PESCHETEAU-BADIN . LIVRES ET MANUSCRITS – BIBLIOTHÈQUE DANIEL JOUVE

92 LE FUTUR MARÉCHAL DE NAPOLÉONIII ENEXIL À NEWYORK AUPRÈS DE SON PÈRE ANCIEN MINISTRE DE NAPOLÉONIer 88. regnaud de saint-jean-d'angély(Auguste). 2 lettres autographes signées « Aug. ». New York, 1816. 400 / 500 € Projets de mariage américain — [À Marie-Barbe de La Tour]. New York, 16 février 1816. « Chère maman petite, nous sommes vraiment voués à la malédiction du Ciel, il semble écarter du port de New York tous les bâtiments français & je crois n'y laisse aborder que ceux qui n'ont pas de lettres pour nous... Tu ne saurais croire combien mon père est tourmenté, il ne se plaît pas dans CE PAYS DONT LES MŒURS DIFFÈRENT TROP DES NÔTRES... Mon père se plaint souvent de Mr Buffault [beau-frère de l'épouse de Regnaud, le banquier Philippe-Jean-Baptiste Buffault, ancien directeur des dépenses du Domaine extraordinaire de la Couronne, demuré conseiller maître à la Cour de Comptes, par ailleurs frère d'un régent de la Banque de France], il n'a pas reçu une seule lettre de lui, et comme il l'a laissé, de concert avec toi, chargé de ses affaires, il ne peut concevoir qu'il soit resté 5 mois sans lui en dire un mot ; peut-être les lettres se sont-elles perdues ? Mais si effectivement mon oncle est resté si longtems sans écrire, dis-lui, je t'en prie, de le faire promtement, car tu sais que mon père est assez prompt à accuser, et dans la position où il est, les hommes sont généralement plus portés à ce sentiment. Nous vivons... assez tranquillement. Moi qui depuis quelques années suis un peu fait aux m[œ]urs étrangères, j'adopte plus facilement celles de ce pays. LES FEMMES Y SONT POUR LA PLUPART JOLIES, ET C'EST UN GRAND POINT. Je suis amoureux et c'en est un second. Il y a quelque tems que, pour faire plaisir à mon père, je suis allé à un grand bal où j'ai vu un grand nombre de jolies personnes. Décem[m]ent, je ne pouvais quitter tant de beautés sans devenir un peu amoureux, aussi le suis-je dans toutes les formes. JE SUIS AMOUREUX DE TROIS JEUNES PERSONNES,chacune charmante dans son genre ; mais je ne sai[s] encore à qui donner la préférence. J'AIME LA PREMIÈRE, D'ABORD PARCE QU'ELLE EST FORT JOLIE, QU'ELLE PARLE BIEN FRANÇAIS, CE QUI EST BEAUCOUP POURMOI, QU'ELLE DANSE À MERVEILLE, CE QUI EST RARE DANS CE PAYS,mais surtout elle dessine et peint comme un ange. Sa famille est convenable et sa fortune confortable, je me suis fait présenter chez elle, je vais assidument lui faire ma cour, mais ce qui te paroîtra singulier, c'est que je ne connais encore ni son père ni sa mère, quoique j'aye été plus de dix fois chez elle, et dîné. LA SECONDE EST SANS CONTREDIT LA PLUS BELLE DES TROIS, ELLE PASSE MÊME POUR LA PLUS BELLE PERSONNE DE N[ew] Y[orK] .Tout le monde le sait excepté elle. Mais ce qui me séduit, c'est une douceur, une modestie, une candeur enchanteresse, elle séduit tout ce qui l'entoure, sans s'en appercevoir, et si jamais elle remarque une partie de tout l'effet qu'elle produit, ce n'est que pour en rougir et en paroître plus aimable. Mes affaires sont moins avancées près d'elle que près de la première. Je ne lui ai encore fait qu'une seulevisite, et s'il faut que je sois franc, elle n'était pas chez elle. De plus, comme elle est encore jeune et que sa mère prend un grand soin de son éducation, elle va peu dans le monde, ainsi tu vois qu'il faut que je nourrisse un peu ce second amour dans le silence et dans la solitude, mais il n'en est pas moins violent. Nous voilà enfin arrivés à la troisième ; c'est ici qu'il faut ouvrir de grands yeux et prêter toute ton attention : LA TROISIÈME, DONC, EST CE QUE L'ON APPELLE ICI anheiress , UNE HÉRITIÈRE. Je crois qu'elle a seize ans, elle n'est pas grande mais parfaitement bien faite, de grands cheveux châtains, des yeux noirs bien vifs et peutêtre un peu coquets, les plus belles dents du monde, de la grâce jointe à une gaîté encore un peu enfantine ; mais tout cela est peu de chose auprès de 160 mille gourdes [ancienne monnaie de transaction des colonies françaises des Antilles], ou 800 mille francs, que bon gré mal gré elle forcera son mari d'accepter. C'est celle auprès de qui je suis le plus avancé ; sa mère me fait un grand accueil, et le père ne jure que par moi, tous les jours je suis invité chez lui et quelque souvent que j'y aille, il trouve encore que je le néglige ; il m'a pris l'autre jour à part pour me dire que sa fille ne s'amusait que quand je venais chez lui, qu'elle n'allait au bal que pour danser avec moi. Enfin, chère maman petite, j'ignore comment cela finira, mais SÛREMENT MA PREMIÈRE LETTRE SERA POUR T'APPRENDRE QUE JE SUIS MARIÉ AVEC L'UNE DES TROIS.Que la polygamie n'est-elle permise !!! J'oubliais de t'apprendre les noms de ma trinité : la première se nomme mis[s] Elisabeth, la seconde mis[s] Maria, et la troisième mis[s] Camillia... Adieu, j'interromps mon bavardage pour t'embrasser mille et mille fois, pour te serrer sur mon cœur... Mille choses tendres à toutes les cascades, à tous les rochers, à tous les buissons du Val [ancienne abbaye, près de L'Isle-Adam, propriété de Regnaud]... » (4 pp. in-4). Sur Barbe-Marie Hutot de La Tour, voir ci-dessus le n° 85. Projet d'association commerciale avec des négociants français de Baltimore — À sa mère adoptive Laure Guesnon de Bonneuil, madame Regnaud de Saint-Jean-d'Angély. New York, 9 avril 1816. « ... Ne trouvant aucune chance de m'employer ici, et la vie y étant d'une chèreté épouvantable, mon père a résolu que je retournerai au milieu de vous, pour y partager avec Mr Buff[aul]t les affaires... MON PÈRE TROUVE QUE L'ARGENT S'EN

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