bilité matérielle et morale de continuer ». Des
concours financiers ont été proposés, mais
assortis de conditions inacceptables. « Il vaut
mieux que nous disparaissions, si la vie est à
ce prix, et que nous préparions la liquidation
du journal dans des conditions honorables
pour lui et pour nous. C’est pour moi et mes
collaborateurs une douleur profonde de voir
avorter l’effort de travail et d’intégrité que
nous avons fait ici depuis deux ans et demi.
Ce journal s’est associé aux grandes luttes
d’émancipation laïque. Il a travaillé à l’œuvre
si féconde de l’unité socialiste. Dans la grande
bataille de mai, il a su concilier: l’énergique
affirmation socialiste et prolétarienne et le
devoir républicain. Toujours il a dénoncé
les manœuvres ou les entraînements qui
pouvaient compromettre la paix ; il s’est
associé à tous les efforts de libération des
peuples opprimés et du prolétariat exploité.
[…] nous sommes à bout de ressources. Pour
moi, qui ai mené depuis plus d’un an, sous le
fouet d’incessants soucis, une vie terriblement
dure, je puis me rendre ce témoignage que
je cède, non par lassitude ou lâcheté, mais
à la dernière extrémité. Avant tout, nous
devons sauvegarder notre intégrité politique,
et morale »...
On joint
un manuscrit d’un auteur non iden-
tifié,
L’affaire Dreyfus. Le Bordereau
(41 p.
petit in-4).