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Histoire
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JAURÈS Jean
(1859-1914) homme
politique.
3 manuscrits autographes signés
« Jean Jaurès », [avril 1905] ; 13 pages
in-fol., 15 pages in-4 et 9 pages
et quart in-fol. (petites fentes à ce
dernier ; le 1
er
et le 3
e
mss portent le
timbre sec de la
Collection Justin
Godart
).
3 000 / 4 000 €
Trois articles parus dans
L’Humanité
sur le
Maroc et la crise franco-allemande
.
[Pour contrer la France qui veut étendre
son influence au Maroc, et qui a obtenu
par accord la neutralité britannique sur la
question, le Kaiser Guillaume II débarque
le 31 mars 1905 à Tanger et prononce un
discours incendiaire affirmant son soutien au
Sultan pour préserver son indépendance et
sauvegarder les intérêts de l’Allemagne au
Maroc. Ce « coup de Tanger » provoquera le
6 juin la démission du ministre des Affaires
étrangères Théophile DELCASSÉ.]
Parole et silence
(1
er
avril 1905). « Est-ce
que M. Delcassé a juré de jouer un jeu de
cache-cache avec les difficultés ? Il a été
interrogé hier au Sénat […] au sujet des choses
du Maroc, et de l’attitude d’une partie de la
presse allemande. Il a répondu comme s’il
n’avait pas entendu le mot Allemagne. Croit-il
vraiment qu’il y a sagesse et dignité à ruser
ainsi avec les faits ? […] M. de Bülow déclare
avec insistance à la tribune du Reichstag qu’il
saura défendre les intérêts économiques
de l’Allemagne au Maroc. Et l’Empereur
lui-même, dans une visite à Tanger, qui a
évidemment pour effet d’animer contre nous
les résistances musulmanes, félicite les négo-
ciants allemands de l’activité avec laquelle ils
défendent les droits de l’Allemagne “dans un
pays libre”. C’est dire que l’Allemagne consi-
dère que le pouvoir du Sultan subsiste en
son intégrité, qu’il n’a reçu, par l’effet d’aucun
accord diplomatique, aucune atteinte directe
ou indirecte. […] Ce que nous, Français, nous
avons le droit et le devoir de nous demander,
c’est si la méthode de silence affecté de
M. Delcassé suffira à dissiper le malentendu
qui va grandissant, ou si elle ne l’aggravera
pas au contraire. […] nous croyons, nous, que
le patriotisme exige que la diplomatie dissipe
toute équivoque, et prévienne par des expli-
cations franches tous les conflits possibles.
II se peut qu’il en coûte à M. Delcassé, qui a
cru sottement qu’en ignorant l’Allemagne il la
supprimait, de renoncer à ce mutisme niais,
agaçant et dangereux. Mais il serait criminel
d’y persister. […] Il est en train de gâcher la
seule grande et bonne chose qu’il ait faite,
je veux dire l’accord franco-anglais. Nous
n’avons cessé de dire quelle joie c’était pour
nous de voir de bons rapports s’établir entre
la France et l’admirable nation anglaise. Les
deux peuples peuvent beaucoup, par leur
entente cordiale, pour le maintien de la paix,
pour le développement de la civilisation. Mais
c’est à la condition que leur accord ne soit
pas la coalition de deux chauvinismes »…
Voie ouverte
(10 avril 1905). « Si faible qu’ait
été l’autre jour l’effort de bon sens de M. Del-
cassé, il a suffi à amener une détente dans les
relations franco-allemandes ». Jaurès com-
mente la réponse de Bülow à Delcassé. « La
diplomatie allemande croit pouvoir conclure
du langage de notre ministre que celui-ci
n’entend pas pratiquer au Maroc, dans l’in-
térêt exclusif de la France, une politique
de protectionnisme et de prohibition. Le
marché marocain resterait ouvert à toutes les
nations »… Il faudrait donc prendre un enga-
gement précis qui assure le libre-échange
au Maroc, et non ce protectionnisme qui
« crée une petite oligarchie de monopo-
leurs qui exploitent les indigènes […] Nous
sommes, par l’Algérie, voisins du Maroc :
notre trafic méditerranéen est considérable.
Il est donc certain que si le Maroc pacifié,
organisé, s’éveille à la civilisation et au travail,
la France y pourra pratiquer des échanges
très étendus sans avoir besoin d’y dresser
une muraille de douanes contre les produits
des autres peuples »… Jaurès s’inquiète de la
convocation d’une conférence internationale
« qui serait saisie par le Sultan de la question
marocaine. […] Elle aurait vraiment trop l’air
d’être dirigée contre l’accord franco-anglais ».
Il faudrait rétablir des relations courtoises
avec l’Allemagne…
La Conclusion
(20 avril 1905). « Du débat ins-
titué sur le Maroc et sur la difficulté survenue
entre la France et l’Allemagne s’est dégagée
une conséquence très nette et très heureuse.
La Chambre n’a point voté d’ordre du jour,
d’abord pour ne pas compliquer un pro-
blème extérieur des inévitables manœuvres
parlementaires qui auraient pu en fausser
les termes ; ensuite parce que des formules
sommaires répondent mal à la complexité de
ces sortes de questions ». Jaurès se méfie
de la « politique personnelle » de Delcassé.
Rouvier a obtenu une « unanimité morale [...]
en déclarant à la Chambre « que le gouver-
nement tout entier assumait la responsabilité
collective de l’action diplomatique, et que
cette action s’exercerait dans le sens de
négociations franches, claires, conciliantes »,
ce dont les socialistes ont pris acte…