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les collections aristophil

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JAURÈS Jean

(1859-1914) homme politique.

2 manuscrits autographes signés « Jean Jaurès »,

[novembre 1905] ; 29 pages in-4 et 10 pages et demie in-fol.

2 500 / 3 000 €

Deux articles parus dans

L’Humanité

sur la Révolution russe

d’octobre 1905

.

Grève et Révolution

(5 novembre 1905). « Pouget a raison de noter,

dans la

Voix du Peuple

, que la grève générale a joué un grand rôle

dans la Révolution russe. Ou plutôt c’est dans toute la Révolution

européenne qu’elle apparaît comme un puissant moyen d’action.

[…] c’est à la grève générale des ouvriers russes qu’est due pour une

large part la capitulation du tsarisme. Oui, ceux qui ont compris, ceux

qui ont annoncé il y a bien des années déjà que la classe ouvrière

pourrait par un vaste refus concerté de travail effrayer et ébranler

les puissances de réaction, et de privilèges, ceux-là ont vu juste.

La grève générale est une conséquence naturelle et nécessaire du

mouvement économique. La concentration de la vie industrielle invite

de plus en plus la classe ouvrière à des décisions d’ensemble. En

refusant momentanément sa force de travail à une société qu’elle

condamne ou à un régime qu’elle abhorre, elle jette le trouble dans

le mécanisme qu’elle veut briser. Elle avertit les classes privilégiées

que la société est précaire et porte à faux, n’ayant pas pour base la

souveraineté du travail. […] La grève générale n’a été possible et effi-

cace que parce que déjà les révoltes de l’opinion et les protestations

directes du prolétariat avaient disloqué le vieux régime d’autocratie. […]

La grève générale n’est plus, pour le prolétariat, le substitut des droits

politiques. Le prolétariat ne peut pas abandonner, au profit de la grève

générale, la conquête du pouvoir politique par le suffrage universel,

puisque c’est précisément pour conquérir le suffrage universel, là où

il ne l’a point encore, qu’il emploie la grève générale. […] Quand la

classe ouvrière française interprète les événements révolutionnaires

de Russie, elle ne doit pas oublier un instant qu’elle dispose, elle,

du suffrage universel que le prolétariat russe s’efforce d’arracher au

tsarisme. C’est donc dans des conditions toutes différentes que la

grève générale s’exercerait en France. […] Mais elle ne sera efficace

que si elle s’harmonise avec toute l’action prolétarienne disposant

du suffrage universel. L’action par la grève générale, l’action par le

suffrage universel doivent se combiner »...

Agonie barbare

[titre primitif biffé : Barbarie] (7 novembre 1905). « Des

dépêches russes, de source officielle ou officieuse, annoncent que

les horribles exploits des bandes noires prennent fin. Est-ce exact ?

En tout cas, le tsarisme agonisant éprouve le besoin de désarmer

un peu l’indignation croissante du monde civilisé. Car ce sont ses

agents, ce sont ses policiers, ce sont ses journalistes qui mènent au

combat les abominables égorgeurs et incendiaires. C’est au nom du

tsar, c’est pour le venger de la Révolution que des meurtriers officiels

assassinent les Juifs, et mettent le feu dans une maison où ils ont

enfermé des milliers de manifestants qui réclamaient une Constitution

populaire et le suffrage universel. […] Mais peut-être le tsarisme lui-

même est-il impuissant aujourd’hui à maîtriser les bandes de fauves

qu’il a depuis longtemps nourries et dressées au meurtre. Quand les

juifs furent massacrés à Kichinev, ce fut à la suite de longues excita-

tions savamment accumulées par des journalistes à la dévotion de

Plehve, par des policiers qui jouaient son jeu. Ce fut une tactique de

l’autocratie de dériver contre les juifs la colère du peuple souffrant.

Il se peut que cette tactique réussisse maintenant au delà même des

espérances du tsarisme. Il se peut qu’après avoir prêché au peuple

la haine du juif, de l’intellectuel, du révolutionnaire, l’autocratie ne

puisse plus refouler et tenir en bride ces instincts sauvages, même

à l’heure où elle-même se résigne à un régime nouveau. [...] Il n’y a

plus de salut pour la Russie que dans la plénitude de la Révolution,

c’est-à-dire dans la convocation d’une Assemblée constituante,

librement et directement élue par le peuple tout entier ».