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194

les collections aristophil

954

JAURÈS Jean

(1859-1914) homme politique.

2 manuscrits autographes signés « Jean Jaurès »,

[décembre 1904] ; 39 et 44 pages in-fol. (le second ms porte

le timbre sec de la

Collection Justin Godart

).

2 000 / 2 500 €

Deux articles parus dans

L’Humanité

sur l’affaire Syveton

.

[Gabriel SYVETON (1864-1904), député nationaliste connu pour

ses attaques contre le ministère Combes, a été retrouvé mort le 8

décembre 1904, à la veille de son procès pour avoir giflé le ministre

de la Défense ; la police ayant conclu à un suicide (Syveton étant

compromis dans des malversations financières et des affaires de

mœurs), sa mort avait alimenté un climat de troubles, les milieux

nationalistes développant la théorie d’un complot et d’un assassinat

sur ordre de la franc-maçonnerie.

Leur embarras

(28 décembre 1904). Jaurès a démontré que « si M.

Syveton a été assassiné, comme, je le crois, la veille du procès était

précisément pour les assassins ou leurs amis la date de choix. Elle

leur permettait d’imaginer une sorte d’alibi moral et la diversion du

suicide. Elle leur permettait de dire que M. Syveton s’était suicidé

pour éviter les révélations infamantes qui pouvaient éclater sur lui

le lendemain. Ou encore ils pouvaient se réfugier dans l’épaisseur

de la sottise nationaliste et insinuer qu’une mystérieuse influence

maçonnique et gouvernementale avait précipité le drame à la veille

même du jour redouté par les dirigeants. Ils se déchargeaient ainsi

dans le gouffre de l’ineptie nationaliste de leur fardeau de crimes

comme un assassin jetant le cadavre dans un abîme »… Jaurès

examine longuement les circonstances du drame, le rôle de Mme

Syveton et de son amant, qui apparaissent comme des suspects,

pour conclure : « Dans les conditions où le drame s’est produit, le

suicide est une impossibilité morale et matérielle. C’est bien en face

d’un assassinat que nous sommes, en face d’un crime monstrueux

de droit commun que les meutriers essaient de déguiser ou en un

suicide ou en un attentat politique ».

Suicide impossible

(30 décembre 1904). « Impossibilités morales.

Impossibilités matérielles. Pourquoi, en effet, M. Syveton se serait-il,

suicidé la veille de son procès ? Est-ce parce que sa famille lui a

témoigné, à la suite de terrifiantes découvertes, un tel dégoût qu’il

a été pris d’une sorte de défaillance de la volonté de vivre et qu’il

s’est supprimé lui-même ? Mais, même en supposant M. Syveton

coupable des actes d’immoralité […] et des actes d’improbité que

la veuve a tardivement invoqués contre lui, sa famille n’avait guère

qualité, semble-t-il, pour lui parler avec cet accent d’autorité morale

qui éveille le remords »... Jaurès démonte une à une les hypothèses

d’un scandale qu’aurait eu à craindre Syveton ; il rejette la thèse du

complot soutenue par les nationalistes ; il examine minutieusement

les circonstances du drame et conclut : « Avoir choisi le moyen de

suicide le plus long et ne prendre aucune précaution pour n’être

pas troublé dans l’opération serait d’une étourderie inconcevable.

Et il suffit de noter ce fait si simple, mais si décisif, pour enlever au

suicide toute vraisemblance »…

On joint

une L.A.S. de Joseph REINACH à Jaurès [carte-lettre, 2 janvier

1905] : « “Colère jalouse” – c’est la clef du drame […] Syveton, c’est

Julien Sorel, entre Madame de Rénal et M

lle

de la Môle, la maîtresse

(ou la femme) trompée, et la maîtresse triomphante »…