TAJAN -29 Le titre de la deuxième partie (f. non ch. entre les ff. 46 et 47) porte la note d’un plan : “1) Interrogatoire, 2) Visite et journée, 3) Procès I, 4) Procès II, 5) Aumônier et mort de Dieu”. Les marges contiennent des remarques variées, dont des renvois à la 2e partie, que Camus répète aux feuillets 4, 5, 11, 14, 15, 25, 37 ; au f. 36, il prévient qu’il n’est pas encore journaliste ; au f. 43, il pose la question de la présence de l’arabe, et se répond plus bas ; au f. 57, Camus cite une des variantes du titre, en marge d’un paragraphe qui évoque le tronc d’arbre sec dans lequel le héros pourrait vivre heureux… ; au f. 59, Camus fait référence au Malentendu — comme il renvoie au f. 78 au Mythe de Sisyphe [Le Malentendu, comme Caligula, sont deux pièces publiées sous l’Occupation en 1944. Avec L’Étranger et Le Mythe de Sisyphe, publiés en 1942, elles forment le “cycle de l’absurde”] ; au f. 63, il fait le lien avec lui-même, en marge d’un paragraphe évoquant un journaliste ; aux feuillets 76, 80 et (91), il qualifie d’étrange plusieurs éléments du roman (le discours, le procureur, l’exécution)... CROQUIS EXCEPTIONNELS De manière inattendue, Camus compose dans les marges 14 croquis, qui ont parfois l’allure de plaisanteries cachées, placées en face des passages correspondants : f. 3 : les chevalets portant le cercueil et le profil de l’infirmière - f. 9 : caricature d’un employé des pompes funèbres - f. 12 : chemin (raccourci suivi par M. Pérez lors du convoi funèbre) - f. 14 : croquis biffé - f. 15 : caricature de la tête de Fernandel (film que Marie veut voir) - f. 29 : profil de l’agent de police (qui arrive chez Raymond, en train de battre une femme) - f. 40 : soleil au dessus d’un horizon (le déjeuner à la plage chez Masson) - f. 41 : soleil : “le sable surchauffé me semblait rouge maintenant” (avant la bagarre) - f. 42 : soleil : “ils se sont enfuis très vite pendant que nous restions cloués sous le soleil” - f. 44 : corps allongé : “Il était seul. Il reposait sur le dos, les mains sous la nuque, le front dans les ombres du rocher, tout le corps au soleil.” - f. 47 : caricature de l’avocat : “Il était petit et rond, assez jeune, les cheveux soigneusement collés.” - f. 81 : petite guillotine : “Je vous demande ma tête de cet homme”. - f 85 : moyenne guillotine : “Le président m’a dit dans une forme bizarre que j’aurai la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple français.” - f. (91) : haute et étroite guillotine : “On se fait toujours des idées exagérées de ce qu’on ne connaît pas. Je devais constater au contraire que tout était simple : la machine est au même niveau que l’homme qui marche vers elle.” On ne retrouve pas ce genre de dessins dans les autres manuscrits de Camus. Défauts en trompe-l’oeil ? Le manuscrit est en parfait état, les feuillets sont propres et lisses. De rares et minimes défauts semblent participer à la plaisanterie des croquis : la petite brunissure au f. 21, les légères taches d’eau sur quelques lignes au f. 30, et sur les Le premier manuscrit connu, assurément original, appartient à la collection particulière de Catherine Camus1 ; il révèle un premier état qui “ne diffère pas profondément du second état ni de la première édition”2, assemble plusieurs versions (la date “mai 1940” est remplacée par “février 1941”), et “des passages présents dans l’édition originale sont absents de (ce) ms2”3. VARIANTES ET CORRECTIONS ; REMARQUES, EN PARTIE INÉDITES : En 1991, Roger Quilliot4, qui eut accès à ce manuscrit dans les années 1960, releva certaines des variantes et quelquesunes des remarques marginales, et en 2006 André Abbou en donna cette description : “Il présente un certain nombre de ratures nettes et de corrections. De façon surprenante, il comporte des mentions telles que « Attention à la 2e partie » et des illustrations marginales — chevalets en X sur lesquels repose le cercueil de la mère ou une guillotine schématisée. Les variantes textuelles paraissent hybrides, donnant des leçons tantôt contemporaines de “ms. 2” et tantôt postérieures.”5 Tous les feuillets sont entièrement manuscrits d’une écriture serrée, avec une plume noire épaisse, couverts de ratures, d’ajouts entre les lignes et dans les marges, le tout parsemé de flèches et renvois. Le texte, ainsi accompagné de lignes droites ou courbes, semble danser sur les feuillets. Dans la première partie, chaque page est très chargée. Dans la deuxième partie, les chapitres I à III comportent moins de ratures ; les feuillets du chapitre IV sont plus aérés ; le chapitre V est de nouveau chargé de ratures et ajouts. La numérotation cesse au f. 87. Aux feuillets 35-41, puis des 4 dernières lignes du f. 95 au f. 98, la graphie diffère et est plus fine. Les variantes sont très nombreuses (mots et tournures différents, sans que le sens soit modifié) ; les noms propres sont parfois abrégés aux initiales (“P.” pour Pérez ; “Ray.” pour Raymond ; “M.” pour Marie...). Au bas de la page de titre, se trouvent 4 sous-titres, dont l’importance est soulignée par Roger Quilliot6 comme autant de “confidences déguisées” : “La Pudeur, Un Homme libre, Un Homme heureux, Un Homme comme les autres”. 1 C atherine Camus est la fille d’Albert Camus et ayant-droit ; ce manuscrit [86 feuillets : 72 ff. autographes et 14 ff. dactylographiés avec corrections, et dont la version manuscrite a disparu] est déposé depuis 2000, dans le Fonds Albert Camus à la bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence (CMS2. Ac2-01.0). On a également la trace d’un autre manuscrit original, de premier jet, fragment au crayon sur une demi-page. Alice Kaplan (En quête de l’Étranger, Gallimard, 2006, p. 294 note 5) indique qu’elle n’a “pas pu localiser ce fragment dans le Fonds Camus conservé à la bibliothèque Méjanes”. 2 R oger Quilliot, Pléiade 1991, Théâtre, récits, nouvelles, p. 1917. Roger Quilliot (1925-1998), un temps secrétaire de Camus, fut docteur ès lettres, sénateur et ministre. 3 A ndré Abbou (1937-2021), Pléiade, 2006 : OC, I, p. 1262. 4 R oger Quilliot, Pléiade 1991, Théâtre, récits, nouvelles. 5 A ndré Abbou, Pléiade, 2006 : OC, I, p. 1262. 6 P léiade, 1991, Théâtre, récits, nouvelles, p. 1916.
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